De la théorie du traitement ARV universel et précoce à la pratique

Séminaire de Recherche ANRS 2015

Un enjeu majeur Nord-Sud mais aussi Est-Ouest où se mêlent la recherche fondamentale, la virologie clinique, les données des sciences sociales, sans oublier l’immunologie et la place associative. Plusieurs éléments ont donné à ce séminaire un coup de projecteur tout particulier. A commencer par la commercialisation largement rendue publique, y compris par la Ministre, des autotests en France. Outil de dépistage pour lequel l’ANRS a dépêché l’étude ANRS V3T. Une étude qui combine une enquête transversale et une recherche interventionnelle censés apporter des informations concrètes sur l’utilisation pratique des autotests dans la vraie vie: les  obstacles, les difficultés, les éléments facilitateurs du processus du dépistage du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. comme outil de prévention et comme base de l’accès aux soins en cas de résultat positif, qu’il convient d’évaluer.

La question des conséquences et des bénéfices du traiter tôt seront déclinés durant ces 2 jours de séminaire sous plusieurs angles et plusieurs continents à commencer par les grands essais thérapeutiques ayant permis à la fois d’installer le traitement précoce et de dessiner le paysage du TasPTasp «Treatement as Prevention», le traitement comme prévention. La base du Tasp a été établie en 2000 avec la publication de l’étude Quinn dans le New England Journal of Medicine, portant sur une cohorte de couples hétérosexuels sérodifférents en Ouganda, qui conclut que «la charge virale est le prédicteur majeur du risque de transmission hétérosexuel du VIH1 et que la transmission est rare chez les personnes chez lesquelles le niveau de charge virale est inférieur à 1 500 copies/mL». Cette observation a été, avec d’autres, traduite en conseil préventif par la Commission suisse du sida, le fameux «Swiss statement». En France en 2010, 86 % des personnes prises en charge ont une CV indétectable, et 94 % une CV de moins de 500 copies. Ce ne sont pas tant les personnes séropositives dépistées et traitées qui transmettent le VIH mais eux et celles qui ignorent leur statut ( entre 30 000 et 50 000 en France). (ANRS TEMPRANO, START, HPTN052…) mais aussi les conséquences du traiter tôt sur les tests de diagnostic disponibles, sur le risque d’une transmission du VIH sous traitement antirétroviral, et plus globalement la question virologique de la réplication virale résiduelle chez les patients traités et indétectable.

L’objectif 90-90-90 de l’Onusida qui vise à ce que d’ici 2020, 90% des personnes vivant avec le VIH soient diagnostiqués, 90% des personnes diagnostiquées soient sous traitement antirétroviral et 90% des personnes sous traitement obtiennent un contrôle de leur virémie VIH sera aussi au cœur de ce séminaire. Exemple même de théorie qui doit se confronter à la réalité de terrain, sachant en plus que selon le GAP Report publié par l’Onusida en 2014, on estime à 45% le pourcentage d’adultes vivant en Afrique avec le VIH et connaissant leur statut sérologique. Des données poolées qui ne tiennent pas compte de la diversité, notamment sur le continent africain : par exemple dans la province du Kwazulu Natal où l’essai TasP ANRS 12-249 est réalisé, on estime qu’environ 75% des personnes infectées connaissent leur statut avant l’essai et 90% pendant l’essai.

Mais qui dit traitement universel, dit aussi offre et demande de stratégies d’allègement thérapeutique. Ces questions seront discutées par Pierre Delobel, à la lumière des différents essais ANRS en cours (ETRAL, LAMIDOL, DARULIGHT, 4D…).

Parmi les communications particulièrement attendues figurent les données d’acceptabilité des essais d’éradication de type «CURE», avec l’étude ANRS-APSEC présentée par Marie Préau qui analyse les préférences, les jugements, les motivations, les freins quant à la décision de participer ou de proposer un essai clinique de type CURE. Très attendue aussi, l’intervention de Steven G Deeks de l’Université de Californie qui, à partir des éléments immunologiques de la persistance virale du VIH et des risques de survenue du cancer, dégagera les implications pour le développement théorique et pratique d’un traitement d’éradication.

Enfin, il est à parier que le Directeur de l’ANRS aura à cœur d’inscrire ce séminaire dans les perspectives à venir de la recherche sur le VIH en France, notamment avec l’accueil à Paris de la conférence de l’IAS en 2017, et qu’il présentera les grandes lignes du projet de recherche actuellement débattu au sein de l’ANRS d’un «Paris sans sida», qui s’accompagne de la réflexion d’un groupe de travail mené par France Lert à la Mairie de Paris. Projet qui vise, comme c’est le cas à Amsterdam ou à San Francisco, à mettre en pratique la théorie du Test and Treat.

C’est en raison de l’importance de toutes ces questions et avancées pour notre communauté que l’ANRS s’est associée pour la première fois à Vih.org et à La lettre de l’Infectiologue pour donner un reflet en direct (flash-info disponible à partir du 25 Septembre 2015) mais aussi sur la longueur, à ces deux jours d’échanges que l’on pressent prolixes.