Renforcer la riposte au VIH au niveau local permet de tenir compte des spécificités de l’épidémie. En Seine Saint Denis, les populations les plus touchées sont les femmes et les hommes migrants, suivis par les hommes ayant des rapports avec d’autres hommes. D’après l’étude PARCOURS, on estime que 30 % des femmes et 44 % des hommes nés en Afrique sub-saharienne et suivis pour un VIH en France ont été infectés après leur arrivée.
Cette première réunion a été l’occasion de réunir autour de France Lert et de Pierre Laporte, vice-président en charge de la santé du conseil départemental, les représentants du monde associatif local, les associations de lutte contre le sida et plusieurs institutions de santé.
Comme à Paris, le département compte beaucoup d’associations sur le terrain sur lesquelles il peut s’appuyer, mais un nombre moins important de médecins libérauxet d’hôpitaux, et avec moins de moyens, par rapport à la capitale.
Le but de cette mission est de proposer, de façon collective en associant les acteurs du territoire, des stratégies opérationnelles pour atteindre cet objectif d’ici 2030 dans le département, conformément aux objectifs de l’Onusida «3 fois 90». L’institution internationale estime en effet que pour la première fois depuis la découverte du VIH, la fin de l’épidémie est envisageable.
Un profil épidémiologique particulier
«Pendant nos travaux à Paris l’année dernière, rappelle France Lert, tout le monde trouvait bizarre de réduire notre action à l’intérieur du périphérique, mais notre mandat était seulement municipal.» Cette démarche est donc l’occasion de continuer le travail sur la population francilienne, dont on connaît la mobilité pour travailler, se soigner ou se distraire.
«C’est un département très important dans la lutte contre le VIH. Il connaît une prévalence 3 fois plus élevée que la moyenne nationale, avec un profil épidémiologique particulier. Nous connaissons ces dernières années des progrès importants, de ceux qui laissent penser aux meilleurs experts que la fin du sida tel que nous le connaissons est envisageable en 2030.»
Cette «injonction à agir», comme l’appelle France Lert, a été d’abord relevée par l’ANRS, puis par la ville de Paris, qui connaît une épidémie 5 fois plus importante que dans le reste de la France. C’est ainsi que l’Agence a mobilisé la tout jeune retraitée de l’Inserm, pour lui proposer de coordonner les projets en recherche interventionnelle.
Ensuite, «le contact s’est fait au niveau des élus», entre la maire de Paris, Anne Hidalgo, et le président du conseil départemental Stéphane Troussel, jusqu’à l’inauguration du CeGIDD départemental Seine-Saint-Denis le 9 juin dernier, annonce officielle de l’initiative.
Les moyens d’actions
Pour France Lert, l’action du groupe de travail doit se focaliser sur plusieurs axes importants. Le dépistage, d’abord qui permet l’accès aux soins et à une meilleure santé, mais aussi qui permet d’éviter la transmission du VIH grâce au Tasp «On doit s’adresser aux deux populations les plus exposées» : «l’épidémie est en partie cachée : les chercheuses Virginie Supervie et Dominique Costagliola estiment par modélisation qu’il y aura entre 500 femmes et 600 hommes infectées non diagnostiqués parmi les migrants et une incidence de 200 par genre dans cette population qui seraient contaminés chaque année.»
Résultat, le délai entre l’infection et le contrôle de la charge virale (et donc les bénéfices du traitement comme prévention) est de 5 à 6 ans. C’est cet durée qui faut réduire absolument pour diminuer le nombre de contaminations.
Côté prévention, la Prep est désormais disponible et prise en charge par la sécurité sociale. Elle est moins connue par les populations hétérosexuelles, et en particulier les femmes qui pourraient en avoir besoin, alors qu’elle peut pourtant être très utile pour d’autres communautés que les HSH parmi lesquels les essais cliniques ont montré la très forte efficacité.
Les participants à cette première réunion ont insisté sur la nécessité d’actions spécifiques en direction de, et avec, les femmes, mais aussi en direction de la population jeune, en particulier des jeunes HSH —en France, depuis 2003, le nombre de découvertes de séropositivité VIH a plus que doublé chez les jeunes HSH (15 à 24 ans).
La formation des professionnels de santé, médecins scolaires, infirmières, le renforcement de l’offre de dépistage mobile en complément des formes claqssiques pour atteindre les plus exposés et les plus éloignés du dépistage mais aussi la lutte contre la précarité —«Rien ne pourra avancer non plus sans que soit facilité l’accès aux droits», a insisté France Lert— ont également été abordés. Rendez-vous à la rentrée pour la suite des réunions de travail.