Enquête ERAS : Mieux connaître les prépeurs HSH

L’usage de la PrEP est en augmentation notable chez les homos et bisexuels multipartenaires, urbains, aisés et trentenaires. Mais la PrEP peine à toucher un public d’hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes plus précaire, éloigné des centres urbains.

Depuis plusieurs années, et après les enquêtes PREVAGAY, la chercheuse Annie Velter (DPPS, Santé publique France) coordonne l’enquête Rapport au Sexe (ERAS), qui a pour but de mieux comprendre les stratégies de prévention des hommes qui ont des relations sexuelles avec les hommes (HSH). En France, la prophylaxie pré-exposition (PrEP) est disponible depuis 2016 et au cours des six années, les modalités de prescription ont évolué, afin de faciliter et renforcer son déploiement, dans l’optique de diminuer l’incidence du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. Aujourd’hui, la PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. est l’un des principaux leviers dont nous disposons pour prévenir efficacement la transmission sexuelle du VIH, et en particulier chez les populations exposées.

L’étude comparative des éditions 2017, 2019 et 2021 nous permet d’évaluer l’appropriation de la prévention diversifiée par les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.  en France. Dans sa présentation lors des journées thématiques 2022 de la SFLS, Annie Velter (SPF) a décrit l’évolution entre 2017 et 2021 de l’usage de la PrEP chez les HSH résidant en France, et le profil des usagers en 2021.

Un usage de PrEP en hausse chez les répondants 

Parmi les personnes ayant participé aux enquêtes, la chercheuse a retenu les réponses de plus de 15000 participants séronégatifs ayant déclaré une pratique anale lors du dernier rapport sexuel —un échantillon important— et s’est penché sur les moyens de prévention utilisés à cette occasion. Dans cette population, l’usage de la PrEP a augmenté significativement entre 2017 et 2021, en passant de 6,3% à 25,2%. Évidemment, malgré la diversité des profils des répondants (jeunes, HSH ou gays éloignés des recommandations sanitaires), ces résultats ne sont pas représentatifs de l’ensemble de la population HSH. Mais ils permettent de dresser le portrait de ces utilisateurs de PrEP.

Usage de la PrEP lors du dernier rapport sexuel anal avec un partenaire occasionnel. Source : SPF

Portrait de Prépeurs

Les usagers de la PrEP, ou Prépeurs, ont 37 ans en moyenne, ils sont nés très majoritairement en France (ou dans un pays européen), et ils ont un niveau d’études supérieur au bac pour 81% d’entre eux. Quarante-quatre pour cent d’entre eux habitent en région parisienne (56% dans une grande ville de plus de 100 000 habitants) et 62% déclarent une situation financière confortable. S’agissant de l’âge, on note la relative sous-représentation des jeunes, même si les moins de 25 ans représentaient en 2021 25% des répondants prepeurs. (Sans doute un effet biais lié à l’utilisation majoritaire de facebook.)

Profil des usagers de PrEP dans ERAS 2021. Source : SPF

La très grande majorité se définissent comme homosexuel (90%) et la quasi-totalité d’entre eux fréquentait les lieux de convivialité (83%) et les sites et applis de rencontres gay (99%), déclarant environ 10 partenaires dans les 6 derniers mois. Ils sont également 20% à déclarer pratiquer le chemsexChemsex Le chemsex recouvre l’ensemble des pratiques relativement nouvelles apparues chez certains hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), mêlant sexe, le plus souvent en groupe, et la consommation de produits psychoactifs de synthèse. à l’occasion de ce dernier rapport sexuel. Leur inclusion dans le protocole de PrEP leur ont permis de déclarer plus de tests de dépistage (4) que les non-prépeurs (2), pour atteindre le nombre de tests de dépistage annuels recommandés par la Haute autorité de santé (HAS) pour ce public exposé.

Profil des usagers de PrEP dans ERAS 2021. Source : SPF

Au moment de l’enquête, 54% des personnes prenaient la PrEP quotidiennement et 42% à la demande (les autres avaient depuis arrêté). Treize pour cent déclare avoir arrêté pendant le 2nd confinement, pour cause d’absence ou de réduction du nombre de partenaires. La plupart sont suivis en service hospitalier (39%), en CeGIDDCeGIDD Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) des infections par les virus de l'immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles. Ces centres remplacent les Centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) depuis le 1er janvier 2016. (35%) et 20% dans le cabinet de leur médecin.

Profil des usagers de PrEP dans ERAS 2021. Source : SPF

Une augmentation confirmée mais insuffisante

Cette augmentation de l’utilisation de la PrEP, dans cette population, est confirmée par les chiffres d’EPI-PHARE, et ce, malgré le freinage des délivrances à cause de la crise sanitaire mondiale.

Les données d’ERAS-COVID 2020 avaient aussi montré que, durant le 1er confinement, 59% des usagers de PrEP l’avaient arrêté et que 15% des usagers initiaux de la PrEP ne l’avaient pas encore reprise au moment de l’enquête.

Ces données confirment que l’usage de la PrEP est encore réservé à une population favorisée économiquement, urbaine et multipartenaire, très “gay” (identitaire) et peu “HSH”. Et cette distribution a peu évolué au cours des années. La chercheuse a insisté sur la nécessité de lever les barrières concernant l’acceptabilité et l’accessibilité, avec des campagnes et une refonte de certains moyens de prévention. L’ouverture de la primo-prescription aux médecins généralistes doit aussi permettre d’augmenter le niveau d’utilisation de la PrEP. Tel quel, il reste insuffisant pour envisager, d’ici 2030, d’atteindre “la fin de l’épidémie”.

Les enquêtes ERAS

L’enquête Rapport au sexe est une enquête transversale, répétée et anonyme, basée sur le volontariat: Les participants, des hommes de 18 ans et plus, ont répondu à un questionnaire sur un site internet, dédié à l’enquête. Le recrutement se fait sur supports digitaux, depuis des bannières postées sur des sites de rencontres, des applications, des sites d’informations affinitaires, des plateformes programmatiques en fonction de mots-clefs et enfin des réseaux sociaux. Le court questionnaire dure moins de 15 minutes et aborde les caractéristiques sociodémographiques, le mode de vie, la santé (statut VIH déclaré, IST), la sexualité et les comportements préventifs.

Le profil des personnes étudiées dans cette présentation (hommes séronégatifs ayant déclaré une pratique anale lors du dernier rapport) est relativement constant en 2021 : l’âge médian est de 33 ans en 2021 (en légère augmentation), 70% ont fait des études supérieures et 93% sont nés en France. C’est une population urbaine (42% habitent dans une agglomération de plus de 100000 habitants), plutôt confortables (57%), qui fréquentent des lieux de convivialité homosexuels pour 68% d’entre eux. Ces hommes sont multipartenaires (39% ont eu plus de 5 partenaires sexuels masculins dans les 6 derniers mois), et 8% d’entre eux déclarent avoir pratiqué le chemsex lors de ce dernier rapport. Enfin, 62% d’entre eux ont effectué un dépistage dans les 12 derniers mois.