Depuis 2019, la Mairie de Paris s’est saisie de la question du chemsexChemsex Le chemsex recouvre l’ensemble des pratiques relativement nouvelles apparues chez certains hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), mêlant sexe, le plus souvent en groupe, et la consommation de produits psychoactifs de synthèse. . Anne Souyris, alors adjointe à la Santé (EELV), a rapporté un vœu des écologistes prévoyant une évaluation du phénomène du chemsex et l’élaboration d’une stratégie de prévention. Des travaux de réflexion se sont déroulés entre Vers Paris sans sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. et la Mission métropolitaine de prévention des conduites à risques (MMPCR) avant la crise du CovidCovid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. qui a freiné ces travaux.
Anne Souyris et Jean-Luc Romero-Michel, adjoint à la Lutte contre les discriminations, ont présenté un nouveau vœu au conseil de Paris en mars 2021 relatif aux associations engagées sur la question du chemsex. La Mairie a réuni les associations en mai 2021, pour élaborer, avec elles, un plan parisien d’information et de réduction des risques.
Dans cette optique, la MMPCR a réalisé un premier un état des lieux des ressources existantes et des besoins identifiés par les acteurs en lien avec les publics concernés. Cet état des lieux, paru à l’été 2021, dresse un bilan contrasté : ressources disparates, réponses partielles assurées par les acteurs de terrain, difficultés pour accéder aux soins, manque d’information et de formation des professionnels de santé, des pompiers ou des policiers, manque d’information sur l’offre de soins pour le public et méconnaissance de la RdR…
Deux groupes de travail coanimés par la MMPCR et des représentants associatifs se tiennent régulièrement afin de fournir des réponses concrètes. Paris a notamment organisé trois journées de travail en juin 2022, 2023 et 2024, réunissant des professionnels et des associations susceptibles de rencontrer des publics de chemsexeurs (voir la dernière journée). La ville a mis en ligne une cartographie qui recense l’offre médicale, de réduction des risques et d’accompagnement sur le territoire de l’Île-de-France. Elle a lancé une campagne de communication, « Chemsex où en parler ». Des outils de RdR spécifique comme un « Roule ta paille » pour les chemsexeurs a été distribué à 1 500 professionnels de santé en 2023. Le kit affiche sur son recto un QR code menant à la campagne « Où en parler » et prodigue au verso quelques conseils de réduction des risques.
Acteurs de la santé communautaires et de réduction des risques et des dommages et partenaires institutionnels (AP-HP, ARS, CPAM, GHU Psychiatrie et Neurosciences, Mildeca, Parquet, Préfecture de Police, Ville de Paris) font partie du comité stratégique de prévention et réduction des risques liés au chemsex. « L’objectif est de favoriser le développement d’une culture commune sur le chemsex et la mise en réseau des professionnels et acteurs concernés », assure Mathilde Serot, qui a co-organisé la seconde journée thématique à destination des professionnels et fait sa thèse sur le sujet « parcours, pratiques et prise en charge des chemsexeurs sur le territoire parisien et séquano-dionysien ».
Jean-Luc Romero, un engagement et… un agacement
La rédaction de Swaps a rencontré Jean-Luc Romero dans son bureau à la mairie de Paris début avril. Infatigable militant de la lutte contre le sida, premier homme politique à avoir dévoilé sa séropositivité, fondateur et président d’Élus locaux contre le sida, il s’est engagé pour développer la prévention sur l’usage des drogues depuis la perte de son mari, décédé lors d’une soirée chemsex en 2018. Pour lui, le chemsex partage des points communs avec l’épidémie du sida, surtout à ses débuts. La honte des personnes concernées, la solitude des proches ou des familles, démunies… et puis l’inaction des pouvoirs publics.
« Mon inquiétude, c’est que, comme au début du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. on laisse les associations communautaires se débrouiller toutes seules, sans aucun moyen dédié. Il n’y a pas de parole publique sur le chemsex. On a besoin que l’État mette en œuvre les propositions du rapport “Chemsex 2022” d’Amine Benyamina, ne serait-ce que la première, une étude épidémiologique réelle à la grandeur nature. On disait que le sida se soigne aussi par la politique. Or, il n’y a aucun discours équilibré sur la question des addictions ».
Persuadé que la seule voie efficace est celle d’un accompagnement renforcé dans un parcours de soin, il déplore les petits pas et le silence. « Cela fait plusieurs fois que je rencontre le ministre de l’Intérieur et que je demande à la préfecture de police de mettre en place un système du “bon samaritain” pour permettre aux personnes qui appellent les secours, lorsque quelqu’un fait un malaise dans une de ses soirées, d’échapper aux poursuites judiciaires.» Les pompiers qui, à Paris, sont des militaires, préviennent la police quand ils sont appelés pour un problème en rapport avec le chemsex, (coma, G-Hole…). Ne laissant jamais son bâton de pèlerin, Jean-Luc Romero a exposé à Catherine Vautrin, alors ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, ses idées autour du chemsex. Il dit avoir obtenu de Gérald Darmanin un accord pour expérimenter une trêve police-usagers en Île-de-France et plaide auprès de ses pairs d’Élus locaux contre le sida pour partager les outils d’information développés à Paris.
« Nous attendons toujours le lancement d’un plan national et une structuration des réseaux de professionnels pour accompagner les usagers, comme le recommande le rapport Benyamina », ajoute-t-il. En attendant, la métropole bricole des réponses, comme d’autres villes européennes, aux besoins de chemsexeurs mal identifiés, en proie à des stigmas multiples et répétés. « Le chemsex révèle la situation toujours difficile de la communauté LGBT, l’homophobie intériorisée, la situation des personnes séropositives, le tabou, la honte des chemsexeurs, une vraie réalité qu’il faut prendre en compte… »