Vaccin ARNm contre le Covid au 1er trimestre de grossesse: tout risque de malformation écarté

Alors que la vaccination contre le Covid, couplée à celle contre la grippe, a été lancée le 14 octobre 2025, une étude française publiée le lendemain dans JAMA Network Open apporte un éclairage inédit sur ce sujet sensible. Réalisée par l’équipe EPI-PHARE à partir de la base nationale EPI-MERES et conduite par Clément Bernard, elle inclut plus d’un demi-million de naissances et constitue à ce jour la plus vaste analyse jamais réalisée au monde sur l’association entre exposition prénatale aux vaccins à ARNm et risque de malformations congénitales majeures (MCM).

Covid-19 : un risque accru de formes graves chez les femmes enceintes

La sécurité des vaccins à ARNm contre le Covid-19Covid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. chez la femme enceinte a été un enjeu de santé publique majeur depuis leur mise au point accélérée peu après le début de la pandémie. Rappelons que les femmes enceintes sont davantage susceptibles de développer une forme grave du Covid-19, avec un risque d’accouchement prématuré plus élevé. De plus, la contamination des enfants de moins de 6 mois conduit souvent à des hospitalisations alors qu’ils peuvent être protégés par les anticorps maternels. Si les données sur la prévention des formes graves et les bénéfices materno-fœtaux sont abondantes, la question de la sécurité des vaccins à ARNm pendant la fenêtre tératogène – c’est-à-dire au premier trimestre de grossesse – restait jusqu’à récemment moins documentée, les femmes en possibilité de procréation ayant été exclus des essais cliniques.

Un enjeu médical et symbolique

Le premier trimestre de la grossesse représente une période critique. Entre la conception et la fin de la douzième semaine, les ébauches des organes se forment et la vulnérabilité du fœtus aux agents tératogènes atteint son maximum. C’est précisément cette période qui nourrit depuis des décennies les réticences vaccinales chez certaines femmes enceintes et, parfois, chez certains professionnels de santé. L’arrivée des vaccins à ARNm contre le Covid-19, bien qu’accueillie comme une avancée technologique majeure, a donc suscité des interrogations spécifiques : pouvait-on exclure tout risque de malformation en cas d’injection précoce ?

Jusqu’ici, seules deux grandes études avaient tenté de répondre à cette question : l’une scandinave, l’autre canadienne. Elles avaient toutes deux conclu à l’absence de signal inquiétant, mais leur puissance statistique était limitée pour les anomalies rares et elles ne permettaient pas d’examiner les malformations individuellement. L’étude française vient combler cette lacune.

Une cohorte nationale d’une ampleur sans précédent

Les chercheurs ont exploité les données du registre EPI-MERES, intégré au système national des données de santé. Ce dispositif, qui couvre plus de 99 % de la population française, permet de suivre de façon exhaustive les grossesses et les naissances, en les reliant aux informations médicales, sociales et vaccinales. Les chercheurs ont ainsi eu accès à un éventail de données sans précédent, allant de la date des dernières règles aux facteurs liés au mode de vie tels que la consommation de tabac ou d’alcool, en passant par la date de conception, la parité, la consommation d’acide folique, les antécédents d’infections tératogènes, la consommation de médicaments, la date de l’issue de la grossesse, l’âge gestationnel, les caractéristiques sociodémographiques, ou encore les indicateurs de comorbidités. L’étude a porté sur toutes les conceptions survenues entre avril 2021 et janvier 2022, une période correspondant aux premières campagnes massives de vaccination anti-Covid chez les femmes enceintes.

Au total, 527 564 naissances vivantes ont été analysées. Parmi elles, 130 338 — soit près d’un quart — concernaient des grossesses exposées à au moins une dose d’un vaccin à ARNm au premier trimestre. Ce nombre d’expositions est sans équivalent dans la littérature mondiale. La population des femmes vaccinées présentait des caractéristiques légèrement différentes de celle des femmes non vaccinées — notamment une moyenne d’âge un peu plus élevée, un moindre niveau de précarité sociale et une prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. légèrement plus importante de certaines comorbidités. Ces différences ont été rigoureusement prises en compte grâce à une pondération par score de propension, permettant d’ajuster les analyses pour éviter les biais de confusion.

L’objectif principal était d’évaluer la survenue de malformations congénitales majeures, définies selon les critères européens EUROCAT, qui constituent la référence en la matière. Soixante-quinze types de malformations ont été étudiés, répartis en treize grands systèmes d’organes, allant des malformations cardiaques ou digestives aux anomalies chromosomiques en passant par les atteintes neurologiques ou urinaires. La période de suivi s’est étendue jusqu’à deux ans après la naissance pour certaines anomalies détectées plus tardivement, telles que la microcéphalie ou certaines malformations urogénitales.

Des résultats rassurants sur toute la ligne

Le verdict est net. La fréquence des malformations congénitales majeures était de 176,6 pour 10 000 naissances dans le groupe exposé, contre 179,4 pour 10 000 dans le groupe non exposé. Cette différence n’est pas statistiquement significative, avec un odds ratio pondéré de 0,98 (intervalle de confiance à 95 % : 0,93–1,04). Autrement dit, la vaccination par un vaccin à ARNm pendant le premier trimestre n’est associée à aucune augmentation du risque global de malformation congénitale.

L’examen par systèmes d’organes confirme cette absence de signal. Les malformations cardiaques, qui constituent le groupe le plus fréquent, ne montrent aucune différence entre les deux groupes (OR 1,01). Les anomalies digestives semblent même légèrement moins fréquentes chez les enfants exposés, mais la différence n’atteint pas la significativité statistique. Les systèmes nerveux, génital, urinaire, chromosomique ou abdominal ne présentent eux non plus aucun excès de risque.

Lorsqu’on s’intéresse aux 75 malformations prises individuellement, aucune association significative n’émerge. Pour certaines anomalies très rares, comme le situs inversus ou certaines cardiopathies congénitales complexes, les estimations fluctuent mais restent largement compatibles avec le hasard. Quatre malformations présentaient des odds ratios supérieurs à 2, mais aucune n’était statistiquement significative — ce qui signifie qu’aucun signal robuste de surrisque n’a été détecté, même pour ces événements exceptionnels.

Ces conclusions se maintiennent dans l’ensemble des analyses de sensibilité, y compris lorsqu’on restreint l’exposition à certaines fenêtres de l’organogenèse, lorsqu’on exclut les femmes infectées par le Sars-CoV-2 ou lorsqu’on compare l’exposition du premier trimestre à d’autres périodes vaccinales. L’absence d’effet est également retrouvée quelle que soit la tranche d’âge maternel, le niveau de précarité sociale ou la prise de supplémentation en acide folique.

Enfin, un point important concerne les issues défavorables de grossesse : la fréquence des mortinaissances (bébés mort-nés) n’était pas différente entre les femmes vaccinées et non vaccinées au premier trimestre, confirmant l’absence de signal globalement défavorable.

Les résultats français viennent ainsi conforter les conclusions des études scandinave et canadienne, mais avec un degré de précision bien supérieur. Là où ces travaux antérieurs n’avaient pas la possibilité d’évaluer certaines malformations individuelles, l’étude EPI-MERES offre une cartographie complète des risques, organe par organe et pathologie par pathologie. Pour la communauté scientifique, c’est un socle solide pour affirmer que les vaccins à ARNm ne présentent aucun signal tératogène identifiable.

Des limites bien identifiées

Les auteurs rappellent cependant plusieurs limites inhérentes à leur approche. L’analyse ne porte que sur les naissances vivantes, elle ne prend donc pas en compte les malformations détectées avant la naissance qui ont conduit à une interruption médicale de grossesse (IMG) ; cette restriction pourrait sous-estimer certaines malformations sévères. Par ailleurs, la rareté extrême de certaines anomalies limite la précision statistique et interdit d’exclure totalement des effets très faibles, voire infimes.

Une portée clinique et de santé publique considérable

Pour les praticiens, ces résultats sont rassurants : ils confirment que la vaccination par un vaccin à ARNm, administrée dès les premières semaines de grossesse, n’accroît pas le risque de malformations congénitales. Ils devraient contribuer à lever des réticences persistantes, tant chez les patientes que chez certains soignants. Dans un contexte où la couverture vaccinale des femmes enceintes reste insuffisante, disposer d’un argumentaire scientifique solide et précis constitue un levier essentiel.

Sur le plan des politiques de santé, cette étude consolide les recommandations vaccinales en vigueur en France et près de 200 pays dont de nombreux pays européens, qui encouragent la vaccination dès le début de la grossesse pour protéger la mère et le fœtus contre les formes graves de CovidCovid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. Rappelons que selon les recommandations de la HAS, le vaccin contre le Covid fait partie des quatre vaccins recommandés chez la femme enceinte en plus de ceux contre la grippe, la bronchiolite, et la coqueluche : « En France, la vaccination contre la Covid-19 pour les femmes enceintes est recommandée depuis 2021, lors de la campagne de vaccination automnale, quel que soit le trimestre de la grossesse. » Cette étude a aussi une portée prospective : la plateforme technologique de l’ARN messager sera prochainement mobilisée contre d’autres agents pathogènes émergents. Pouvoir démontrer sa sécurité pendant la fenêtre tératogène constitue donc une avancée précieuse pour la confiance dans cette technologie.

Conclusion

Références

  • Bernard C, Duchemin T, Marty L, Drouin J, Miranda S, Semenzato L, Botton J, Chouchana L, Dray-Spira R, Weill A, Zureik M. First-Trimester mRNA COVID-19 Vaccination and Risk of Major Congenital Anomalies. JAMA Network Open. 2025;8(10):e2538039. doi:10.1001/jamanetworkopen.2025.38039.
  • Shafiee A, Kohandel GargariO, Teymouri, Athar  MM, Fathi  H, Ghaemi  M, Mozhgani  SH. COVID-19 vaccination during pregnancy: a systematic review and meta-analysis. BMC Pregnancy Childbirth 2023;23:45.
  • Magnus  MC, Örtqvist  AK, Dahlqwist  E, et al. Association of SARS-CoV-2 vaccination during pregnancy with pregnancy outcomes. JAMA 2022;327:146977.
  • Magnus  MC, Ortqvist  AK, Urhoj  SK, et al. Infection with SARS-CoV-2 during pregnancy and risk of stillbirth: a Scandinavian registry study. BMJ Public Health 2023