Cet article a été également publié sur le site de Sidaction.
Le virus HPV est aussi associé à 30% des cancers des voies aériennes et digestives supérieures. L’ensemble de ces cancers représentent un coût de plus de 200 millions d’euros par an rien qu’en France. Il existe une centaine de génotypes différents de ce virus HPV. Les génotypes 16 et 18 sont les plus oncogènes alors que les génotypes 6 et 11 sont responsables des condylomes avec faible potentiel évolutif vers les cancers. Depuis peu, 2 vaccins sont disponibles en France chez les filles de 14 ans. Celles ayant eu leurs premiers rapports au plus tard dans l’année peuvent en bénéficier jusqu’à 23 ans : Cervarix® produit par GlaxoSmithKline et efficace contre l’HPV 16, 18 (les deux responsables de plus 80% des cas de cancers du col de l’utérus) et le Gardasil® produit par Merck & Co. Efficace aussi contre les variantes 16 et 18 mais aussi les génotypes 6 et 11 qui sont responsables de la plupart des condylomes.
Il s’agit d’un vaccin préventif mais non thérapeutique, donc non indiqué (en théorie) si l’activité sexuelle a débuté, car la plupart des personnes sont infectés par ce virus dès les tout premiers rapports sexuels.
D’autres pays européens ont mis en place des protocoles nationaux de vaccination. Pour la plupart ils ciblent la population féminine entre 11 (Espagne, Suisse et Portugal) et 17 ans (Allemagne), excepté pour l’Autriche qui cible la population masculine et féminine âgées de 9 à 15 ans. Plusieurs experts s’accordent à dire que la vaccination de la population masculine doit être recommandée, tel que cela a été fait en Autriche 1Koulova A et al. Country recommendations on the inclusion of HPV vaccines in national immunization programs among high-income countries, June 2006-January 2008. Vaccine 2008 et ce même si son bénéfice n’a pas encore été prouvé par des études spécifiques.
Efficacité chez l’homme
L’une des grandes questions actuelle est donc l’efficacité du Vaccin quadrivalent chez les garçons et notamment les homosexuels. Une étude du New England Journal of Médecine vient de nous donner cette réponse2Giuliano AR, Palefsky JM, Goldstone S et al. Efficacy of quadrivalent HPV vaccine against HPV infection and disease in males. NEJM 3 fev 2011;401-411.. Quatre mille soixante cinq jeunes garçons (3463 hétérosexuels et 602 homosexuels) âgés de 16 à 26 ans, provenant de 18 pays différents ont été enrôlés dans une étude versus placeboPlacebo Substance inerte, sans activité pharmacologique, ayant la même apparence que le produit auquel on souhaite le comparer. (NDR rien à voir avec le groupe de rock alternatif formé en 1994 à Londres par Brian Molko et Stefan Olsdal.) Tous les hommes étaient bien sûr négatifs pour le virus HPV au niveau du pénis et de la marge anale, avant le tirage au sort du vaccin ou du placébo. Le vaccin utilisé était celui efficace contre HPV 16, 18, 6 et 11 avec 3 injections réalisées (M0, M2 et M6).
Un mois après la troisième injection du vaccin, le taux de réponse immunitaire était de 97,4%, similaire à celui observé dans les études chez les filles. Avec un suivi médian de 3 ans, 36 patients ont développé des condylomes génitaux avec le vaccin et 89 avec le placebo, pour une efficacité globale à 60,2%. Si l’on détail le bénéfice en fonction du génotype des lésions, le gain restait significatif pour celles associées à l’HPV 6 et 11 mais disparaissait malheureusement pour les génotypes oncogènes HPV-16 et 18. En per-protocol (uniquement chez ceux ayant réalisé les injections), l’efficacité contre les lésions génitales associés aux génotypes HPV-6, 11, 16, et 18 était de 90,4% chez tous les garçons. En analyse de sous groupe, elle était significative uniquement chez les hétérosexuels avec un taux de 92,4% mais ne l’était plus chez les homosexuels avec un taux de 79%. Les effets secondaires étaient quasiment identiques dans les 2 groupes et plutôt moindre à ceux des filles dans les autres études de la littérature.
Cette première grande étude chez les garçons montre donc un moindre bénéfice du vaccin que chez les filles. Il a cependant une réelle efficacité pour diminuer la survenu de condylomes péniens chez les jeunes hommes.
Plus d’études nécessaires
Il faudra d’autres travaux pour montrer un éventuel bénéfice à long terme sur la survenu de dysplasie et de cancer pénien (très rare), mais surtout de dysplasie et de cancer anale. La moindre efficacité sur les lésions à virus oncogène (16 et 18) pose problème. L’efficacité non significative chez les homosexuels pourra également poser problème, car il s’agit de la population masculine la plus à risque de cancer anal. Sauf si l’on suppute qu’il s’agissait peut-être d’un manque d’effectifs dans la sous population homosexuel de cette étude. On peut en effet espérer, que si le nombre d’homosexuel avait été plus important, on aurait réussit à montrer un bénéfice du vaccin chez les homosexuels. Il faudra donc d’autres études pour l’affirmer. Par ailleurs nous attendons également la publication de l’évaluation du bénéfice de ce vaccin au niveau de la prévention des lésions anales (condylomes, lésions précancéreuses).
En attendant, vacciner les filles reste un objectif prioritaire. Selon les spécialistes de la question, si la couverture vaccinale atteignait 70% parmi elles, il serait possible d’éradiquer ce virus oncogène… pour tous.