VIH en Île-de-France: Des territoires et des populations très inégalement touchés

Les chiffres de l’affection de longue durée (ALD) pour le VIH soulignent nettement l’existence de deux épidémies concentrées et différentes en Île-de-France. Une parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) et l’autre parmi les personnes originaires de zones à forte endémie.

A l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. 2014, Sandrine Halfen de l’Observatoire régional de santé (ORS) Île-de-France a présenté des analyses départementales réalisées à partir d’une exploitation des chiffres de l’Affection de longue durée pour le VIH (ALD 7). Ces données, que nous reprenons ci-dessous, concernent 42 404 Franciliens pris en charge en 2012 par le régime général de l’Assurance maladie.

Dépistage et ALD en Île-de-France

Selon l’InVS, 1,34 million de sérologies VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. ont été réalisées en 2012 (soit 25% des 5,24 millions de sérologies réalisées en France). Cela représente un taux de recours au dépistage de 112 tests pour 1 000 habitants en Île-de-France contre 73 en moyenne dans le reste du territoire national, plaçant l’Île-de-France comme la région où l’activité de dépistage est la plus élevée, après les Antilles et la Guyane. Dans la région, c’est à Paris, que ce recours est le plus élevé (220 pour 1 000 habitants) et dans l’Essonne et la Seine-et-Marne qu’il est le plus faible (respectivement 72 et 73 pour 1 000). On compte trois fois plus de sérologies positives en Île-de-France que dans le reste de la France. Les taux de découverte de séropositivité sont respectivement de 46,9 et 27,7 pour 100 000 habitants pour Paris et la Seine-Saint-Denis.

Entre 2010 et 2013, toujours en IDF parmi les cas de séropositivité diagnostiqués pour lesquels le mode probable de transmission est renseigné (soit 66% des cas), 60% concernent des personnes contaminées par voie hétérosexuelle, 38% par voie homosexuelle, 1% des usagers de drogues utilisant la voie injectable et 1% des cas de transmission mère-enfant.

En Île-de-France, 42 404 Franciliens en 2012 sont en ALD 7, soit 362 personnes pour 100 000 habitants. Chez les hommes, le taux varie de 1 190 à Paris à 195 dans les Yvelines et chez les femmes, de 387 en Seine- Saint-Denis à 137 dans les Yvelines.

Paris et la Seine-Saint-Denis particulièrement touchées

Taux standardisés* de bénéficiaires de l’Affection de longue durée pour VIH (ALD 7) en 2012 pour 100 000 personnes par canton ou ville en Île-de-France (assurés du régime général)

Au niveau départemental, Paris, la Seine-Saint-Denis et, dans une moindre mesure, le Val-de-Marne se démarquent des autres départements, tant par la proportion élevée des admissions en ALD 7 que par celle de l’ensemble des personnes en ALD 7: Ce taux est de 716 à Paris, 446 en Seine-St-Denis et 332 dans le Val-de-Marne contre 165 dans les Yvelines. Bien que moins touchés, les autres départements franciliens (à l’exception des Yvelines et de la Seine-et-Marne) ont des taux supérieurs à celui de la moyenne nationale.

Des disparités sont également discernables à l’intérieur des départements: A Paris, par exemple, le taux de personnes en ALD pour VIH en 2012 varie de 1 602 pour 100 000 habitants dans le 1er arrondissement à 263 pour 100 000 dans le 7ème arrondissement, soit un écart de un à six entre ces deux territoires distants de quelques kilomètres.

Une épidémie masculine chez les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.  au centre de Paris

Paris se distingue du reste des départements franciliens: La proportion de personnes contaminées par voie homosexuelle est nettement plus élevée que dans les autres départements (57% contre 26%) et inversement, celle des personnes contaminées par voie hétérosexuelle y est moindre (41 % contre 72%). Les personnes qui ont découvert leur séropositivité depuis 2010 à Paris sont donc moins souvent des femmes que dans les autres départements de la région (24% contre 40%). Chez les hommes contaminés par voie homosexuelle (de nationalité française ou non), le nombre de découvertes de séropositivité est resté stable entre 2004 et 2012 (aux environs de 450-480 cas chaque année).

Quatre territoires franciliens se démarquent nettement en ce concerne la population masculine: Les quatre premiers arrondissements de Paris connaissent une prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. des ALD 7 particulièrement élevée, supérieure à 2 000 pour 100 000 habitants, soit trois fois le taux le plus élevé enregistré dans la population féminine. Les taux sont de 2 813 pour 100000 hommes pour 1er arrondissement, 2707 pour le 2ème, 2 625 pour le 3ème et 2 477 pour le 4ème.

Les données d’ALD permettent de distinguer chez les hommes à la fois les territoires résidentiels privilégiés des homosexuels masculins appartenant aux classes aisés et ceux des populations migrantes d’Afrique subsaharienne et du Maghreb marqués par la précarité.

Les hommes et les femmes migrantes particulièrement exposées dans les autres départements franciliens

L’épidémie en Île-de-France se caractérise par une proportion élevée de découvertes de séropositivité parmi des personnes de nationalité étrangère: 54% en Île-deFrance contre 26% dans le reste du territoire métropolitain, entre 2010 et 2013. Les seules régions ayant une proportion supérieure à celle de l’Île-de-France se trouvent hors de métropole, en Guyane (82%) et à Mayotte (65%). Les départements de Seine-Saint-Denis et du Val d’Oise sont ceux où la part des étrangers est la plus élevée parmi les découvertes de séropositivité (68% dans chacun des départements), puis, dans une moindre mesure, l’Essonne et le Val-de-Marne (respectivement 55% et 54%). Les pourcentages dans les autres départements oscillent entre 47% et 50%.

La quasi-totalité des personnes étrangères chez lesquelles la séropositivité a été découverte depuis 2003 ont été contaminées par voie hétérosexuelle (89% des cas); parmi les personnes de nationalité française, ce n’est le cas que de 36% d’entre elles, 62% ayant été contaminées par voie homosexuelle.

Concernant la population féminine, les trois communes franciliennes où les prévalences des ALD pour le VIH/sida sont les plus élevées (supérieures à 700 pour 100 000) sont Stains en Seine-Saint-Denis (813 ALD 7 pour 100 000 femmes), Courcouronnes et Grigny dans l’Essonne (respectivement 737 et 736 pour 100 000).

Chez les femmes, les territoires les plus touchés sont principalement ceux où les populations d’Afrique subsaharienne sont les plus représentées. Ce sont également des territoires marqués par une forte précarité.

Contexte territoriaux et réponses locales

Les données de l’ORS interroge la réponse à l’épidémie sur le territoire français : Les moyens développés —Dépistage, prise en charge, soutien associatif— sont-ils déployés de manière pertinente? La région Île-de-France concentre environ 50% des personnes vivant avec le VIH en France et doit être un acteur majeur de la lutte contre le VIH, à l’instar de Vancouver, San Francisco ou Amsterdam.

La cartographie des ALD, mise en perspective avec des données sociales de contexte des territoires ainsi qu’avec l’histoire de l’épidémie dans la région, permet de mieux comprendre comment les populations et les territoires dans lesquels elles vivent ont été inégalement touchés. Les acteurs locaux devraient s’emparer de ces données pour élaborer une stratégie locale et régionale de réduction des inégalités sociales.