Les journées thématiques Santé sexuelle ISTIST Infections sexuellement transmissibles. PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. Vaccination coorganisées par Santé publique France, la Société française de lutte contre le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. (SFLS) et la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) se sont tenues les 15 et 16 mai à Paris. Occasion d’échanges centrés sur les enjeux de prévention entre acteurs en clinique, recherche, en santé publique et institutionnels. Occasion aussi d’avancer sur la réunion, au sein des successeurs des Corevih, les Coress, des acteurs des IST et de ceux de la santé sexuelle. Occasion de présenter les nouvelles données sur la sexualité en France, des problématiques autour des vaccins protecteurs en matière d’IST ou encore les enjeux éthiques et juridiques autour de la notion de consentement et de la prise en charge des mineurs.
Une session était largement consacrée à la PrEP. Avec le recul depuis 2016, on voit à la fois un tassement de la croissance, les directions à prendre pour élargir les publics bénéficiaires potentiels de la PrEP en allant vers les femmes migrantes, vers les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. un peu ou beaucoup distants des codes identitaires, mais aussi en considérant désormais la façon d’inscrire la PrEP dans la normalité des temporalités de la sexualité, plusieurs partenaires, un seul ou aucun en adaptant les pratiques médicales. Et encore à inclure et trouver la place, dans cet usage de la PrEP, des injectables à longue durée d’action.
Les présentations sont accessibles en ligne.
Utilisation de la PrEP en France. Tendances récentes (Rosemary Dray-Spira, EPIPHARE)
En 8 ans et demi, entre 2016 et 2024, ce sont un peu plus de 103 000 personnes qui ont initié la PrEP. Au premier semestre 2024, 59 300 avaient eu une délivrance de PrEP contre 52 700 un an plus tôt. (lire notre article). La dernière année est cependant marquée par la baisse des initiations : -8 % entre juillet 2023 et juin 2024.

Les caractéristiques des nouveaux usagers évoluent aussi légèrement : les femmes représentent 5,7% contre à peine plus de 2% jusqu’en 2021, la part des grandes métropoles baisse de façon continue pour s’établir à 63,3% et celle des personnes assurées via la complémentaire santé solidaire (CSS) augmente.
Le fait marquant est la part désormais dominante de la primo-prescription et des renouvellements en ville dans la dernière période avec la même proportion de 52%. La proportion plus élevée de personnes hors des grandes métropoles traduit une amélioration de l’accessibilité (70,1% vs 63,4% pour les CeGIDDCeGIDD Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) des infections par les virus de l'immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles. Ces centres remplacent les Centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) depuis le 1er janvier 2016. et les consultations hospitalières) (lire notre article).
Les renouvellements de délivrance dans les 6 mois après l’initiation sont moins fréquents : en 2024, 31% des personnes ayant reçu la PrEP pour la première fois n’ont pas eu de délivrance dans le semestre suivant, elles étaient 28% en 2023, et seulement 18% entre 2016 et 2018.

Cette proportion est plus élevée parmi les usagers ayant reçu une initiation en ville que parmi ceux initiés en CeGIDD ou en consultations hospitalières (36% vs 29% soit respectivement 2,0 vs 2,4 renouvellements).
L’amélioration de l’accessibilité et une diversification encore limitée des usagers vont dans le sens d’une couverture élargie, tandis que la baisse des renouvellements pour les nouveaux usagers de la PrEP reste à investiguer.
L’arrêt de la PrEP dans ERAS (Annie Velter, Santé publique France)
L’arrêt de la PrEP a été documenté dans la vague 2023 de l’enquête ERAS auprès des HSH.
Parmi les hommes ayant pris la PrEP, le taux d’arrêt est de 22%, avec un profil distinct de ceux qui maintiennent leur usage de PrEP : ceux qui arrêtent sont plus jeunes, moins socialement favorisés, plus éloignés des centres urbains, éloignés de la communauté gay et ont moins de partenaires sexuels.
L’interruption a eu lieu après une durée médiane de la PrEP de 9 mois (IQR 2-19) vs 19 mois (8-37) d’ancienneté chez ceux qui sont encore sous PrEP. Cette durée est proche de celle des études françaises dans les centres prescripteurs (lire notre article), mais supérieure à celle d’études internationales. Il est probable que cette durée plus longue par rapport à d’autres pays soit facilitée par la flexibilité des schémas de prise, la diversité des modes d’accès et le remboursement du médicament en France.
Les motifs d’arrêt évoqués sont «le changement de vie sexuelle» (55% des motifs associés à une durée de PrEP après 12 mois), dominant dans les raisons d’arrêt ; suivi par «l’envie d’arrêter» (26% avec une durée médiane de 7 mois), des «raisons médicales» pour 19% après 6 mois. Proposé, le motif «lassitude» est peu cité, mais peut être exprimé par les autres motifs.

Les motifs d’arrêt sont associés à des profils différents : des caractéristiques individuelles combinant l’âge, la proximité avec la communauté gay et le nombre de partenaires d’une part, des facteurs contextuels d’autre part, comme la période plus récente d’initiation, la prescription en ville et la distance aux métropoles. Comme l’a observé un participant à la discussion, les hommes qui interrompent la PrEP ont un profil socio-sexuel proche de ceux qui sont éligibles à la PrEP et ne la prennent pas.
Pour plus de détails : Boutet C, Di Ciaccio M, Spire B, Velter A, Sagaon-Teyssier L. A Competing Risks Duration Model to Study PrEP Discontinuation Among MSM in France: The ERAS 2023 Study. AIDS Behav. 2025 Apr 30. doi: 10.1007/s10461-025-04729-4. Epub ahead of print. PMID: 40301285.
PrEPArez-Vous !
Julie Castaneda et Victoria Manda ont présenté le dispositif et les résultats de l’étude préparatoire à l’implantation de la PrEP dans les centres de santé sexuelle (anciennement CPEF) de Paris et de Seine-Saint-Denis auprès des femmes d’Afrique subsaharienne : l’étude EllesPrEP.
EllesPrEP a porté sur les obstacles et les facteurs facilitants : auprès des professionnelles de santé d’une part, des femmes consultantes d’autre part, dans chaque population par une enquête par questionnaire et par focus groupes.
Les consultantes (n=151) participant à l’enquête avaient 30 ans d’âge médian, étaient depuis 5 ans en France, la moitié était en difficulté pour couvrir ses besoins essentiels, près de la moitié sans titre de séjour. Une petite proportion était anglophone et un tiers rencontrait des difficultés de littératie. Des rapports sexuels forcés depuis l’arrivée en France étaient rapportés par 12% des répondantes. Près de 9 sur 10 ne connaissaient pas la PrEP et aucune n’en avait reçu. Après avoir été informées dans le cadre de la consultation, 62% envisageaient de débuter la PrEP et 51% étaient éligibles au regard des informations rapportées sur leur vie sexuelle.


Les focus groupes (5 groupes, 19 femmes, de 8 pays) ont confirmé ces apports et ajouté de l’information sur la difficulté à négocier le préservatif avec les partenaires, les rapports transactionnels. La prise quotidienne de la PrEP est perçue comme une contrainte et un risque au regard des croyances et des représentations du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. et du stigma persistant. Ce contexte conduit à un intérêt fort pour les solutions injectables qui leur ont été présentées.
À noter dans 12 CPEF étudiés en Seine-Saint-Denis et à Paris, parmi les 25 000 consultantes, environ 7000 sont des femmes migrantes des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale.
Les professionnel·le·s de santé (64, dont 95% de femmes, médecins, sages-femmes et infirmières) ne rapportaient pas d’expérience de prescription ou de suivi de la PrEP : 60% n’avaient jamais abordé la PrEP avec une consultante et aucun des médecins n’en avait prescrit dans les 6 derniers mois. Les professionnel·le·s soulevaient comme obstacles le manque de connaissance des femmes, leur propre manque de formation, les difficultés à identifier les femmes éligibles, les facteurs organisationnels dans les CPEF et l’absence d’outils pour informer les consultantes. Cependant, les discussions au cours des focus groupes ont conduit les participant·e·s à se sentir en capacité de prendre en charge la PrEP en CPEF, avec des outils appropriés de formation et de communication pour les femmes.

Forte de ces résultats, l’équipe lance en 2025 PrEPArez-Vous ! un programme d’implantation planifiée de la PrEP dans 10 centres de santé sexuelle, programme qui sera appuyé par une recherche. PrEParezVous ! comporte une mobilisation et une formation des personnels, un diagnostic de situation et des outils d’information et de communication pour les femmes, ceci comme première étape d’une dissémination plus large à mesure de l’évaluation des résultats à Paris et en Seine-Saint-Denis.
Dans la discussion avec la salle suite à la présentation, s’est exprimée une tension entre la promotion de la PrEP auprès de ces femmes en grande précarité sociale et la nécessité d’adresser d’abord celle-ci en amont.
En commentaire de cette discussion, on peut faire état des estimations de Santé publique France sur la part importante d’infections acquises en France par les femmes d’Afrique subsaharienne dans les années qui suivent leur arrivée, à un moment de fragilité. D’ailleurs, dans l’étude, l’intérêt à commencer la PrEP dans les 6 mois baisse avec l’ancienneté de la présence en France. Besoin d’une protection efficace et protection contre les multiples précarités seraient plutôt concomitants que concurrents dans le soutien des femmes au cours de la période qui suit leur arrivée en France.
Un cas clinique. Pascal Pugliese et Thomas Huleux
À partir du cas d’une jeune femme cis de 25 ans, prise en charge en Cegidd. La présentation rappelait l’intérêt du TPETPE Traitement (ou prophylaxie) post-exposition. Consiste à prescrire à une personne exposée à l'infection par le VIH, lors d’un accident d’exposition professionnel ou sexuel, une multithérapie d'antirétroviraux, de préférence dans les 4h qui suivent l'accident. pour aborder et initier une PrEP, mettant en évidence la nécessité d’une approche globale de santé sexuelle (les dépistages IST, la problématique contraceptive, le rattrapage vaccinal au-delà des IST), la délégation de soins permettant une prise en soins des publics éloignés du soin spécialisé (lire notre article).
Les recherches doivent être poursuivies pour permettre par exemple l’utilisation de la PrEP orale en prise discontinue chez les femmes.
En clôture de cette session PrEP, Romain Palich a présenté l’ensemble des résultats de recherche sur la PrEP injectable.

Les contributions sur la PrEP au cours de cette session rappellent ses enjeux : l’ancrer dans la normalité de la protection contre le VIH, mais aussi l’ajuster aux différents contextes et temporalités de la vie sexuelle chez les HSH avec des périodes sans relation, entre partenaires exclusifs ou avec des partenaires multiples ; l’âge et la situation sociale y compris la distance aux métropoles façonnent, comme on le voit ici encore, des rapports à la sexualité entre hommes, mais aussi à la PrEP, qui suggèrent d’adopter une tonalité moins identitaire des campagnes de promotion de la PrEP. Les femmes les plus exposées qui restent encore quasi-exclues de facto de la PrEP ne se rencontrent forcément ni dans les CeGIDD, ni dans les hôpitaux, ni chez les généralistes de ville, mais consultent en centre de santé sexuelle pour des suivis gynécologiques, la contraception et l’IVG avec un accueil inconditionnel et gratuit. D’où l’intérêt de former et accompagner les professionnel·le·s.
Dépistage du VIH et des IST bactériennes (Florence Lot, Santé publique France)
Santé publique France a présenté des données inédites de dépistage du VIH et des IST, en particulier de la contribution des tests non prescrits pris en charge par l’assurance maladie VihTest (entre janvier 2022 et août 2024) poursuivie par Mon Test IST (recherche de chlamydia, gonocoque, hépatite B, syphilis selon les pratiques sexuelles et symptômes rapportés, et systématiquement VIH). La prise en charge est à 100% pour les moins de 26 ans, et «classique» pour les plus de 26 ans. Les données sont extraites du SNDS (système national des données de santé), qui permet de disposer de l’âge et du sexe des personnes testées, à la différence des données de LaboVIH.
Pour le VIH, les tests pris en charge par l’assurance maladie figurant dans le SNDS avaient une tendance croissante assez lente de 2014 à 2018, une poussée en 2019, cassée par la crise covidCovid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. en 2020. Ils connaissent une croissance accélérée ensuite, et de façon marquée en 2022 en raison de la mise en place de VihTest. Au total, au niveau national, le taux de tests par rapport à la population est de 875 pour 10 000 dans l’hexagone, il varie de 643 en Corse à 1028 en Île-de-France et 1009 en Occitanie et dans les départements ultramarins de 1306 en Guyane à 1832 en Martinique, Mayotte restant en fort retrait avec seulement 304 tests pour 10 000 habitants.
Tous les groupes d’âge ont connu un dépistage accru dans les deux sexes, croissance marquée chez les plus de 50 ans entre 2023 et 2024 : + 22% chez les hommes et + 24% chez les femmes, peut-être parce que ces âges sont plus représentés dans les laboratoires où l’affichage était très fréquent depuis la mise en place de VihTest, alors que la communication grand public était limitée, avec de fortes variations régionales. Avec un taux de 248 pour 10 000 en moyenne nationale, les taux de sérologies non prescrites varient de 46 en Corse à 382 en Occitanie et 6 régions qui se tiennent entre 200 et 300 tests non prescrits pour 10 000 habitants. Dans les départements ultramarins, la Réunion dépasse 500 tests pour 10 000 habitants, Martinique et Guadeloupe sont entre 200 et 300, Mayotte et la Guyane sont plus loin avec respectivement 35 et 56 tests pour 10 000. La part des tests VIH sans prescription dépasse 30% dans 5 régions hexagonales et à la Réunion, pour 6 régions, cette part se situe entre 25 et 27%, plus basse dans les autres régions métropolitaines ou ultramarines.

La présentation a aussi porté sur le dépistage des IST bactériennes. Mon test IST atteint environ 100000 personnes dépistées par mois en janvier 2025, autant d’hommes que de femmes, et quasi autant en nombre de 15-25 ans que de 26-49 ans, montrant que l’attractivité est plus forte pour les moins de 25 ans que pour les plus âgés, puisque les premiers sont 8,2 millions et les 26-50 ans, 20,7 millions. Depuis la mise en place de Mon test IST en septembre 2024, on observe une augmentation nette chez les moins de 25 ans, ce qui manifeste l’appropriation du dispositif par les jeunes.
La possibilité du recours sans prescription, appuyé par le réseau des laboratoires et la gratuité permise par l’assurance maladie mobilisent de façon très différente les comportements de dépistage. Une évaluation plus précise reste à faire cependant à la fois pour comprendre l’hétérogénéité régionale, la complémentarité au sein de l’architecture du dépistage du VIH et des IST et surtout la contribution à un diagnostic plus précoce du VIH et à un meilleur contrôle des IST.