Revenons sur les bonnes nouvelles annoncées dans le premier édito à la sortie d’avion, telle que l’installation des bithérapies dans les stratégies antirétrovirales comme piste d’allégement. La «tango thérapie» n’est plus une possibilité mais une réalité scientifique. Au sein de la cohorte française de Dat’AIDS, le taux d’échec virologique était faible, à 3,4%, et attendu sur des critères prédictifs maintenant bien balisés. Il reste à expliquer l’efficacité supérieure d’une bithérapie Dolutégravir/3TC dans l’essai GEMINI, observée chez les patients à charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. élevée (>100,000 cp/ml). Une curiosité à confirmer ou infirmer.
Nouveautés pour la PrepPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®.
De nouvelles pistes pour la Prep avec les résultats de DISCOVER qui ne manqueront pas d’être commentés: non-infériorité certaine versus le TDF/FTC, mais y a t-il une tendance à plus d’efficacité du côté du TAF/FTC?
Également, une belle piste avec des capsules vaginales ou rectales pour une Prep (TAF/elvitégravir) en application locale montrant une efficacité à 92% chez… le singe. Et ce, quand bien même il a été montré durant cette conférence (# 998) que l’utilisation d’un anneau vaginal contenant oestrogène et progestérone réduisait la quantité de bactéries vaginales et conduisait à une augmentation du risque de contamination par le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. chez des femmes kenyanes.
On espère qu’elles ne connaitront pas le recul des «vaginal ring», les anneaux ciblant le VIH, les ISTIST Infections sexuellement transmissibles. et la contraception qui n’étaient discutés que dans un seul abstract à cette CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. 2019. Les résultats plus que mitigés des études ASPIRE et RING sur le sujet avaient été communiqués en plénière à la CROI 2016, et avaient même reçu, paradoxalement, une standing ovation.
Nouvelles molécules
De nouvelles molécules éparses: le GS-9131, un nouvel NRTI; le GS-6207, un nouvel inhibiteur de capside en sous-cutané; le GSK2838232, un nouvel inhibiteur de maturation, l’ibalizumab, un inhibiteur post-attachement du VIH-1 qui se lie au domaine CD4 2 et bloque l’entrée virale dans les cellules hôtes; le Fostemsavir, un inhibiteur d’attachement; le MK8591 un nouvel analogue nucléosidique à action prolongée déjà plus avancés, etc.
RDR à la CROI
De nouvelles inquiétudes ont été rapportées à Seattle, face au double danger des IST et de la consommation des opioïdes de synthèse. La réduction des risques (RdR) a donc fait son entrée, timide, à la CROI face aux usages du ChemsexChemsex Le chemsex recouvre l’ensemble des pratiques relativement nouvelles apparues chez certains hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), mêlant sexe, le plus souvent en groupe, et la consommation de produits psychoactifs de synthèse. et du fentanyl.
L’épidémiologiste Karin Bosh (CDC), a rapporté le dernier jour, que 1363 personnes vivant avec le VIH étaient mortes par overdose d’opioïdes aux Etats-Unis entre 2011 et 2015. Le taux de mortalité par overdose d’opioïdes chez les personnes atteintes par le VIH était de 42,7% plus élevé en 2015 qu’en 2011. Qui plus est, le passage à l’injection semble plus rapide chez les nouveaux consommateurs d’héroïne. En 2015, on a observé dans l’État de l’Indiana que l’héroïne coupée avec du fentanyl augmenté l’addiction et le nombre d’injections. Rappelons qu’aux Etats-Unis, la Prep reste totalement inaccessible aux usagers de drogue injectables: seulement 2% de ces personnes déclarent y avoir accès.
Dans le King County, qui englobe Seattle (2 007 440 d’habitants), les overdoses d’héroïne ont augmenté de 246% entre 2007 et 2018 et le nombre de sans-abris de 129 % entre 2010 et 2017, des chiffres qui sont liés (#891). En outre, la consommation de Fentanyl détournée de la pharmacopée hospitalière —phénomène qui n’a pas encore traversé l’atlantique— est clairement la cause d’atteintes hépatiques fibrosantes (#617).
Enfin, il a aussi tout ce que nous n’avons pas rapporté dans ces articles, faute de place, et parce que dans cette CROI finalement assez foisonnante nous avons appliqué le vieil adage d’André Gide: «Choisir, c’est renoncer.» Certaines études auraient néanmoins mérité qu’on s’attardent sur elles, comme la re-démonstration de l’effet du TaspTasp «Treatement as Prevention», le traitement comme prévention. La base du Tasp a été établie en 2000 avec la publication de l’étude Quinn dans le New England Journal of Medicine, portant sur une cohorte de couples hétérosexuels sérodifférents en Ouganda, qui conclut que «la charge virale est le prédicteur majeur du risque de transmission hétérosexuel du VIH1 et que la transmission est rare chez les personnes chez lesquelles le niveau de charge virale est inférieur à 1 500 copies/mL». Cette observation a été, avec d’autres, traduite en conseil préventif par la Commission suisse du sida, le fameux «Swiss statement». En France en 2010, 86 % des personnes prises en charge ont une CV indétectable, et 94 % une CV de moins de 500 copies. Ce ne sont pas tant les personnes séropositives dépistées et traitées qui transmettent le VIH mais eux et celles qui ignorent leur statut ( entre 30 000 et 50 000 en France). dans l’essai HPTN071 POPART, qui montre une baisse de l’incidence de 30% dans les zones avec un programme de dépistage et de mise sous traitement ARV. On ne vous a pas parlé non plus du microbiote vaginal, quasiment aussi en vogue que son homologue postérieur, ni de la flore bactérienne pénienne étudiée dans le bras contrôle d’une étude sur la circoncision, à Rakaï (Ouganda), qui démontre que les hommes se contaminant par le VIH avaient une plus grande densité de bactéries péniennes anaérobies.
Cet article a été rédigé pour la Lettre de l’Infectiologie à l’occasion de la CROI 2019. Nous le reproduisons ici avec l’autorisation de l’auteur.