La Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI), grand-messe nord-américaine du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. revient donc cette année dans un format présentiel au Summit Convention Center de Seattle (État de Washington), dans un tout nouveau centre de conférence qui vient d’ouvrir dans la ville émeraude. Celle-là même qui a vu naître Bill Gates, Jimmy Hendrix, Kurt Cobain et la légalisation du cannabis. Ville qui accueille donc pour la sixième fois la CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. après la cuvée 2019, d’avant la guerre au CovidCovid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. et celle de 2017. Cette édition est marquée sous le signe de la sortie —espérée— de la crise Covid (228 abstracts acceptés quand même, 4 fois plus que pour les people who inject drugs (PWID), soit 51 abstracts autant que pour les personnes trans (55 abstracts), ce qui est en soit une bonne nouvelle pour la prise en charge médicale des trans. Serait-ce cette fois l’effacement définitif du mpox (61 abstracts acceptés)? Le tout dans l’espoir de revenir aux fondamentaux des 95-95-95 dans la lutte contre le VIH/sida.
Cette édition du e-journal est celle d’une équipe soudée, et au taquet dès le vol aller, avec le Dr Jean-Philippe Madiou en guide spirituel et organisationnel (merci pour les trois documents à remplir alors que le passage en douane s’est fait en 5 minutes sans tampon ni empreintes digitales, juste le temps de vérifier qu’on ne transportait pas de flacons de sang), la Pr Valérie Pourcher à la clinique, la Pr Laurence Morand-Joubert à la virologie et Thierry Leveau à la technique. Chacun a retrouvé ses réflexes dès le duty-free de Roissy… Le tout sous la houlette d’Edimark et La Lettre de l’infectiologue grâce au soutien institutionnel sans faille de ViiVHealthcare. Une partie des éditions sera reprise avec l’aimable accord d’Edimark sur Vih.org, qui couvre cette CROI en partenariat avec l’ANRS-MIE.
Pourtant, si on est tous bien content·es de se retrouver la joie est un peu ternie. D’abord, comment ne pas évoquer dans cette ouverture de conférence sur le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. le décès, le 7 février dernier, de Daniel Defert, normalien, sociologue et compagnon de Michel Foucault à la mort duquel il fonda l’association AIDES? Ensuite, le 1er décembre dernier, journée mondiale de lutte contre le sida, a été l’occasion d’évoquer le fossé qui nous sépare de l’éradication du VIH, surtout pour 2030. Dans une tribune au Monde, Peter Sands, directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et Winnie Byanyima, directrice exécutive de l’Onusida, ont parfaitement résumé combien «la lutte contre le VIH a besoin d’un nouveau souffle». En effet la pandémie Covid a eu des effets dévastateurs sur les progrès réalisés dans la lutte contre le VIH. «Mais, déjà avant le Covid-19Covid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. précisaient ces deux auteurs, nous n’avions pas atteint nos objectifs en termes de réduction des nouvelles infections et des décès dus au VIH. Aujourd’hui, nous avons largement dévié de notre trajectoire… Les iniquités, marquées à la fois au sein des pays et entre les pays, continuent d’alimenter le VIH et le sida. Les atteintes persistantes aux droits humains et les inégalités de genre nous empêchent de progresser vers l’objectif de mettre fin au virus d’ici à 2030.» La plus grande partie des 1,5 million de nouvelles infections en 2021 a touché les personnes les plus vulnérables. Et de cela, il sera largement question dans cette CROI 2023.
Côté SARS-CoV-2, il sera intéressant de voir comment l’Amérique de Biden et de la CROI se sortent des variants et recombinants plus qu’inquiétants qui circulent encore à grande vitesse outre-Atlantique, laissant le BF7 chinois au rang de faire-valoir. A l’instar du variant d’omicron BA5, le BQ 1.1 et plus encore le XBB 1.5 qui résulte d’une recombinaison génétique entre un sous-variant de seconde génération de BA.2, BJ.1, et un sous-variant BA.2.75. Recombinant que les américains ont baptisé Kraken, que la référence soit mythologique ou proche de Pirates des Caraïbes. Un indice, pour embarquer vers la CROI, il faut le pass sanitaire, et pour le Convention Center masque FFP2 et QR code de vaccination. C’est le syndrome Djokovic… «Pour assurer la santé et la sécurité des participants, du personnel et des communautés environnantes de CROI, tous les participants de CROI 2023 doivent être vaccinés de manière appropriée. Le statut vaccinal doit être vérifié avant le départ pour l’événement en téléchargeant une photo de votre carnet de vaccination.» Sur le point scientifique, on suivra avec attention une session du mardi 21/02 (S09) dédiée aux études thérapeutiques en Late-Breaker sur le Covid. Avec, par ordre d’apparition à l’écran l’ensitrelvir (#166), l’interféron pégylée lambda (# 167; Etude Together), la combinaison de deux anticorps monoclonaux dans l’essai ACTIV-2/A5401 (#168), l’interféron inhalé B1A (essai ACTGACTG Aids Clinical Trials Group, l’organisation américaine des centres de soins et d’essais cliniques sur le sida. https://actgnetwork.org/ A5401, #169) et même la metformine (#170) paradoxe de l’histoire tant le diabète apparait comme facteur de risque majeur de Covid sévère. Enfin, en contextuel, Paul Volberding, le Rozenbaum californien historique du sida, a précisé en marge de la conférence: «Nous semblons nous réveiller de 3 ans d’un cauchemar, les taux de décès et de maladies graves liés au Covid diminuent malgré les variantes très transmissibles du SARS-CoV-2, l’utilisation du masque diminue et les organisations officielles déclarent la fin de l’urgence pandémique.»
On sait ce que l’on quitte en empruntant ce vol AF3622 Delta Airlines/Air France direct de Paris pour Seattle. Une France fracturée par les conflits sociaux, la crispation du débat public sur la réforme des retraites, une lutte contre le sida et autres maladies chroniques totalement invisibilisée par les conflits sus-cités, un hôpital public à genoux et des agences d’État comme Santé publique France laminées pas les crises successives du Covid et du mpox dans l’attente de la très efficace nouvelle directrice, Caroline Semaille. Sans compter comment le débat sur les pathologies émergentes ou la réduction des risques est escamoté par les «faits divers» à longueur de chaines d’information continue. Sur ce point global de la désinformation et des fake news comme autant d’obstacles à la prévention, on suivra avec attention une session originale de cette CROI 2023 le mercredi, «Science communication in the age of misinformation» (S09; #46-#48). Dans cette session, il y aura la très attendue Heidi Larson (Bruxelles) qui a étudié la façon dont se sont construites les rumeurs et les oppositions à certains vaccins en suivant l’extension des articles de presse ou certains évènements en Asie ou en Afrique.
En parlant de décaler l’âge de la retraite, les participants de la CROI 2023 vont retrouver les octogénaires de l’organisation du Congrès qui les guident dans les méandres du Convention Center, vérifiant les QR code sanitaire et que les badges sont bien côté face, à coup de «Fine!» et de «Great!». Et la star planétaire, icône vivante de la lutte contre le sida, 81 ans, quintessence du mariage parfois contre nature de la science et de la politique, le Dr Anthony Fauci est un tout jeune semi-retraité. Il était très attendu en séance plénière d’ouverture pour «fêter» les 30 ans de la CROI —1993 n’est pas vraiment une date historique de l’histoire du sida— dans une floraison de récapitulatifs et de perspectives. Anthony Fauci, devenu «le docteur de l’Amérique», s’est en effet retiré de la vie politique en décembre dernier. Sa longévité exceptionnelle dans ses fonctions lui a permis de côtoyer sept présidents des États-Unis, républicains ou démocrates, depuis Ronald Reagan. Cependant, cette figure familière aux yeux du monde entier a cessé d’être consensuelle, à l’heure de l’Amérique du Covid, fracturée et divisée par le soupçon, le complotisme et les procès en conflits d’intérêts. Un sondage publié en juin 2022 montrait qu’il ne bénéficiait que de 43% d’opinions favorables. «J’en ai tellement marre de le voir, avait alors lancé le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, considéré comme la plus sérieuse option à Donald Trump pour l’élection présidentielle, lors d’un meeting. Je sais qu’il dit qu’il va prendre sa retraite. Mais quelqu’un devrait attraper ce petit elfe et le jeter dans le Potomac!». Pis encore, une dangereuse détestation semble s’être installée à son sujet. Lui qui avait toujours veillé à se tenir à l’écart de la politique est peu à peu devenu la bête noire des conservateurs, et la cible favorite des antivax, dans un contexte de politisation très forte de la crise Covid aux États-Unis. Lors d’une audition au Sénat, Anthony Fauci avait même accusé un élu républicain d’encourager les personnes proférant des menaces de mort à son égard. Depuis, il vit sous protection rapprochée. Un homme de 57 ans, originaire de Virginie, a été condamné à trois ans de prison pour avoir envoyé des courriels menaçants au docteur. L’un d’eux annonçait que lui et sa famille seraient «traînés dans la rue, battus à mort, et brûlés vifs.» Fin 2021, dans l’Iowa, un homme armé d’un fusil d’assaut a été arrêté au volant de son véhicule; il disposait d’une liste de cibles à abattre, parmi lesquelles figurait Anthony Fauci.
Côté vaccin, l’échec d’un nouvel essai de phase III vaccinal contre le VIH, l’essai MOSAICO (HVTN 706/HPX3002) sera au centre de cette CROI 2023 et l’objet d’une session spéciale le mardi 21 février. L’annonce avait provoqué déception, frustration et tristesse chez les chercheurs et les participants impliqués. L’essai testait l’efficacité et l’innocuité d’un schéma préventif de deux vaccins contre le VIH avec un adénovirus 26 Mos4. VIH (vaccin Ad26)/Clade C et un Mosaic gp140 (vaccin gp140) dans plus de 50 sites et huit pays, dont l’Espagne, l’Argentine, le Mexique, le Pérou et le Brésil. Le 18 janvier dernier, le HIV Vaccine Trials Network (HVTN) —l’organisation à l’origine de la recherche clinique basée précisément au Fred Hutchinson Cancer Center de Seattle— a annoncé dans un communiqué que l’essai avait été interrompu suite aux résultats décevants d’une analyse intermédiaire prévu par le comité indépendant de surveillance des données et de la sécurité de l’étude (DSMB). Bien que le vaccin expérimental ait été «généralement bien toléré», le conseil a déterminé que la combinaison vaccinale n’était pas efficace pour prévenir les infections, par rapport au groupe placebo… La fin de l’étude MOSAICO doit, selon l’Onusida, «conjurer une flamme inextinguible en faveur de l’innovation et faire prendre conscience de l’urgence de veiller à ce que les options éprouvées de prévention du VIH et de traitement atteignent toutes les personnes qui en ont besoin». «L’issue décevante de l’étude vaccinale souligne une nouvelle fois l’importance de déployer les innovations disponibles en matière de traitement et de prévention du VIH, notamment la PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. orale, les solutions injectables à action prolongée et l’anneau vaginal», a déclaré la directrice exécutive de l’Onusida, Winnie Byanyima. Après un tel échec de phase III vaccinale qui s’ajoute à une liste déjà copieuse, il conviendra de suivre les modèles vaccinaux originaux actuellement en phase 1, comme le cd40.hivri.env vaccine (#324) de l’essai ANRS/vri06 que présentera l’équipe de Yves Levy et Jean-Daniel Lelièvre.
Cela montre ce besoin crucial d’outils de prévention efficaces en attendant des candidats-vaccins qui feraient leurs preuves. Car, des données sur la PrEP, cette trentième CROI en regorge. Avec plusieurs sessions dévolues à la PrEP injectable par cabotegravir dans les essais HPTN 083 et 084 (#159- 161), HPTN 08-01 chez les adolescentes cis en Afrique (#162) ou chez les hommes afro-américains et les femmes transgenres qui ont des rapports avec des hommes aux États-Unis (#161). Ou bien le développement d’inserts à usage rectal associant elvitegravir et TAF dans l’essai MTN-039 (#164) ou l’implant ultra long-acting d’islatravir, très attendu aussi (#165). En tout lien d’intérêt, dans le sillage de la PrEP, on suivra les interventions du Pr Jean-Michel Molina (#119; Hôpital Saint-Louis, Paris) et du Pr Jade Ghosn (#36; Hôpital Bichat, Paris). Le premier sur les résultats de l’étude ANRS-174 DOXYVAC de prophylaxie post-exposition (PeP) par doxycycline et/ou vaccination contre le méningocoque B comme outils de prévention contre la syphilis, le chlamydia trachomatis et le gonocoque. Le second sur l’incidence du mpox et l’impact de la vaccination contre la variole dans ce même essai ANRS 174 DOXYVAC. Concernant la PeP antibiotique ou vaccinale, le proof of concept a déjà été validé par l’essai ANRS-IPERGAY. Cette fois, il s’agit, comme pour l’essai américain DOXYPEP (#120), d’établir le niveau de protection, l’impact sur le microbiote et les niveaux de résistance observés en cas d’échec de la PeP. Après il conviendra d’établir comment ses avancées préventives contre les infections sexuellement transmissibles (IST) peuvent se traduire, ou non, en recommandations nationales et internationales.
L’actualité internationale sera aussi au cœur de certaines communications. À l’image de la #203 sur la charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. contrôlée chez les PVVIHPVVIH Personne vivant avec le VIH et usagers de drogues en Russie (LINC-IIRCT) ou la #151, sur la phylodynamique des variants VIH en Pologne et en Ukraine.
Sinon, a priori à Seattle, il y a encore des espaces de bureau à louer dans Rainier Tower toujours pas terminée, ce gratte-ciel du centre-ville, fuselé, qui semble presque être à l’envers. On se souvient du coup d’arrêt de l’expansion vertigineuse d’Amazon à Seattle en 2019, lors de la précédente CROI dans cette ville. Dans un contexte de relations très tendues avec les autorités locales, le géant du e-commerce avait annoncé qu’il renonçait à s’installer dans le futur gratte-ciel de la ville. Bonne nouvelle par contre, on a échappé cette année, pour cause de calendrier, à la sirupeuse et dégoulinante Saint-Valentin et à la finale du Super Bowl. Certains se souviennent d’ailleurs de la retransmission par écrans disséminés dans les salles de posters immenses lors de plusieurs CROI. Cette année, les tabloïds vibrent de «la plus fracassante des annonces» de mémoire de parturiente: après plus de sept ans d’absence, Rihanna a fait son grand retour musical au Super Bowl en assurant le show de la mi-temps de la grande finale du championnat de football américain, ouvrant le zip de sa combinaison rouge pour dévoiler aux centaines de millions de spectateurs une proéminence signe d’un heureux événement à venir. Enfin, Seattle, dans la série culte Grey’s Anatomy, c’est la ville de la fuite des cerveaux. En mars 2010, on avait appris avec déchirement, déjà en marge de la CROI, après six saisons sous les habits d’Izzie Stevens, le départ de Katherine Heigl du Seattle Grace Hospital. Cette année, après plusieurs mois de suspense, c’est au tour de Meredith, jouée par Ellen Pompéo, de quitter la série. Le jeudi 23 février 2023 sur CBS aux Etats-Unis, la médecin fera ses adieux à ses collègues pour partir à Boston, avec ses trois enfants. Sans jamais se retourner?
Cet article a été initialement publié dans le e-journal de la Lettre de l’infectiologue consacré à la CROI 2023.