En atteste l’imprécise session plénière d’ouverture, bien trop gay-américano centrée et focalisée sur une partie partiale, et partielle, de la PreP (# 20, Raphael J Landovitz, UCLA) et plus encore l’opulente session orale du matin, couverte comme il se doit par la confrontation entre les données sous embargo de la perfide Albion (PROUD) versus l’intermittence préventive française (Ipergay). Le tout, déjà copieux, suivi d’un déroulé avec le concept de Prep & Tasp conjugués (#24 Jared Baeten), celui du scaling up de la Prep post Iprex à San Francisco par le «père» du concept, Robert M. Grant (#25) et une intervention remarquée de la «mère» du Test and Treat, Wafaa M.El-Sadr (#29), en passant par les essais de Prep orale ou par gel chez les femmes, qu’on ne saurait passer sous silence (# 26 LB, # 27).
Les messages de PROUD et Ipergay
Plusieurs messages transparaissent au vue des résultats spectaculaires de PROUD et d’Ipergay-ANRS (86% de réduction de risques chez les HSH par rapport ou au groupe différé ou au groupe placébo) mais aussi de l’expérience du Partners Demonstration Project dans les couples séro-discordants à hauts risques en Afrique (voir l’article de Valérie Martinez-Pourcher):
- La Prep doit être ciblée et il convient de ne pas louper la cible. Ou les cibles;
- Il existe probablement un effet protecteur de l’utilisation du placebo dans les essais randomisés (Iprex, Ipergay,etc.), à tel point que l’ouverture de Prep, que ce soit par ablation du bras placebo, par mise à disposition (RTU) pré-commercialisation, ou par AMM devrait être associé à une prévention et une surveillance des processus compensatoires du risque;
- Aucun système de santé, ou associatif, ne pourra assurer, dans la «vrai vie» de la Prep, le service préventif et de councelling mis en place et financé dans les principaux essais de Prep , que ce soit par la Fondation Gates, l’ANRS ou le MRC. Pour ne citer qu’un chiffre qui fixe les idées, et aussi les convoitises, l’essai Iprex a généré 687 emplois pour 2 500 volontaires inclus et un budget de 32 millions de dollars… Comme le rappelait un représentant français, plutôt précocement acquis à la cause Prep, au premier rang de la session où Jean-Michel Molina a présenté les résultats d’Ipergay: «C’est bien que cela montre quelque chose vu ce que cela a coûté!»
Des taux d’incidence hallucinants
Mais que le lecteur ne s’y méprenne pas. Ces excellents résultats nous apportent aussi une très mauvaise nouvelle. Ceci, sans rapport, bien entendu, avec les vapeurs de Chardonnay ou de celle du cannabis, dans cet état (le seul avec le Colorado) qui a légalisé le commerce de la Marijuana1l’auteur tient à disposition, sur demande, la liste des congressistes français ayant gouté, voir abusé, du CBD Dark chocolate + cannabis (ratio 1 :1)… vendus chez Uncle Eikes Shop sur Union Sreet, au point de confondre la salle des posters avec les toilettes publiques. Particularité de l’Etat de Washington dont nous reparlerons, plus sérieusement, avec Didier Jayle présent aussi à cette CROI 2015, dans Swaps et sur Vih.org.. La mauvaise nouvelle, donc, des taux d’incidences, assez hallucinants, observés dans ces études. Qui ont prix à contrepied nombre de statisticiens. Que ce soit les 8,9% du bras différé de PROUD [IC 90 % : 6-12,7] ou les 6,6 % du bras placebo de ANRS-Ipergay. Bien au-delà de l’incidence attendue au Kenya et en Ouganda avec les couples hétérosexuels séro-discordants «à haut risques» de Partners : 5,2 % [3,6-6,4]. Des taux d’incidence d’épidémies concentrées, à mettre en parallèle avec les 2,13 millions de nouvelles contaminations évaluées pour l’année 2013 dans le monde. A ce titre, la Prep figure désormais comme un bel outil de prévention combinée, une «bonne idée» préventive. A condition que les pays, et les communautés, puissent se l’approprier. Et vouloir en connaitre les bénéfices individuels.
Le Pr Gilles Pialoux est à la CROI 2015, qui se tient cette année à Seattle, du 23 au 26 février, et coordonne le E-journal en direct pour La Lettre de l’infectiologue. Il est également co- investigateur et membre du Conseil Scientifique de l’Essai ANRS Ipergay.