On se demande si les organisateurs de cette CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. arrivent au congrès dans ces taxis autonomes sans chauffeur aux vitres fumées (les Waymo de la compagnie Alphabet, maison mère de Google) qui sillonnent San Francisco depuis peu et en nombre – 300 – comme des poulets sans tête. Ou bien s’ils sont tous logés à l’hôtel W, face au Moscone Convention Center, évitant ainsi le soir les rues de downtown et les scènes nocturnes causées par la crise américaine des opioïdes.
Non loin du Golden Gate, où vivent les milliardaires de la tech dans des maisons victoriennes de carte postale, bariolées, des rues entières sont parsemées de corps désarticulés, zombies surmédiatisés tous accros au fentanyl. Or, le sujet est quasiment absent de cette CROI.

Il semble impossible, pourtant, d’ignorer cette crise et son impact majeur sur l’incidence du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. et du VHC, le développement de la PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. la morbidité ou la mortalité, sans oublier l’augmentation du nombre de dons d’organes VIH+ ou VHC+ qu’elle provoque. San Francisco est au cœur de cette crise qui dure depuis plus de trente ans aux États-Unis. Dans cette ville, le taux d’overdoses pour 100 000 habitants y est 3 à 4 fois plus élevé que dans le reste des États-Unis. L Tous les jours, plus de 200 Américains succombent aux opioïdes. Selon une étude de l’université Johns Hopkins, l’espérance de vie à la naissance de la population américaine a été réduite de 0,65 année en 2021 du seul fait des opioïdes et plus de 1,7 million d’Américains ont une addiction aux opioïdes. À ce sujet, il faut lire le numéro 109 de notre revue Swaps: Fentanyl, nitazènes et autres opioïdes de synthèse.

Seulement 3 occurrences pour «opioid» parmi les abstracts
Dans le livre d’abstracts, il y a trois occurrences pour le mot «opioid» et une pour le fentanyl. Deux posters méritent néanmoins le détour. Les auteurs du #1150, venus de Colombie-Britannique, se sont intéressés aux overdoses non mortelles. En se basant sur les données du système canadien de données de santé (COAST) entre le 1ᵉʳ avril 2012 et le 31 mars 2020, ils ont identifié 1304 (11,8 %) personnes ayant présenté une overdose non mortelle sur 11050 vivant avec le VIH. Parmi ces personnes, 5,9% (n=54) des hommes et 7,9% des femmes (n=30) sont décédés ultérieurement d’une surdose fatale. Ce qui laisse une large place pour la prévention et la réduction des risques (RDR) dans cette population.
Autre poster à retenir, le #1294 qui compare les modélisations coût-efficacité de plusieurs outils de prévention VIH chez les usagers de drogues : le programme de substitution (méthadone ou méthadone/ buprénorphine sublinguale ou buprénorphine injectable à libération prolongée) baptisé MOUD, la PrEP orale (TDF/FTC) et la PrEP injectable (cabotégravir ou lénacapavir). Leur conclusion est la suivante: «Parmi les usagers de drogues à risque pour le VIH, la méthadone, la méthadone avec TDF/FTC ou cabotégravir, et la buprénorphine sublinguale avec ou sans TDF/FTC permettraient de gagner des années de vie, d’éviter des infections par le VIH et de réaliser des économies. D’autres formulations injectables à longue durée d’action peuvent permettre d’éviter des nouvelles infections VIH, mais pourraient ne pas être coût-efficaces au vu des coûts actuels des médicaments ». Les modèles seront à revoir dès lors que les prix des PrEP injectables seront fixés.
Withdrawn
Enfin pour celles et ceux qui auraient un doute, suite à l’opening session, sur le niveau d’évitement des organisateurs et chairmen/chairwomen face au contexte particulier de cette CROI 2025 sous Trump II, il fallait assister à la session thématique de discussion #04 qui concernait les femmes trans. Un seul mot pour adresser le vide de la communication # 1107: Withdrawn, retirée.

L’explication est simple : le présentateur pressenti Krishna Kiran Kota est membre du CDC. Pas de bras, pas de chocolat. Au cours de cette session, Juliette Hemery a présenté (#1110) avec fraîcheur et clarté les données de la French Hospital Database on HIV (FHDH) sur les femmes trans en France (1997-2022) qui représentent 876/104 348 PVVIHPVVIH Personne vivant avec le VIH (0,8%). Entre 2013 et 2022, les femmes trans vivant avec le VIH en France et nées en Afrique ou en Amérique latine connaissaient un délai plus long avant l’initiation du traitement antirétroviral que celles nées en France (+1,8 et +0,8 mois, respectivement). Une proportion non négligeable de cette population échappe donc à un test and treat rapide.
Dans le livre d’abstracts, on recense 27 occurrences pour «withdrawn», une première pour la CROI. La palme revenant à la session de posters Q06, avec 4 sur 10. Son titre? «Race, ethnicité et VIH».
Cet article a été précédemment publié dans le e-journal de la Lettre de l’infectiologue à l’occasion de la CROI 2025. Nous le reproduisons ici avec leur aimable autorisation.