Coté politique, on eut droit en plénière dès le lundi soir 4 Mars à la traditionnelle présentation de Anthony S Fauci, chantre du NIH1National Institutes of Health et immunologiste planétaire, 79 ans au compteur. Une preuve vivante que la lutte contre le VIH n’est pas un facteur de sénescence. Une présentation qui lui ressemble: policée et éclairante, ingénieuse et politicienne. Et qui fait suite à la déclaration de Donald Trump qui avait annoncé, le mardi 5 février dernier, vouloir «dompter» l’épidémie du sida aux Etats-Unis avant 2030. «Mon budget demandera aux démocrates et aux républicains de dégager les moyens nécessaires pour éliminer l’épidémie de VIH aux Etats-Unis d’ici dix ans. Ensemble, nous vaincrons le sida en Amérique et au-delà», avait déclaré le président républicain, lors de son discours annuel sur l’état de l’Union, au Congrès. L’administration Trump a mis, de fait, toutes les agences fédérales en ordre de marche sous une seule et unique tutelle ministérielle pour appliquer le concept simple Tasp + Prep (et dépistage) = fin de l’épidémie VIH/sida. Sous la direction du secrétaire adjoint à la santé, les agences HHS2The U.S. Department of Health and Human Services, dont les NIH3National Institutes of Health, les CDC4Centers for Disease Control and Prevention, HRSA5Health Resources and Services Administration et IHS6Indian Health Service, coordonneront leurs programmes et leurs ressources pour «mettre en œuvre avec les partenaires locaux des stratégies pour diagnostiquer, traiter, prévenir et traiter rapidement». Avec comme objectif, 75% de réduction de l’incidence VIH à 5 ans et 90% à 10 ans. En ciblant les populations et les régions, notamment rurales, les plus concernées par l’épidémie de VIH. Où la poursuite du pragmatisme US, avec tous ses inégalités d’accès et des courbes de l’épidémie VIH à San Francisco ou à Washington qui sont impressionnantes de décrue. Dans l’attente d’un début d’équivalent en France avec les chiffres attendus de la part de Santé Publique France et aussi dans le sillage de l’initiative Vers Paris sans Sida.
Coté science spectacle, les médias français ont traqué nombre d’entre nous, dans cette nuit de lundi à mardi, suite à la rupture d’embargo de Nature vis-à-vis de la CROI dont s’est plainte Sharon L. Hiller (Pittsburgh), la Vice-Chair de la Conférence. L’agitation médiatique était perceptible sur le sujet que l’on attendait pourtant dans le calme ce mardi, et les organisateurs de la Conférence ont dû transporter en salle plénière la session où était présenté, par Ravindra Gupta, un nouveau candidat à la guérison dans le sillage du «patient de Berlin» qui fête ses 10 ans de «Cure». Après le «patient de Berlin», le «patient de Londres», donc. Pour rappel, le Patient de Berlin est ce patient VIH+ dont une leucémie a nécessité en 2007 la réalisation de deux greffes de moelle… et pour lequel a été utilisé un greffon provenant d’une personne porteuse de la mutation «protectrice» delta32 du corécepteur CCR5 du VIH. Les personnes porteuses de cette mutation (moins de 1% de la population à l’échelle mondiale) sont censées être naturellement protégées contre la plupart des souches de VIH, qui utilisent le récepteur CCR5 pour pénétrer dans les cellules-cibles. Dans le cas du patient de Londres, anonyme à ce jour, il s’agit d’un patient VIH + atteint par une maladie de Hodgkin résistante à plusieurs lignes de chimiothérapie et qui a dû avoir recours à une telle greffe de moelle issu d’un donneur lui aussi homozygote pour la délétion CCCR5 delta32. Il a été lourdement immunodéprimé (anti CD 52, Cyclosporine, MTX) mais après 17 mois de traitement antirétroviral (Dolutegravir, 3TC, Rilpivirine) celui-ci a été arrêté, sans remontée de la charge virale VIH, avec un ADN pro-viral bas et un faible taux d’anticorps. Mais une question taraude le croiiste : pourquoi autant de bruit pour de la science expérimentale non reproductible?
Aussi intéressante soit-elle, notamment si par le bais de la biothérapie, on arrive au même résultat sans greffe de moelle et immunosuppression à vie? Et pourquoi ne parle-t-on pas à l’occasion des patients de Barcelone, de Utrecht, de Munich, de Santiago du Chili, de Essen, de Munster tous décédés dans le même processus de recherche (voir tableau)? Et quid du bébé du Mississipi redevenu positif pour le VIH? «En parvenant à une rémission sur un deuxième patient tout en utilisant une approche similaire, nous avons montré que le “patient de Berlin” n’a pas été une anomalie», s’est félicitée Ravindra Gupta, professeur à l’université de Cambridge. Près de 37 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde, mais seules 59% d’entre elles bénéficient d’ARV. Ce n’est qu’une de moins à traiter, mais à quel prix?
Le patient de Berlin et son «avocat»
Côté sciences cliniques, on a pas été déçu de l’ouverture du lundi par la session plénière sur les IST de Jeanne Marazzo. Du grand art comme annoncé dans l’édito d’hier. Tant par la mobilisation des concepts —«les IST accoisent le risque de contamination par le VIH mais pas sous PreP»— que par l’alerte sur les niveaux de résistances observés de part le monde. Avec deux nouveaux cas de résistance de haut niveau du gonocoque à la Ceftriaxone et a l’Azytromycine décrits en 2019 en UK. Avec d’autres facteurs d’inquiétudes: selon elle «10% des infections à VIH seraient attribuables aux IST Gonorrhée et Chlamydia». Mais la recherche est en marche avec de nouvelles molécules telles que Zoliflodacin et Gerotidacin contre le gonocoque ou le très intrigant lavage buccal anti portage de gonocoque de l’étude OMEGA. Une étude en double insu sera menée dans plusieurs cliniques de santé sexuelle à Melbourne et Sydney, en Australie, où au total, 504 HSH participants seront recrutés.
Et puis, le monde du vih attendait une mise au point sur les anomalies congénitales (birth defect) et leur lien éventuel avec les traitements ARV, notamment les inhibiteurs d’intégrase. La surveillance de 67 737 naissances en Ouganda (#743) de femmes âgées en médiane de 26 ans (22-30) dont 9,6% de VIH+, ne montre pas d’impact de l’âge, du statut VIH, du traitement ARV ou de la parité sur les anomalies du tube neural. La Cohorte Périnatale Française (#744) a analysé 309 enfants exposés aux inhibiteurs d’intégrase durant la grossesse ( 224 sous raltegravir, 41 sous Dolutegravir 44 sous élvitegravir) que ce soit au moment de la conception ou durant la grossesse. Aucun sur-risque d’anomalie du tube neural n’est observé même si la surveillance se poursuit. La mise au point de Lynn Mofenson (Washington #60), pour brillante qu’elle était, n’a pas permis, toutes données confondues, d’infirmer ou de confirmer, l’alerte sur le Dolutegravir issu de l’essai Tsepamo au Botwana. Faute de données concernant l’exposition durant la conception ou au premier trimestre suffisantes pour des pathologies congénitales du tube neural, dont la prévalence reste faible.