Cette fin d’année 2023, comme les précédentes, les chiffres de déclaration obligatoire du VIHDéclaration obligatoire du VIH En France, le dispositif des maladies à déclaration obligatoire demande aux médecins de déclarer les cas de certaines maladies diagnostiquées chez leurs patients. Cet outil majeur de surveillance épidémiologique doit permettre aux pouvoirs publics de lutter, dans l’urgence si nécessaire, contre ces maladies mais aussi de disposer d'informations sur les épidémies surveillées. En 2024, 38 maladies sont à déclaration obligatoire et parmi elles, 36 sont des maladies infectieuses. (DO) livrés par la surveillance épidémiologique sur les nouveaux diagnostics sont incertains, discordants avec les chiffres hospitaliers : alors que les premiers annoncent sur dix ans (2012-2022) une baisse variant de 11 à 21% selon les hypothèses (voir notre article), les seconds indiquent plutôt selon les informations médicales rassemblées dans chaque Corevih une baisse de l’ordre de 40 à 50% sur la période 2017-2021, ce déclin variant selon les populations.
En raison des incertitudes sur l’exhaustivité et l’incomplétude, on ne dispose pas non plus d’une vision globale des évolutions par région à travers la DO. C’est un handicap pour l’action de santé publique et de celles et ceux qui y contribuent.
Pourquoi n’observons-nous pas les baisses de l’ordre de celles constatées à Londres, Amsterdam ou Sydney? Les apports extraordinaires au contrôle du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. seraient-ils sans effet ici? Est-ce que la vie des groupes et des personnes exposées aurait à ce point changé qu’elle éroderait les bénéfices espérés de la prévention combinée? Militants, professionnels de santé, associations, chercheurs, administrations de la santé s’activeraient-ils en vain dans les mille espaces où se fait la rencontre entre les gens et les multiples ressources disponibles pour s’interposer dans la transmission du VIH? Sommes-nous tous positivistes ou bêtement scientistes au point de croire que le VIH comme menace de santé publique peut être éliminé comme en doutaient déjà en 2017 Berdougo et Girard?1 Berdougo F. et Girard G. La fin du sida est-elle possible, Ed Textuel, 2017)
L’épidémiologie géographique du VIH en France nous dit bien encore aujourd’hui que d’une région à l’autre, de l’Hexagone aux outre-mer, d’une commune à l’autre, la configuration de l’épidémie varie selon les déterminants sociaux de l’endroit où vivent les populations clés du VIH. C’est pourquoi nous avons besoin que les chiffres nous parlent d’ici, d’hier –d’où on vient– à maintenant: à quoi servent nos efforts et les ressources déployées ?
Pourquoi la discordance des chiffres observée depuis plusieurs années n’a-t-elle pas suscité une mobilisation générale dans un champ dans lequel l’épidémiologie joue un rôle central dans la définition des stratégies et de leur évaluation?
Treize recommandations pour aller vers l’exhaustivité
L’incertitude des chiffres aggravée par la pandémie de Covid-19Covid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. a conduit le Conseil national du sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. à se saisir de la question, à enquêter et à rendre un avis qui conclut à la nécessité de se donner une chance de remettre la DO sur les rails.
Treize recommandations pour une procédure simple, mais à laquelle la personne nouvellement diagnostiquée ne peut se soustraire. De ce fait et pour la protection de sa vie privée, rappelons-le, l’information individuelle transmise est parcimonieuse, juste nécessaire pour comprendre les contours de l’épidémie, son évolution et sa distribution sur le territoire.
Le CNSCNS Le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) est une commission consultative indépendante composée de 26 membres, qui émet des Avis et des recommandations sur les questions posées à la société par ces épidémies. Il est consulté sur les programmes et plans de santé établis par les pouvoirs publics. Ses travaux sont adressés aux pouvoirs publics et à l’ensemble des acteurs concernés. Le Conseil participe à la réflexion sur les politiques publiques et œuvre au respect des principes éthiques fondamentaux et des droits des personnes. recommande donc de s’attacher à atteindre l’exhaustivité de la DO, en l’organisant au plus près des réalités de la prise en charge médicale et de l’organisation des services VIH en Corevih.
Comme la DO se fait en ligne et s’accumule dans des fichiers sensibles et hautement sécurisés, il s’agit de rénover les outils numériques pour continuer à garantir anonymat, confidentialité et sécurité de la base des DO, de façon à ce qu’elle soit plus maniable d’un bout à l’autre de la chaîne de la déclaration et de sa gestion.
Comme le parcours de la personne du moment de son diagnostic d’infection VIH à sa prise en charge est fortement encadré par des recommandations, le CNS recommande de définir une procédure qui suit le parcours de la personne nouvellement diagnostiquée, parcours qui la conduit quasi immédiatement du laboratoire ou du CeGIDDCeGIDD Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) des infections par les virus de l'immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles. Ces centres remplacent les Centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) depuis le 1er janvier 2016. à l’hôpital, où les informations de la DO peuvent être générées dans les premiers temps de la prise en charge. Sans doute aujourd’hui une partie des nouveaux patients ne passe pas par l’hôpital et va directement en ville, en étant peu ou pas déclarés. Il faut identifier ces situations et proposer des solutions pour que les DO soient faites comme la réglementation l’oblige.
Comme la surveillance épidémiologique est une partie de la gestion des données médicalisées, la DO entre dans une distribution des tâches entre médecins (responsables en titre de la déclaration) et personnels de recherche ou de gestion des données au sein des services : il faut donc tenir compte de la réalité professionnelle et institutionnelle de la procédure de DO faite dans leur grande majorité par des personnels des Corevih, technicien·nes ou attaché·es d’études cliniques. La DO doit être organisée autour de la délégation, parfaitement prévue dans les textes, mais pas complétement mise en œuvre dans ses implications. Des contrôles de qualité doivent être faits tout au long de cette chaîne pour s’assurer de l’exhaustivité et de la complétude de l’information.
Comme la DO est bien une chaîne, simple, mais exigeante, il serait intéressant de communiquer entre Santé publique France et les acteurs réels de la DO pour en faire un instrument de santé publique partagé et fiable.
À l’heure où, dans le pire des cas, 6000 découvertes d’infections VIH, sont faites en France, ça devrait être possible.
NDLR: France Lert, présidente de l’association éditrice de Vih.org, Pistes, a été associée en tant que personnalité qualifiée et à titre consultatif aux travaux de la commission «Systèmes de surveillance épidémiologique» créée pour ce rapport.