La situation socio-économique des PVVIHPVVIH Personne vivant avec le VIH au-delà de 50 ans est encore trop peu documentée, que ce soit au niveau des ressources, du logement, des complémentaires santé, de la connaissance des dispositifs seniors ou de la préparation à la retraite. Une enquête menée en 2022/23 a pour but d’objectiver cette situation et de proposer des recommandations pour éviter des situations sociales délétères.
Très peu d’études abordent le vieillissement des PVVIH : La Maison de vie du Roussillon, thèse Bichat (Aude Béliard, Cermes 3, Paris et Agnès Villemant, Corevih IDF Nord, Paris), SeptaVIH (investigateur coordinateur : Clotilde Allavena, service des maladies infectieuses, CHU Hôtel Dieu Nantes).
Les Actupiennes ont publié en 2022 une étude pilote sous forme de focus groupe, 43 personnes avaient participé. À la suite d’un travail interassociatif de 11 structures 1 coordonnées par l’association MoiPatient, nous avons de nouvelles données :
420 personnes ont répondu à un questionnaire en ligne, lors d’entretiens dans les associations et lors de six permanences à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
90,9% des répondants déclarent avoir une charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. indétectable et 98,8% déclarent prendre un traitement.
Moins de 60 ans Femmes 49 Hommes 134 Transidentitaires 5 Autres 8 | 60 à 69 ans Femmes 37 Hommes 130 Transidentitaires 3 Autres 4 | Plus de 70 ans Femmes 8 Hommes 37 Transidentitaire 1 Autres 1 | |
Dans l’enquête 2022/23 | 197 (46,9%) | 176 (41,9%) | 47 (11,2%) |
Répartition dans la population PVVIH de plus de 50 ans Data Ameli 2020 | 57% | 30% | 13% |
Des écarts existent en termes de représentativité, si l’on compare avec les données Ameli (data disponible 2020).
Il est à noter que la moitié des répondants n’ont pas cité le nom d’une association qui leur aurait donné l’information sur l’enquête et que lors des permanences hospitalières, aucune personne ne fréquentait une association. L’analyse des 26 questionnaires issus des permanences aléatoires à la Pitié-Salpêtrière 2 est comparable aux données générales de l’enquête. Limite : nous n’avons pas pu toucher des personnes vivant en établissement médicosocial type Ehpad, hormis deux personnes en appartement de coordination thérapeutique.
Les ressources
Moins de 60 ans (n=197) | 60 à 69 ans (n=176) | Plus de 70 ans (n=47) | |
Pas de ressources | 3 (1,5%) | 8 (2,8%) | 0 |
Inférieur à 500 € | 6 (3,1%) | 4 (2,3%) | 0 |
Entre 500 et 1 000 € | 50 (25,6%) | 47 (26,7%) | 10 (21,3%) |
Entre 1 001 et 1 500 € | 43 (22,1%) | 41 (23,3%) | 12 (25,5%) |
Supérieur à 1 501€ | 93 (47,7%) | 79 (44,9%) | 25 (53,2%) |
Non renseigné | 2 | 0 | 0 |
Dans l’ensemble, les PVVIH de plus de cinquante ans ont des ressources peu élevées : moins de la moitié des répondants ont des ressources supérieures à 1 500 €.
Il est bon de rappeler que pour une personne seule, le seuil de pauvreté est de 1 396 €/ mois, que l’allocation adulte handicapé (AAH) est fixée à 1 016 €/mois, le RSA à 635 €/mois.
L’enquête démontre une anomalie : en sachant qu’il n’y a que deux personnes sans titre de séjour, 21 personnes (9,7 %) ont des ressources inférieures à 500 €. Il est même inquiétant que des personnes de plus de 70 ans aient des revenus inférieurs à 1 000 € sachant que l’allocation de solidarité aux personnes âgée (ASPA, ex-minimum vieillesse) est de 1 034 € à taux plein.
Nature des ressources
Moins de 60 ans (n=197) | 60 à 69 ans (n=176) | Plus de 70 ans (n=47) | |
Retraite et pré-retraite | 4 (2%) | 98 (55,7%) | 38 (80,9%) |
Salaire | 89 (45,2%) | 37 (21%) | 3 (6,4%) |
Revenus d’activité et non déclarés | 16 (8,1%) | 5 (2,8%) | 0 |
Chômage | 21 (10,7%) | 3 (1,7%) | 0 |
RSA | 2 (1%) | 2 (1,1%) | 1 (2,1%) |
Pension invalidité et AAHAAH Allocation aux Adultes Handicapés. | 90 (45,7%) | 36 (20,5%) | 2 (4,3%) |
ASPA | 0 | 4 (2,3%) | 2 (4,3%) |
Prime d’activité | 6 (3%) | 2 (1,1%) | 1 (2,1%) |
Autres prestations CAF | 16 (8,1%) | 7 (4%) | 3 (6,4%) |
Aides financières de ma commune | 1 (0,5%) | 4 (2,3%) | 1 (2,1%) |
Autres, foncier, pension réversion | 18 (9,1%) | 20 (11,3%) | 6 (12,7%) |
Parmi les moins de 60 ans, 46,7% ont comme ressources des prestations sociales de type AAH, invalidité ou RSA. La tranche des 61-69 ans est plus difficile à analyser, avec les modifications successives de l’âge légal de départ à la retraite. Si 55,7% sont à la retraite ou en pré-retraite, 23,9% ne bénéficie que de minima sociaux.
Parmi les plus de 70 ans, 85,2% perçoivent une retraite ou l’Aspa. Il n’est pas anormal de percevoir l’AAH après 62 ans lorsque le taux d’invalidité reconnu est supérieur à 80%. Percevoir le RSA à cet âge est possible, c’est la seule ressource auquel peuvent prétendre des étrangers ayant un titre de séjour, mais ne bénéficiant pas de dix ans de résidence, condition pour prétendre à l’ASPA.
On peut prédire une paupérisation des PVVIH dans les quinze ans à venir, en regardant la nature des ressources actuelles, de type AAH, RSA, qui ne permet pas la validation de trimestres pour le calcul de la retraite. Ces personnes se verront appliquer une décote très importante sur leurs pensions de base et complémentaire. Elles devront compléter leurs faibles pensions avec un complément ASPA, pour atteindre un niveau maximal de 1 034 €/mois. Cela concerne a minima le tiers des personnes de l’enquête.
Lieux de vie et logement
Les PVVIH sont des urbains dans 74% (n=304) des cas, pour 13,1% (n=53) des semi-urbains et 12,7% (n=53) ruraux, il n’y a pas de différences significatives entre les tranches d’âges. Pour près d’un quart, la désertification médicale pourrait être problématique, notamment pour la prise en charge des comorbidités. 56,9% (n=234) vivent majoritairement seuls, sans différence notable entre les tranches d’âges.
Quant au statut d’occupation du logement :
Près de la moitié des répondants ne sont pas propriétaires.
Une attention particulière doit être apportée à toutes celles et ceux qui habitent dans le parc locatif privé et qui représente 23% des personnes de l’enquête. Des démarches doivent être entreprises le plus tôt possible pour les personnes qui auraient besoin d’un logement dans le parc social, en raison d’une perte de revenus probable au moment du passage à la retraite. Les délais d’attente sont très longs : dix ans minimum et certains bailleurs refusent les locataires de plus de 70 ans, même si c’est illégal. L’inscription se fait simplement en ligne. Une inscription précoce permet d’acquérir des points : depuis janvier 2024, en effet, les bailleurs sociaux ont obligation de sélectionner en premier les demandeurs ayant le plus de points.
Anticipation démarches retraite
Avez-vous entrepris les démarches pour votre retraite ? | Moins de 60 ans (n=192) | 60 à 69 ans (n=67 non retraité) | Plus de 70 ans |
OUI | 16 (9,0%) | 22 (36,1%) | 0 |
NON | 162 (91,0%) | 39 (63,9%) | 1 |
Non renseigné | 14 | 6 | 1 |
Beaucoup de participants à l’enquête ne connaissent pas leurs ressources futures :
Rien d’étonnant à ce que 91% des moins de 60 ans n’aient pas entrepris de démarche retraite, c’est de la paperasse et une inquiétude que l’on veut repousser. Ils ne sont que 34,6% à avoir fait une simulation du montant de leur pension.
Parmi les 60-69 ans, 63,9% n’ont pas fait valoir leurs droits à la retraite parce qu’ils n’ont pas atteint l’âge légal et 66,1% ont fait une simulation.
Ce qui signifie qu’un tiers (33,9%) n’a pas ouvert de compte sur le site de l’assurance retraite pour estimer leurs ressources futures, ce qui est inquiétant.
Pour l’ensemble des personnes qui ont fait une simulation, les revenus mensuels à attendre seront : inférieurs à 999 € pour 39,2%, entre 1 000 et 1 499 € pour 27,5% alors que seulement 10,8 % ont une estimation supérieure à 1 500 €.
Complémentaires santé
Trop de personnes sont sans complémentaire santé, surtout avec la survenue des comorbidités avec l’âge, l’augmentation possible du reste à charge, la quasi-généralisation des dépassements d’honoraires en ville, cette absence de complémentaire peut devenir problématique pour un suivi coordonné avec les praticiens de ville.
Moins de 60 ans (n=197) | 60 à 69 ans (n=176) | Plus de 70 ans (n=47) | |
Sans complémentaire santé | 31 (15,8%) | 22 (12,7%) | 7 (14,9%) |
Par ailleurs, à la question : « connaissez-vous les dispositifs seniors de votre commune ou de votre département ? » la majorité répond par la négative : 69,5% des 50-59 ans, 59,1% des 60-69 ans et 53,2 % des plus de 70 ans. Si la très grande majorité n’a pas de difficultés pour se laver ou s’habiller, ils pourraient cependant bénéficier de certaines aides financières, du portage de repas à domicile ou des services d’une aide-ménagère.
Conclusion
Les réponses sur les conditions de vie et de ressources sont cohérentes en croisant les différents items aux niveaux socio-économiques. Si la moitié des PVVIH ont des ressources supérieures à 1 500 € et sont propriétaires dans l’enquête, près de la moitié des moins de 60 ans ne bénéficient que de minima sociaux.
Une paupérisation des PVVIH avec l’avancée en âge est inévitable, c’est pourquoi un repérage des fragilités socioéconomiques devient une urgence, notamment avec une évaluation des futures ressources et une « mise à l’abri » dans le parc social pour les locataires du privé. En particulier, une orientation vers un service social doit être faite pour celles et ceux qui n’ont pas de complémentaire santé ou de minima social.