VOICE1Acronyme pour Vaginal and Oral Interventions to Control the Epidemic. comparait l’efficacité de trois modes de prophylaxie pré-exposition (Prep) chez 5 029 femmes séronégatives en Ouganda, en Afrique du Sud et au Zimbabwe :
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Une prise de ténofovir seul (Viread®);
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Une prise ténofovir/emtracitabine (Truvada®);
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Un gel contenant du ténofovir.
(Lire à ce sujet notre article : CROI 2013 – VOICE : Deuxième échec d’une étude de PreP.)
Les patientes avaient été incluses de septembre 2009 à juin 2011. Le Comité indépendant de l’essai avait déjà précocement amputé VOICE de deux bras, celui avec le tenofovir oral en Septembre 2011 et celui du gel de tenofovir en Novembre 2011, dans les deux cas pour inefficacité. Le troisième bras, celui du Truvada®, n’avait pas non plus réussi à démontrer l’intérêt de la PrepPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. dans la prévention de la transmission du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi.
L’étude avait ainsi montré une protection de 14,7 % par rapport à un placébo pour le gel de ténofovir, un résultat considéré non statistiquement significatif. Pour la Prep orale, les estimations de l’efficacité étaient inférieures à zéro (-49% pour le ténofovir et -4,4% pour cent pour Truvada).
Un arrêt de la prise dès les premiers mois de l’essai
L’étude indique ainsi qu’une majorité des femmes participant à l’étude aurait arrêté d’utiliser les produits qui avaient été mis à leur disposition dès le 3e mois de l’étude, selon les prélèvements sanguins. Chez de nombreuses femmes (hors bras placébo), les ARV n’ont été détecté dans aucun des échantillons sanguins prélévés, ce qui suggère qu’elles n’auraient jamais utilisé de Prep.
Dans une cohorte de 647 participantes choisis au hasard hors bras placébo, la médicament a été détectée dans seulement 29% des échantillons de sang provenant du groupe Truvada, 30% des échantillons du groupe ténofovir par voie orale et 25% du groupe de gel de ténofovir.
En tout, les ARV ont été détecté dans moins de 40% des échantillons sanguins prélevés trois mois après le début de l’étude, ce qui correspond aux premiers échantillons. Lors de la dernière visite trimestrielle, chez 70% des femmes dans le groupe Truvada, 83% dans le groupe ténofovir et 72% dans le groupe de gel de ténofovir, les analyses ne montraient aucune présence d’ARV dans le sang.
L’adhésion à l’utilisation quotidienne des produits avait d’abord été calculée principalement sur la base de ce que les participantes elles-mêmes avaient dit au personnel de l’étude et sur les chiffres mensuels des applicateurs de gel inutilisés et des pilules restantes.
Une protection chez les femmes qui ont utilisé le gel
Chez les femmes qui se sont vu proposer du gel de ténofovir et qui l’ont effectivement utilisé, cependant, le risque de transmission du VIH a été significativement réduit, avec 66% de risques en moins de contracter le VIH que celles chez qui les analyses n’ont pas détecté d’ARV. En revanche, pour les deux bras de Prep orale, les données n’ont montré d’association entre utilisation effective et protection contre la transmission du VIH.
L’arrêt des deux premiers bras de Voice confirme l’impact majeur de l’observance sur l’efficacité de la Prep comme le suggérait Iprex et comme le montrera certainement plus encore Ipergay.
L’échec de Voice confirme surtout les limites de la Prep en prise continue et l’intérêt de réfléchir à des schémas plus adaptés aux contraintes de l’observance.
Notons que les moins susceptibles d’utiliser les produits mis à leur disposition dans le cadre de l’essai étaient les femmes célibataires de moins de 25 ans, qui sont aussi les plus exposées au risque de contamination par le VIH. Dans ce groupe, l’incidence a d’ailleurs été de près de 10% sur certains sites en Afrique du Sud. L’incidence globale relevée dans l’essai est de 5,7%, soit près de deux fois le taux attendu.
Un contexte de forte stigmatisation sociale
Dans un éditorial publié dans le même numéro du NEJM que les résultats de VOICE, Michael Saag, chercheur à l’Université d’Alabama à Birmingham, commente la différence entre les déclarations des participantes et les données montrées par les analyses sanguines: «Cela signifie qu’un grand nombre de participantes ont activement fait disparaître des médicaments inutilisés de leur lot avant de retourner sur le site de l’essai afin de préserver les apparences de l’observance du protocole. La question qui se pose alors est la suivante: pourquoi les participantes se sont-elles donné tant de mal pour faire croire qu’elles prenaient des médicaments alors qu’elles ne le faisaient pas.» Selon les chercheurs2van der Straten A, Stadler J, Luecke E, Laborde N, Hartmann M, Montgomery ETPerspectives on use of oral and vaginal antiretrovirals for HIV prevention: the VOICE-C qualitative study in Johannesburg, South Africa. J Int AIDS Soc 2014;17:Suppl 2:19146-19146
van der Straten A, Musarea P, Etima J, et al. Disclosure of PK drug results promotes open discourse on non-adherence during VOICE. Presented at the HIV Research for Prevention scientific meeting, Cape Town, South Africa, October 28–31, 2014., la peur de la toxicité des médicaments chez une personne non infectée ainsi que la peur de la stigmatisation sociale associée avec la maladie (être désignée comme vivant avec le VIH) seraient les principales raisons évoquées.
Pour Michael Saag, «l’étude indique que beaucoup plus de travail est nécessaire, non pas tant dans le domaine de la compréhension des bases biologiques de la Prep comme traitement préventif, mais plutôt dans le domaine de la compréhension des barrières comportementales, dans un contexte de forte stigmatisation sociale».
Mis à jour du 17 mars 2015
En Afrique du Sud, les essais doivent proposer une motivation financière aux patients. Certains se demandent si cet argent ne poussent pas des personnes à participer à l’étude, alors même qu’elles n’avaient aucune intention de prendre le médicament évalué en Prep. Ainsi, les participantes de VOICE étaient dédommagées d’entre 10$ et 15$ par visite médicale, selon les pays concernés. Pour certaines, l’importance de cette somme était considérable, même si pour d’autres, elle représentait plutôt d’une perte de revenu, ces femmes gagnant plus lors d’une journée de travail normale. Les chercheurs sont partagés quant à l’impact de l’argent sur les résultats de l’essai; la mauvaise observanceObservance L’observance thérapeutique correspond au strict respect des prescriptions et des recommandations formulées par le médecin prescripteur tout au long d’un traitement, essentiel dans le cas du traitement anti-vih. (On parle aussi d'adhésion ou d'adhérence.) remarquée dans l’étude ne saurait être expliquée uniquement par ce facteur. L’échec de VOICE pourrait amener à rediscuter le design de ce genre d’étude et leur impact financier global. [Source : A Failed Trial in Africa Raises Questions About How to Test H.I.V. Drugs, New York Times (en anglais).]