IST bactériennes : dépistage et taux de positivité en hausse en 2022

Les diagnostics d’IST bactériennes sont en progression en médecine générale depuis 2020, selon Santé publique France. Les dépistages proposés en routine aux jeunes femmes touchent leur cible, mais devraient être davantage proposés aux HSH : en effet, la fréquence des trois IST surveillées (Chlamydia trachomatis, gonocoque et syphilis) est plus importante chez les hommes, or entre les deux tiers et les trois quarts des dépistages remboursés concernent des femmes.

Ces données de surveillance des ISTIST Infections sexuellement transmissibles.  restent très imparfaites pour dresser un état des lieux et d’évolution des IST en France. Elles sont fondées sur des systèmes de surveillance partiels – le recours au dépistage et sa tendance – et sur les diagnostics, évidemment biaisés par le recours au dépistage qui dépend du sexe (ex: dépistage prénatal), de l’infection (avec ou sans symptôme), des recommandations de santé publique (par exemple pour les HSH). Ces données restent donc très imparfaites. C’est une spécificité française que de suivre les épidémies (hors Covid) en différé faute de système de comptabilité en temps réel. La France est dans l’attente de l’étude PrévIST lancée à partir de novembre 2022 par Santé Publique France (SPF) et ses partenaires. Il s’agit d’une étude nationale en population générale pour estimer la proportion de personnes porteuses d’IST bactériennes (cf. encadré).

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Infections à Chlamydia

Selon le Bulletin de santé publique de novembre, en 2022, 2,6 millions de personnes de 15 ans et plus ont été dépistées au moins une fois pour une infection à Chlamydia trachomatis (Ct), soit un taux de dépistage de 47 pour 1000 habitants de 15 ans et plus. Plus des deux tiers (70 %) des personnes dépistées en 2022 sont des femmes, avec un taux de dépistage plus de deux fois plus élevé chez celles-ci (63 pour 1000) que chez les hommes (29 pour 1000), notamment les femmes de 15 à 25 ans (132 pour 1000), pour lesquelles la HAS recommande un dépistage systématique.

Elle recommande par ailleurs un dépistage opportuniste ciblé:

  • Des hommes sexuellement actifs, présentant des facteurs de risque – multipartenariat, changement de partenaire récent, individus ou partenaires diagnostiqués avec une autre IST (NG, syphilis, VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. Mycoplasma genitalium), antécédents d’IST, HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.  personnes en situation de prostitution, après un viol – quel que soit l’âge ;
  • Des femmes sexuellement actives de plus de 25 ans présentant des facteurs de risque ;
  • Des femmes enceintes consultant pour une IVG, sans limites d’âge.

Entre 2014 et 2022, le taux de personnes dépistées au moins une fois dans l’année pour une infection à Ct a doublé. L’augmentation a été plus importante chez les hommes que chez les femmes, en particulier chez ceux de 15 à 25 ans (+ 201 %).

En ce qui concerne les diagnostics, le système de surveillance sépare les données du SNDS (tests remboursés pratiqués en secteur privé), celles des CeGIDDCeGIDD Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) des infections par les virus de l'immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles. Ces centres remplacent les Centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) depuis le 1er janvier 2016. et enfin produit des estimations issues du réseau Sentinelles et des observations en médecine générale. Dans le SNDS, 53 000 personnes ont été diagnostiquées puis traitées parmi les 15 ans et plus, dans le secteur privé, soit un taux de 85 pour 100 000 habitants, en augmentation de 5% par rapport à 2021 et de 16% par rapport à 2019.

Le taux de positivité des tests en CeGIDD reste stable, mais Santé publique France relève que là, 71% des cas concernent des hommes. En médecine générale, le taux d’incidence des cas d’infections à Ct était de 102 cas pour 100 000 habitants en 2022, soit +16 % par rapport à 2020. Les femmes représentaient 50% des cas déclarés en 2022, parmi les hommes, 37% étaient des HSH. Le taux de personnes diagnostiquées et traitées avec une infection à CT varie selon les régions, avec des taux plus importants dans les DROM, notamment en Guyane (257 pour 100 000 habitants), en Île-de-France, devant l’Occitanie et Provence-Alpes Côte d’Azur.

Gonococcies

Là aussi, le recours au dépistage a tendance à augmenter : le SNDS enregistre 3 millions de personnes adultes dépistées, soit un taux de 53 pour 1 000 habitants, avec les trois quarts de ces dépistages chez des femmes, particulièrement de 15 à 25 ans. En cause, pour SPF, le fait que la PCRPCR "Polymerase Chain Reaction" en anglais ou réaction en chaîne par polymérase en français. Il s'agit d'une méthode de biologie moléculaire d'amplification d'ADN in vitro (concentration et amplification génique par réaction de polymérisation en chaîne), utilisée dans les tests de dépistage. pour le gonocoque soit couplée à celle pour les infections à CT, en lien avec la recommandation de dépistage de ces infections à CT chez les femmes.

Globalement, le taux de dépistage a presque doublé entre 2014 et 2022, avec une augmentation plus marquée chez les hommes, chez qui le taux a triplé.

Le nombre de diagnostics d’infection à gonocoque réalisés en CeGIDD augmente régulièrement depuis 2016, chez les hommes comme chez les femmes cis ou les personnes trans. Les cas sont majoritairement diagnostiqués chez des hommes (83 % des diagnostics en CeGIDD et 75% en médecine de ville), et en particulier des HSH.

Le CNR des IST bactériennes de Bordeaux, qui réalise une surveillance de la résistance du gonocoque aux antibiotiques, alerte quant à une fréquence plus importante de souches résistantes à l’azithromycine, traitement qui était jusqu’en 2021 associé notamment pour les localisations pharyngées, avec 12% en 2022. Les recommandations en France ont été modifiées récemment par la Société française de dermatologie (SFD). En octobre 2020, en effet, les recommandations européennes de prise en charge de l’infection à gonocoque préconisaient l’association systématique de 1000 mg en intramusculaire de ceftriaxone à 2000 mg d’azithromycine. La SFD propose de ne pas adjoindre systématiquement d’azithromycine pour plusieurs raisons :

  • (i) le CNR français du gonocoque montre qu’entre 2012 et 2020 le pourcentage d’isolats de gonocoque résistants à l’azithromycine en France est passé de 0 à 7%, alors que celui des isolats résistants à la ceftriaxone est resté proche de 0 % ;
  • (ii) l’utilisation systématique de l’azithromycine entraîne une pression sélective de résistance sur Mycoplasma genitalium ; et les cliniciens réservent cette molécule pour les infections à Mycoplasma genitalium qui est LE problème majeur de résistance ;
  • (iii) l’azithromycine à 2 000 mg est mal toléré sur le plan digestif. Après concertation entre le CNR, la SFD et la SPILF, il a été proposé que les infections non compliquées urogénitales soient traitées uniquement par ceftriaxone 1000 mg en dose unique. Dans l’oropharynx où la diffusion des antibiotiques est mauvaise, si la réalisation d’un antibiogramme est impossible, le même traitement est préconisé. Dans le cas contraire, si la concentration minimale inhibitrice (CMI) de la ceftriaxone est >0,125 mg/L on pourra, selon leurs CMI (concentration minimale d’inhibition) respectives, ajouter 2000 mg d’azithromycine ou substituer par 500 mg de ciprofloxacine.

Cinq souches résistantes à la ceftriaxone ont été mises en évidence entre 2022 et 2023, contre seulement une en 2017 et deux en 2019. Parmi ces cinq souches, quatre étaient résistantes à haut niveau à l’azithromycine. Un cas autochtone identifié à l’automne 2023 suscite l’attention: le CNR appelle à signaler toute suspicion de souche de gonocoque résistante à la ceftriaxone, et a fortiori XDR, et à adresser la souche au CNR des IST bactériennes (laboratoire associé pour l’expertise gonocoque, AP-HPAP-HP Assistance publique-Hôpitaux de Paris. St Louis).

Enfin, plusieurs recommandations de sociétés savantes insistent sur le dépistage du gonocoque en oropharyngé qui n’est pas réalisé de manière systématique chez les hétérosexuels. Pourtant, bien que l’infection à gonocoque affecte de manière disproportionnée les HSH, son incidence augmente aussi chez les hommes hétérosexuels et les femmes depuis les années 2010. Cette localisation semble d’autant plus importante à dépister qu’elle est asymptomatique dans 90% des cas. De plus, la mauvaise diffusion de la ceftriaxone au niveau pharyngé rend indispensable le contrôle de la guérison à 14 jours. L’association fréquente de l’infection oropharyngée s’explique par la pratique commune de la fellation et du cunnilingus, mais des modèles récents impliquent aussi le baiser dans la transmission.

Syphilis

Concernant les dépistages remboursés, 3,1 millions de personnes ont été dépistées parmi les 15 ans et plus (55 pour 1 000 habitants). Les deux tiers de ces dépistages ont concerné des femmes – le dépistage de la syphilis est obligatoire pendant la grossesse. Mais le taux de dépistage est élevé chez les hommes, notamment âgés de 26 à 49 ans (62 pour 1 000 chez les hommes de cet âge ; 130 pour 1000 chez les femmes de cet âge). Globalement, le taux de dépistage est en augmentation de 66 % entre 2014 et 2022.

Le nombre de diagnostics de syphilis réalisés en CeGIDD a également augmenté entre 2021 et 2022. Les HSH représentent la majorité des cas (77% en CeGIDD et 71% en médecine générale). Globalement, le taux d’incidence des cas diagnostiqués pour une syphilis est en augmentation depuis 2020, et de façon plus marquée en 2022, en particulier chez les hommes. Ainsi, en 2022, le taux d’incidence est de 10 pour 100 000 personnes âgées de 15 ans et plus, de 18 pour 100 000 chez les 26 à 49 ans et 34 pour 100 000 chez les hommes de 26 à 49 ans.

Là aussi, les DROM à l’exception de Mayotte, notamment la Guyane et la Guadeloupe, connaissent des taux d’incidence élevés (respectivement 23 et 20 pour 100 000). En métropole, l’Île-de-France (23 pour 100 000) figure en tête devant les Pays de la Loire, la Nouvelle-Aquitaine et l’Occitanie).

À noter que les recommandations anglaises et américaines préconisent un traitement préventif de tous les « cas contacts sexuels » lors d’une syphilis précoce, si un rapport a eu lieu dans les 90 jours précédant le diagnostic. En France, le délai proposé est de 6 semaines.

La stratégie nationale de santé sexuelle affiche comme objectif celui de réduire l’incidence des IST les plus fréquentes et les plus graves – syphilis, gonococcies, chlamydiae, lymphogranulomatose vénérienne (LGV). Pour SPF, l’incidence élevée des IST chez les hommes, en particulier les HSH, «interroge les stratégies de dépistage et encourage à promouvoir le dépistage des hommes pour améliorer le contrôle de ces épidémies». Car là aussi, dépister tôt permet de traiter tôt…

Vivement PrévIST !
La surveillance épidémiologique des IST notamment bactériennes reste un défi. Elle se fonde cette année sur plusieurs systèmes d’information dont la synthèse est difficile à interpréter : le système national des données de santé (SNDS), quasi exhaustif sur la population française, qui rend compte des dépistages avec pour Chlamydia trachomatis la possibilité d’identifier les cas positifs et traités, le réseau Sentinelles des médecins généralistes (1234 praticiens répartis dans toute la France) qui signale dépistages et diagnostics, l’activité de dépistage et de diagnostic en CeGIDD qui, on le sait, attirent les personnes les plus exposées, particulièrement les HSH. Les CeGIDD sont un observatoire intéressant… ou le seraient s’ils communiquaient exhaustivement leurs informations.
L’exercice est encore cette année difficile. La situation sera grandement améliorée quand les données sur échantillon représentatif de 18-59 ans de l’étude PrévIST nichée dans l’enquête « santé vie affective et sexuelle » seront publiées. Sur la base d’un autoprélèvement, la prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. de Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoeae (gonocoque) et Mycoplasma genitalium ainsi que du HPV chez les moins de 26 ans sera connue. La collecte de l’étude est terminée et d’ici à quelques mois, nous disposerons d’une évaluation de la prévalence et de ses déterminants.

Sources :

Bulletin de santé publique, novembre 2023
Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 12 décembre 2023