Dernière journée du congrès. Le décalage horaire tape de plus en plus, le chardonnay américain sature les papilles, on revient dans les restaurants qui plaisent, des parents whatsAppent en baillant avec leurs enfants sur les plateformes. Il pleut, un peu, il vente, beaucoup. On donne tout, avant de rentrer à la maison un peu moins ignorants.
Avec plein de nouvelles : la place croissante des injectables LA dont les espaces inter-injections s’allongent, une nouvelle trithérapie semestrielle (LEN + TAB + ZAB) en approche, des switch salvateurs pour le métabolique, des proof of concept de nouvelles stratégies antirétrovirales, deux anticorps neutralisants à large spectre (LS-bNAbs) qui travaillent à rouvrir les fenêtres thérapeutiques, un nouveau vaccin contre l’hépatite B (HepB-CpG), des pistes pour optimiser la PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. à la demande chez les femmes, et même le sémaglutide qui améliore les dysfonctions cognitives (#172)! Tout ce qui est détaillé dans cet e-journal de la Lettre de l’infectiologue1avec le soutien institutionnel de ViiV Healthcare et sur Vih.org.
Covid long, défis et espoirs
La journée a commencé de la plus belle des manières en plénière avec une élégante (avec des images dignes d’un spa Clarins) revue générale du covidCovid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. long par Roger Paredes (IrsiCaixa Badalona, Espagne #41). Cet état pathologique post-viral, comme il en existe avec d’autres infections —dengue, chikungunya, Ebola, Lyme, polio, EBV, etc.—, présente 150 symptômes possibles et touche plus de 400 millions de personnes dans le monde.

Roger Paredes a rappelé que nous ne disposions d’aucun traitement efficace», alors que nous faisions face à «une compréhension incomplète des mécanismes», d’«absence de biomarqueurs» et d’«une reconnaissance insuffisante de la part des décideurs politiques».
Toutes les pistes physiopathologiques ont été épluchées: mécanismes d’immunothrombose, persistance des antigènes viraux dans les tissus pendant des années, dysbiose microbienne intestinale, phénomènes auto-immuns, impact de la réinfection, etc. Autant d’espoirs thérapeutiques qui, on l’espère, se concrétiseront rapidement en solutions. Autre source d’espoir, la récente initiative du NIH qui a levé 662 millions de dollars sur une période allant de 2025 à 2029 pour rechercher un traitement du covid long.
Les principes de Denver créés par les personnes vivant avec le VIH aux origines du VIH en 1983—«Nothing about us without us»— sont désormais repris et déclinés par les personnes atteintes de covid long et les associations les représentant dans Nature. (Ces principes sont déjà déclinés par d’autres luttes, depuis les vieux jusqu’à l’immigration féminine, en passant par l’autisme.)
Dernier jour de conférence
C’est aussi le dernier jour pour échanger les cancans du congrès: X est venu avec son mari, un collègue a trouvé un bar mexicain qui sert des cocktails à 1 dollar, un autre a trouvé un pub (The Grove) pour suivre le match PSG-Liverpool tandis qu’un troisième a téléchargé un logiciel VPN dans sa chambre d’hôtel pour déjouer les algorithmes de Canal Plus. Sinon, Douglas D. Richman (San Diego), Judith Currier (Los Angeles), Pedro Cahn et d’autres ont vieilli, comme tout le monde mais de manière très publique : la plupart des intervenants de la CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. sont annoncés par une photo sur écran géant, généralement prise dix ans ou plus auparavant. C’est tout juste si certains n’affichent pas une photo sur les bancs de l’école. Un effet avant/après qui évoque une chirurgie esthétique à l’envers.
Toujours au sujet du vieillissement, je ne sais pas si c’est ma propre sénescence qui parle, mais je suis de plus en plus ému par ces personnes âgées, parfois très âgées, qui vous orientent dans le Moscone Center depuis la rue, avec leurs pancartes orange, raides comme des piquets. Une visibilité et une mise en avant du 4e âge qui est une spécificité américaine, que je trouve porteuse d’espoir, sans tomber dans la gérontophilie.
Un climat politique tendu
Le climat politique s’est chargé en cours de congrès, avec les dernières frasques du «bouffon sous kétamine» selon la formule du sénateur français Claude Malhuret pour désigner Elon Musk, qui a fait mouche aux États-Unis. Le milliardaire et propriétaire de Tesla, Starlink ou encore X, proche collaborateur de Donald Trump, avait en effet déclaré l’an dernier lors d’un entretien sur CNN qu’il utilisait ce «médicament», entre autres drogues, pour soulager des «symptômes de dépression». Par ailleurs, Vivian Jenna Wilson, la fille transgenre qu’Elon Musk considère décédée depuis sa transition et qui a désormais 20 ans, a affirmé le 10 mars dernier que son père a eu recours à des FIV sélectives pour choisir le sexe de ses enfants: «J’allais à l’encontre du produit qui était vendu» a-t-elle déclaré. Pas certain que cette lutte familiale améliore la prise en charge et la reconnaissance des personnes trans aux États-Unis.
Pour le reste, le climat de cette CROI 2025 est demeuré assez morose, suspendu aux décisions politiques de la nouvelle administration (voir notre édito d’ouverture). Le congressiste moyen, comme le présentateur américain, retient sa parole, sidéré par les risques pour ses équipes, les financements nord-sud et plus globalement par la menace qui pèsent désormais sur la lutte contre le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome.
Tous craignent le retour d’une forme de maccarthysme et d’une certaine forme de prohibition. Le communiste et l’alcool ne sont plus l’ennemi, mais il s’agit de faire régner un certain ordre moral, y compris sur la science. L’interdit concerne désormais les personnes trans, les femmes enceintes qui veulent avorter, les travailleurs du sexe, les migrant·es, mais aussi, à terme, les Canadiens, les Mexicains, etc. Et, pour reprendre la vanne de Coluche, il y en a même qui seront trans, migrant·e et mexicain·e, et pour elles et eux, ce sera très dur.
Preuve de cette parole entravée, Nicolas Chomont, co-chair de cette CROI 2025 et pourtant Canadien francophone, n’a pas dit un mot en opening session de ce contexte si particulier. Mais on pouvait retrouver son message dénonçant très clairement la menace trumpiste dans les vidéos diffusées au milieu des posters, dans les couloirs et devant les chaises vides des salles hors sessions. Accompagné par Françoise Barré-Sinoussi, Anthony Fauci et Yazdan Yazdanpanan, entre autres. Le début de la résistance, ou le début de la résilience ?

Cet article a été précédemment publié dans le e-journal de la Lettre de l’infectiologue à l’occasion de la CROI 2025. Nous le reproduisons ici avec leur aimable autorisation.