Pandémie VIH/sida, où en sommes-nous aujourd’hui?

Malgré des progrès notables, la pandémie de VIH/sida reste préoccupante. L’incidence diminue dans certaines régions, mais elle augmente ailleurs, et les objectifs 2025 semblent inatteignables. Dans son intervention à la CROI 2025, Chris Beyrer1Chris Beyrer, Director, Duke Global Health Institute, Duke Global Health Institute, Durham, NC, USA a alerté sur les inégalités d’accès à la prévention, la dépendance aux financements externes, et les risques liés à l’arrêt de programmes essentiels comme le PEPFAR.

Ce que l’on peut dire de la pandémie aujourd’hui, c’est que l’incidence baisse de façon importante, que la prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. n’est pas encore totalement stabilisée, et qu’il y a des objectifs qui n’ont pas été atteints malgré les moyens déployés jusqu’à aujourd’hui : près de 25% des personnes vivant avec le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. ne sont pas encore sous traitement, contrairement à l’objectif 2025 de 90%, le nombre de cas de sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. ne baisse pas assez vite et l’on n’atteindra pas l’objectif 2025 concernant la mortalité liée au sida. Enfin, l’incidence reste trop élevée, avec un passage très au-dessus de l’objectif de 2025 (moins de 370 000 nouveaux cas)… alors que l’on sera probablement proche de 1 million de nouvelles transmissions au cours de cette année.

L’épidémie en Amérique du Sud repart à la hausse, et elle reste également à la hausse au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Europe de l’Est. Dans les pays où l’incidence baisse, elle peut néanmoins rester très élevée dans certains groupes de population: dans les essais de prévention réalisés dans les années 2010 à 2018 avec un bras placeboPlacebo Substance inerte, sans activité pharmacologique, ayant la même apparence que le produit auquel on souhaite le comparer. (NDR rien à voir avec le groupe de rock alternatif formé en 1994 à Londres par Brian Molko et Stefan Olsdal.) le taux d’incidence est de l’ordre de 5% par an, soit un risque pour l’ensemble de la vie de l’ordre de 20% chez les jeunes femmes participantes. (Beyrer et al. Lancet HIV 2024)!

L’accès fragile et inégalitaire à la PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®.

Côté prévention, la PrEP est de plus en plus utilisée, mais il faut savoir que 90 % de la PrEP dans le monde est financée par le PEPFAR, le programme américain menacé par les coupes annoncées par le président Trump. Dans les pays les plus avancés concernant la PrEP, et où l’incidence est la plus élevée, il y a actuellement 1,5 infection pour une personne sous PrEP. Dans les pays beaucoup moins avancés sur l’utilisation de la PrEP, ce chiffre est beaucoup plus élevé: en Europe de l’Est, il y a 42 infections incidentes pour une personne sous PrEP.

La PrEP est très rentable dans les populations dans lesquelles l’incidence est très élevée, mais dès que l’on s’éloigne un peu de cette situation, le nombre de personnes à traiter pour éviter un cas devient très important et difficilement soutenable financièrement avec les outils actuels, si l’on veut avoir une couverture universelle.

Par ailleurs, l’accès à la PrEP reste très inégalitaire, comme on peut le voir aux États-Unis où la population HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.  blanche s’est très bien saisie de l’outil, alors que la population HSH noire l’utilise très peu, avec en parallèle une diminution de l’incidence très nette chez les premiers, alors qu’elle stagne au même niveau depuis plusieurs années chez les seconds.

L’incidence du VIH parmi les HSH noirs reste obstinément élevée malgré les progrès de la prévention : HPTN 096, CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. 2025.

L’importance du PEPFAR

Chris Beyrer a également montré tous les bénéfices du financement du programme PEPFAR depuis sa création, avec 25 millions de vies sauvées, plus de 20 millions de personnes sous traitement, 5,5 millions d’infections néonatales évitées.

Ainsi que tous les effets néfastes qui allaient survenir avec son arrêt, même si celui-ci était transitoire: les dégâts sont déjà énormes après seulement un mois et demi d’interruption. (Lire à ce sujet notre article: Impact clinique et économique des réductions de financement du PEPFAR en Afrique du Sud: une analyse par modélisation)

L’arrêt des programmes ciblant les travailleuses du sexe risque notamment d’avoir un impact majeur sur l’incidence des dix années à venir.

La suspension de la prévention pour les travailleuses du sexe a un impact important prévu sur l’incidence du VIH 2025-2035, CROI 2025.

Cet article a été précédemment publié sur le site du COREVIH Bretagne à l’occasion de la CROI 2025. Nous le reproduisons ici avec l’aimable autorisation de l’auteur.