Cette notion est très importante pour évaluer l’efficacité de la prévention combinée pour les populations de personnes immigrées en France qui représentent en 2023 environ six nouveaux diagnostics sur dix. Celles qui arrivent avec un diagnostic connu et un traitement doivent être liées au soin de façon immédiate pour la poursuite de leur prise en charge, un dépistage au plus tôt après leur arrivée doit être proposé à celles qui arrivent sans connaître leur séropositivité – et c’est effectivement ce qui est très bien réalisé, comme le montre le délai médian de trois mois estimé par les mêmes auteurs. Enfin, aux personnes qui sont exposées au VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. il faut offrir le meilleur du dépistage répété et d’une prévention efficace (lire notre article sur les chiffres 2023 du VIH)
Une modélisation de la date d’infection basée sur les informations de la DO
La détermination de ce critère repose sur la modélisation de la date probable d’infection basée sur les variables issues de la déclaration obligatoire : date d’arrivée en France, âge au diagnostic, année du diagnostic, date du dernier test négatif si elle est connue, valeur des CD4, stade sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. sexe, mode de contamination, continent de naissance. Pour corriger la non-exhaustivité de la déclaration et de son incomplétude, un redressement et des imputations multiples sont réalisés.
Le modèle statistique utilisé a été établi par l’épidémiologiste grec Nikos Pantazis et se base sur les CD4. Il a déjà été utilisé dans plusieurs études en Europe. Pour chaque personne diagnostiquée entre 2012 et 2022, 75 dates possibles de contamination ont été estimées. Pour les personnes nées à l’étranger, les résultats ont été combinés en regard de la date d’arrivée en France pour estimer si la personne a été probablement infectée avant ou après son arrivée.
Près de 45 % des personnes infectées en France
Sur la période, la part des personnes infectées en France varie de 43% à 51% selon les années autour d’une moyenne annuelle de 45,3% (IC 95% 44,5%-46,1%). La tendance à la baisse entre 2012 et 2017 est interrompue par la période de la crise sanitaire 2020-21 qui voit une remontée de cette proportion, puis une baisse observée en 2022. Pour les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. la proportion d’infection après l’arrivée est nettement plus élevée (entre 56 % et 65 % selon les années) que pour les cas hétérosexuels (entre 39 % et 47 %). Les estimations montrent des différences dans ces proportions entre les régions en incluant les différents départements d’Outre-mer et selon les continents de naissance.
Sur les 3190 personnes nées à l’étranger ayant découvert leur séropositivité en 2022 (IC 95% 3049-3332), 44 % (IC 95% 41-47) sont estimées infectées en France. Cette proportion atteint 50 % en Île-de-France (qui accueille environ la moitié des immigrés découvrant leur séropositivité en France). Elle est de 51 % à 72 % pour les départements d’outre-mer (avec la Corse, qui enregistre seulement quatre diagnostics et sans Mayotte).
Si les études Parcours et Ganymède, avaient déjà apporté des éléments sur cette question clé, les nouveaux travaux de l’équipe de Santé publique France apportent une information plus puissante et plus précise sur une période de dix ans et sur l’ensemble des régions françaises. De surcroit, elle pourra être actualisée.
Il faut pour agir mettre ces informations très riches en relation avec la place de la population immigrée dans la démographie de chaque région, l’ancienneté des courants migratoires et les contextes de migration (âge, arrivée seul ou en famille, raisons de la migration, conditions de l’arrivée).
Enfin, il faut ajouter que les personnes qui émigrent sont souvent de jeunes adultes, une majorité arrive seul·e·s. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’une proportion significative soit infectée par le VIH ensuite. L’entrée ou la reprise de l’activité sexuelle des nouveaux venus doivent être encouragées comme un facteur de bien-être et d’intégration, en leur apportant les ressources si efficaces de la prévention combinée, et en y ajoutant des meilleures conditions de vie et une lutte acharnée contre la xénophobie.
« Part des contaminations après l’arrivée en France parmi les personnes nées à l’étranger découvrant leur infection à VIH« , Amber Kunkel1, Amadou Alioum2, Françoise Cazein1, Florence Lot1
1 Santé publique France, Saint-Maurice
2 Université de Bordeaux, InsermInserm Institut national de la recherche médicale. UMR 1219, Bordeaux Population Health, Bordeaux