1) Changement de paradigme: l’ère des traitements à longue durée d’action pour la PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi.
Dans son intervention, Jonathan Li, du Brigham and Women’s Hospital (Boston, MA, USA) a mis en lumière l’évolution des options disponibles, soulignant l’importance de l’observance dans l’efficacité des traitements, tout en présentant des alternatives prometteuses comme le CAB-LA et le Lénacapavir.
On ne le dira jamais trop souvent: la PrEP orale est efficace quand on la prend! Les premières études sur la PrEP par TDF/FTC chez les femmes en Afrique avaient montré une absence d’effet, en rapport, ce qu’on a su plus tard, avec des difficultés majeures d’observance (Corneli et al. 2016).
Globalement l’observance de la PrEP orale a tendance à être durablement bonne chez 40% des personnes sous PrEP, et à décliner plus ou moins rapidement dans le temps chez 60% (Unigwe et al. OFID 2024). Il faut donc trouver des solutions alternatives, et à ce jour il n’y a que trois à court terme: les anneaux vaginaux de dapivirine, les injections intramusculaires bimestrielles de cabotégravir (CAB-LA) et les administrations sous-cutanées bisannuelles de Lénacapavir.
L’anneau vaginal de dapivirine est une alternative à la PrEP orale chez les femmes, mais là aussi les difficultés d’observance se sont avérées importantes dans les études initiales (RING et ASPIRE), notamment dans la population des femmes les plus jeunes.
Les études pharmacocinétiques avec le CAB-LA montrent que la plupart des patients ayant des injections bimestrielles ont des concentrations 4x au dessus des taux considérés comme protecteurs. Dans les essais HPTN 083 et 084, il y a peu d’infections mais certains surviennent chez des patients ayant bien reçu leurs injections tous les deux mois. Chez certains patients, les concentrations paraissent bonnes; chez d’autres, il semble y avoir un métabolisme très rapide avec des concentrations pré-injection a postériori régulièrement trop faibles. Chez les patients qui s’infectent, l’émergence de résistance aux INSTI est plutôt la règle que l’exception… L’autre difficulté est que le diagnostic de ces infections survenant sous PrEP est parfois difficile à faire (syndrome de LEVI, cf. chronique de la CROI 2023): un participant de l’essai HPTN s’étant infecté juste avant la 1ère injection n’a vu sa charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. devenir détectable que 4 mois après l’infection…
Dans les essais concernant le Lénacapavir (Purpose-1 et Purpose-2), l’efficacité est excellente et on ne note que deux infections sur plusieurs milliers de participants. Dans les deux cas émerge une souche résistante, avec des concentrations mesurées qui paraissent plutôt correctes. La tolérance est bonne mais il y a tout de même 1,2% d’arrêt du fait des douleurs liées aux deux injections SC réalisées simultanément tous les 6 mois, chez des personnes très motivées et entourées dans un essai clinique : à voir ce qui se passera en « vraie vie », avec possiblement un peu plus d’arrêt sur intolérance à venir.
Une nouvelle formule de LEN en administration annuelle en IM est en cours d’étude, avec une première étude publiée ce jour dans le Lancet (cf. chronique de mardi matin).

De nouvelles options sont à l’étude :
- Des implants, mais la tolérance pour l’instant ne parait pas excellente;
- Le lénacapavir en injection intra-musculaire annuelle (LEN IM);
- Le traitement oral mensuel par MK-8527. Le MK-8527 (voir sur PrEP Watch) est administré mensuellement par voie orale, en cours d’essais de dosage dont les détails figurent dans le résumé 1232 à cette CROI).
En résumé :
- La PrEP orale par TDF/FTC est efficace mais l’observance est une difficulté, notamment dans les populations les plus jeunes;
- Les anneaux de dapivirine ont montré une efficacité modérée, et s’en procurer n’est pas aisé !
- Le CAB-LA est une option séduisante, mais pose des problèmes de logistique. Il existe de très rares infections mal expliquées, et l’émergence de la résistance dans un monde où les inhibiteurs d’intégrase sont les traitements de première ligne est un vrai problème;
- Le Lénacapavir représente une avancée majeure, mais est en attente d’autorisations administratives pour son utilisation en PrEP;
2) PrEP à longue durée d’action: Pourquoi ne parvenons-nous pas à élargir son accès?
Cissy Kityo, du Joint Clinical Research Centre (Kampala, Uganda), a abordé dans son intervention les obstacles à la mise à l’échelle de ces nouvelles options, notamment l’accessibilité et les coûts, plaidant pour des solutions innovantes et une meilleure réglementation afin de garantir un accès équitable à la PrEP dans les pays à ressources limitées.
On estime que, depuis qu’elle est disponible, 8 millions de personnes ont initié une PrEP (dont 90% dans le cadre de programmes du PEPFAR…), quasi-uniquement à base de PrEP orale par TDF/FTC, bien que le CAB-LA soit potentiellement disponible, puisqu’il a été approuvé par l’OMS en 2022 (Ce n’est pas encore le cas pour le lénacapavir).
L’expérience récente a montré que la mise sur le marché effective du CAB-LA a été assez rapide, mais les étapes de mise en œuvre montrent que l’on prend beaucoup de retard dans l’accessibilité effective. Outre des problèmes d’organisation, il existe des obstacles financiers dans la mesure où aujourd’hui le produit générique n’existe pas encore, et qu’il faudra plusieurs mois ou années pour en disposer. En attendant, les coûts annuels de la PrEP par Cabotégravir restent 4 fois plus élevés que ceux de la PrEP orale par TDF/FTC.
Dans les pays industrialisés, la PrEP par CAB-LA reste très peu accessible, avec par exemple moins de 1% des PrEP aux USA, lié à un système administratif d’accès particulièrement complexe1et quasiment zéro en France puisque le prix n’a toujours pas pu être fixé, un an bientôt après l’obtention de l’AMM…. Pourra-t-on faire mieux avec le lénacapavir, avec une utilisation réelle plus rapide L’expérience a montré que le molnupiravir contre le SARS CoV-2 avait pu être génériqué en quelques mois…
De nombreux obstacles existent donc à la mise à disposition d’une PrEP injectable à longue durée d’action : disponibilité du produit limitée, absence de fonds dédiés, complexité des systèmes de soins. Des déréglementations efficaces doivent pouvoir voir le jour rapidement afin qu’une implémentation rapide puisse avoir lieu.
Pour permettre un accès rapide au cabotégravir ou au lénacapavir dans les pays à ressources limitées, il est nécessaire de disposer de licences volontaires pour permettre une fabrication rapide par les génériqueurs. En attendant, car cela prendra du temps, il est nécessaire que ces produits puissent être mis à disposition à des prix raisonnables.
Et bien sûr, compte tenu de la situation actuelle, il est important que les pays diversifient leurs modalités de financement de la lutte contre le VIH pour garantir un accès équitable.
Cet article a été précédemment publié sur le site du COREVIH Bretagne à l’occasion de la CROI 2025. Nous le reproduisons ici avec l’aimable autorisation de l’auteur.