Ce bulletin est décliné aussi par région, disponible via les CIRE et mis à disposition des institutions, acteurs médicaux et associatifs pour informer le diagnostic régional et local et réorienter si nécessaire les stratégies. Cette déclinaison régionale est d’autant plus nécessaire que les territoires, leur démographie, notamment celle des populations clés et l’offre de prévention et de soins produisent des très forts contrastes dans la dynamique épidémiologique du VIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. et des IST Infections sexuellement transmissibles. et dans les réponses apportées.
Les grands traits qui se dégagent de l’information sont la poussée du dépistage, une stabilité des nouveaux diagnostics et des paramètres de l’infection VIH, stabilité qui peut être qualifiée comme assortie d’une orientation positive et un bilan préoccupant sur les IST en particulier chez les hommes.
Une nouveauté de l’année 2024, «Mon test IST» , deux ans après VIHTEST : les tests sans prescription (Chlamydia, gonocoque, syphilis, hépatite B, VIH) sont ouverts à tous les assurés dans les près de 4000 laboratoires de biologie français de ville : avec un remboursement toujours à 100% pour le VIH, quel que soit l’âge, pour les autres IST, une prise en charge à 100% pour les moins de 26 ans, «classique» pour les plus âgés. Cette amélioration de l’accessibilité pratique et psychologique, soutenue par des campagnes de communication sur les IST, notamment par Santé publique France, se traduit par une forte poussée du dépistage du VIH déjà amorcée dans les suites de la crise du Covid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2.
Le dépistage du VIH
Pour mémoire, le dépistage repose sur la sérologie Étude des sérums pour déterminer la présence d’anticorps dirigés contre des antigènes. en CeGIDD Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) des infections par les virus de l'immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles. Ces centres remplacent les Centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) depuis le 1er janvier 2016. en laboratoire de biologie, et dans des services hospitaliers, les tests rapides réalisés principalement par les acteurs communautaires, et les autotests ; Santé publique France collecte toutes les informations auprès de ces différentes structures.
Le dépistage du VIH est ainsi suivi depuis très longtemps par LaboVIH, l’enquête annuelle auprès de tous les laboratoires hospitaliers de ville ou autres qui apportent sans détail le nombre de tests et de tests positifs confirmés, et quel que soit leur cadre de réalisation (dans le cadre d’un séjour hospitalier, d’un CEGIDD, d’un centre de santé sexuelle, d’une PMI ou bien sûr en laboratoires. Ici, les actes sont rapportés au lieu du laboratoire. Depuis quelques années, le SNDS est aussi exploité pour identifier les actes remboursés individuellement mais aussi le nombre de personnes concernées avec l’âge, le sexe des assurés et le département. Les actes sont rapportés au département d’affiliation des assurés, ce qui permet le calcul de taux.
En 2024, le nombre total de sérologies dans LaboVIH est estimé après correction pour la sous participation à 8,58 millions de tests, 13% de plus qu’en 2023 et 41% de plus qu’en 2021. Observé par le SNDS, en 2024, le dépistage remboursé individuellement à des assurés est de 7,06 millions de tests qui concernent 6 millions d’assurés, soit une augmentation de 17% en un an. Parmi ceux-ci, 1,71 million de tests, 20% du total, ont été faits sans prescription. Le nombre de tests positifs dans LaboVIH est de 11 178 en baisse de 2% par rapport à 2023, mais en hausse de 10% par rapport à 2021 ; évolutions encore difficiles à interpréter.
Malgré une baisse du dépistage communautaire (50 000 tests en 2024) et une régression des ventes d’autotests (attention, les remises gratuites par les associations ne sont pas comptés), le dépistage du VIH, pilier de la prévention combinée a fortement progressé, avec toujours des contrastes régionaux en taux rapportés à la population.
Les paramètres épidémiologiques de l’épidémie VIH
Tendance des nouveaux diagnostics
Les nouveaux diagnostics reflètent, on le sait, à la fois l’incidence des contaminations en France, les cas de personnes infectées à l’étranger et dont la séropositivité est découverte en France et le délai au diagnostic. Le suivi des nouvelles découvertes repose sur le signalement obligatoire (nouveau nom pour la déclaration). Le signalement comporte des éléments clés de caractérisation des cas indispensables à la compréhension de l’épidémie.
En 2024, avec 5125 (IC 95% 5003-5245) nouvelles découvertes, la situation est stable par rapport à la période 2020-2023 lors de laquelle une augmentation avait été observée. On retrouve le gradient régional avec en haut du spectre l’Île-de-France, les départements d’outre-mer pour des taux rapportés au million d’habitants au-dessus de 100, variant de 113 à la Réunion à 672 en Guyane et 192 en Ile de France, seuls Provence-Alpes-Côte d’Azur et Centre Val de Loire se situent entre 55 et 65, pour les autres régions les taux sont entre 36 et 50, toujours par million d’habitants.
La répartition des nouvelles découvertes fait ressortir la part dominante des hommes cis (68%) et, parmi eux, des HSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. (42%), des personnes nées hors de France (56% dont 37% en Afrique subsaharienne), des adultes de 25 à 50 ans (64%), et peu nombreux, 2% de personnes trans et 1% d’usagers de drogue.
Caractéristiques des personnes ayant découvert leur séropositivité en 2024, France. Source : Santé publique France, SO VIH, données au 30 juin 2025 corrigées pour tenir compte de la sous-déclaration, des délais de déclaration et des déclarations incomplètes
La tendance stable s’observe dans tous les groupes, y compris les HSH nés en France, qui sont le groupe dans lequel la précocité du diagnostic est la plus forte (48%) et la prévention par la PrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. la plus utilisée avec une prise en charge globale de la sexualité. On observe aussi une forte proportion d’autres IST lors du diagnostic VIH (44% pour les HSH nés en France et 46% pour ceux nés à l’étranger. Ces constats interpellent.
Nombre de découvertes de séropositivité VIH par population*, France, 2012-2024. Population définie par le genre, le mode de contamination probable et le lieu de naissance. Les HSH ainsi que les hommes hétérosexuels et les femmes hétérosexuelles désignent ici des personnes cisgenres. Source : Santé publique France, DO VIH, données corrigées au 30 juin 2025
La stabilité pour les personnes nées à l’étranger est moins évidente à lire directement car, comme le montre la publication récente de l’équipe de Santé publique France, la population immigrée notamment subsaharienne augmente fortement : le nombre croissant de nouvelles découvertes reflète cette croissance et non une aggravation du risque d’infection. (Voir notre article : De nouveaux indicateurs pour mesurer les tendances de l’épidémie VIH dans la population migrante en France .
Il faut ajouter aux nouvelles découvertes, des cas nouvellement pris en charge de personnes arrivées en France avec leur diagnostic et souvent un traitement : 725 (IC95% 681 -777).
Les paramètres estimés de l’épidémie VIH en France
La lecture de la situation épidémiologique bénéficie aujourd’hui de éclairage majeur de la modélisation des paramètres de l’épidémie, par groupes de population : délais entre infection et diagnostic, part des personnes nées à l’étranger infectées avant ou après leur arrivée, nombre de cas incidents en France par groupe, population non diagnostiquée en fin d’année par groupe (à noter qu’il ne s’agit pas d’une population cachée, mais de la valeur d’un flux estimée en fin d’année qui inclut des personnes infectées dans les dernières semaines ou les derniers mois de l’année et pas encore testées et d’autres infectées un an ou plusieurs années avant).
La population non diagnostiquée fin 2024 est de 9676 (IC 95% 9254-10697), stable dans les dernières années, largement dominée par les hommes. C’est cette population qui, non traitée, contribue à la transmission du VIH en France.
Estimation du nombre de contaminations par le VIH en France par population*, France, 2012-2024. Source : Santé publique France.
Nombre de personnes vivant avec le VIH non diagnostiquées en fin 2024, par population, France. Source : Santé publique France.
L’amélioration du dépistage doit faire baisser les délais au diagnostic, globalement il est de 1,7 an (IIQ 0,5-4,5), délai qui après une hausse entre 2020 et 2023 est revenu au niveau de 2019. On le sait, les délais au diagnostic sont différents entre les groupes s’échelonnant entre la valeur médiane de 0,9 an pour les HSH nés en France à 2,9 ans chez les hommes hétérosexuels nés à l’étranger
Estimation du temps entre l’infection et le diagnostic pour chaque groupe de transmission, France entière. Source : Santé publique France (Présentation, 14 octobre 2025).
Chez les HSH, quel que soit leur pays de naissance et les personnes trans, le premier quartile et la médiane sont relativement bas, mais dans tous les groupes le 3ème quartile de la distribution varie de 3 ans chez les HSH à près de 7 ans chez les hommes hétérosexuels nés à l’étranger, donc de très longues périodes de transmission possible. Dans cette estimation, il faut noter que pour les personnes nées à l’étranger ne sont pas distinguées celles qui étaient infectées avant leur arrivée et celles qui sont infectées après. Une analyse publiée récemment par Santé publique France publiée dans Journal of AIDS distingue ces situations, résultats de l’analyse approfondie, les « migrants » infectés en France sont plus rapidement diagnostiqués que les natifs . Enfin, il faut rappeler que les personnes arrivant avec une infection VIH non connue sont très rapidement testées, dans un délai médian de 0,4 an (IIQ 0,2-1).
La cascade de soins s’établit en 2024, à 94,1% des personnes séropositives sont diagnostiquées, 96,2% sont traitées et 96,9% ont une charge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. en dessous de 200 CD4/ml.
En commentaire, on ajoutera que tous les paramètres VIH aujourd’hui disponibles et mis à jour devraient inciter à une révision des stratégies de communication, de prévention et de dépistage.
L’objectif des 3×95 est désormais quasi atteint, et pourtant, l’épidémie ne cède pas. Une explication est peut-être que cette idée d’un cercle vertueux des indicateurs élevés de la cascade conduisant à la fin de la transmission ne tient pas compte de l’ouverture de chaque pays aux autres : les individus circulent entre des régions et des pays de niveaux différents : étrangers s’installant en France pour quelques mois ou années ou simples touristes, touristes et voyageurs français visitant la planète, font légèrement dérailler la vision performative des 3×95 : sans doute parce que les niveaux atteints en France par la prévention combinée sont plus bas dans certains pays visités.
Dépistage des IST bactériennes et taux de diagnostics
Ce bilan annuel porte aussi sur les IST bactériennes les plus courantes : infection à chlamydia, gonocoque, syphilis. Il repose sur le SNDS qui identifie a) le recours au dépistage au moins une fois dans l’année et b) l’existence d’un traitement antibiotique dans le décours du dépistage, indicateur des cas positifs. Le SNDS apporte donc une vision complète des actes de dépistage réalisés en laboratoire sur prescription et depuis septembre 2024 aussi sans prescription après la mise en œuvre du programme « Mon test IST ».
Taux de dépistage* des infections à Chlamydia trachomatis par sexe et classe d’âge, France, 2014-2024. (*Personnes dépistées au moins une fois dans l’année pour 1 000 habitants.) Note : l’année 2018 a été une année de modification de la nomenclature des tests de dépistage/diagnostic des infections à Chlamydia trachomatis. Source : SNDS, exploitation Santé publique France, juillet 2025.
Taux d’incidence* des diagnostics d’infection à Chlamydia trachomatis en secteur privé par sexe et classe d’âge, France, 2014-2024. (*Personnes diagnostiquées et traitées au moins une fois dans l’année pour 100 000 habitants.) Note : l’année 2018 a été une année de modification de la nomenclature des tests de dépistage/diagnostic des infections à Chlamydia trachomatis. Source : SNDS, exploitation Santé publique France, septembre 2025.
Taux de dépistage* des infections à gonocoque par sexe et classe d’âge, France, 2014-2024. (*Taux de dépistage : personnes dépistées au moins une fois dans l’année pour 1 000 habitants.) Source : SNDS, exploitation Santé publique France, juillet 2025
Taux d’incidence des diagnostics d’infection à gonocoque en secteur privé par sexe et classe d’âge, France, 2014-2024. (*Taux d’incidence des diagnostics : personnes diagnostiquées et traitées au moins une fois dans l’année pour 100 000 habitants.) Source: SNDS, Exploitation Santé publique France, juillet 2025.
Taux de dépistage* de la syphilis par sexe et classe d’âge, France, 2014-2024. (*Personnes dépistées au moins une fois dans l’année pour 1 000 habitants.) Note : données incomplètes pour l’année 2018. Source: SNDS, exploitation Santé publique France, juillet 2025
Taux d’incidence* des diagnostics de syphilis en secteur privé par sexe et classe d’âge, France, 2019-2024. (*Personnes diagnostiquées au moins une fois dans l’année pour 100 000 habitants.) Source: SNDS, exploitation Santé publique France, septembre 2025.
Globalement, ce sont 3,4 millions de personnes qui ont fait un dépistage chlamydia en 2024, 3,7 millions pour le gonocoque et autant pour la syphilis. Les taux de dépistage en population sont en augmentation régulière dans les deux sexes : si le rythme d’accroissement du dépistage est plus accentué chez les hommes, les femmes qui avaient un temps d’avance recourent plus au dépistage. « Mon test IST » encore très récent (septembre 2024) est plus utilisé par les femmes que par les hommes.
Sur l’ensemble des dépistages, les jeunes femmes et les femmes de 25 à 49 ans se dépistent beaucoup plus que les hommes du même âge. L’augmentation du dépistage reste faible chez les plus de 50 ans, mais il faut remarquer que ce groupe d’âge est très large avec des personnes très âgées. Une analyse plus resserrée serait utile pour la population de plus de 50 ans.
Logiquement, l’augmentation du dépistage se traduit dans l’augmentation des taux de diagnostics dans les deux sexes. En 2024, les taux d’infection diagnostiquée et traitée sont de 104 pour 100 000 chez les hommes et 75 chez les femmes pour chlamydia, l’écart est plus marqué pour les infections à gonocoque traitées, respectivement 55 et 21 pour 100000, et plus encore pour la syphilis avec 17 pour 100000 chez les hommes et 2 chez les femmes. En termes d’âge, pour les infections à chlamydia, les jeunes femmes (moins de 25 ans) sont le groupe le plus touché devant les hommes de 25 à 49 ans, pour les infections à gonocoque, les hommes de 25 à 49 ans sont très au-dessus des <25 ans, hommes et femmes, pour la syphilis, les hommes de 25 à 49 ans un taux très au-dessus des autres groupes masculins, les femmes ont des taux quel que soit l’âge en dessous de tous les groupes masculins.
À ces variations selon l’âge et le sexe, s’ajoute un fort gradient régional avec toujours des niveaux beaucoup plus élevés en Île-de-France et dans les départements ultramarins par rapport aux autres régions.
En commentaire, la progression du dépistage apparaît portée par les campagnes de communication, sans doute des attitudes nouvelles des prescripteurs et la facilitation de l’accès au dépistage. On doit aller plus loin dans l’interprétation des résultats pour démêler ce qui tient à la croissance du dépistage et ce qui tient à une augmentation du risque d’acquisition de ces infections à l’échelle des régions et des populations. Il paraitrait utile de distinguer les HSH et les personnes trans pour lesquels on observe en CeGIDD des taux beaucoup plus élevés de syphilis et gonocoque, respectivement par rapport aux hommes hétérosexuels et aux hommes et femmes cis. On ne voit pas poindre, pour le moment, un effet du dépistage comme instrument de réduction de la transmission des IST. On le sait, on ne dispose pas d’autres moyens que le préservatif tandis que la prophylaxie post-exposition par la doxycycline reste un moyen limité dans son intérêt au niveau populationnel. De plus, son utilisation à large échelle doit être surveillée pour les risques de résistance, qui sont très souvent discutés.
Les données présentées cette année encore invitent à affiner les stratégies en matière de prévention mais aussi de recherche.
Enfin, les gradients régionaux très étendus, qui se déclinent aussi au niveau infra-régional, appellent à dessiner des programmes contextualisés selon la composition des populations et l’offre de soins, et à ne pas se satisfaire de mesures générales.