Christian Gaebler, médecin à l’hôpital universitaire de la Charité de Berlin a présenté vendredi 18 juillet 2024, à Munich, une étude concernant un homme adulte qui serait la septième personne au monde à être «guérie» du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. grâce à une greffe de cellules souches, ou plus exactement à avoir vu le VIH disparaître de son organisme.
Dans la plupart des cas de guérison du VIH dus à une greffe, les donneurs choisis étaient porteurs de deux copies de la mutation CCR5-∆32. Appelés homozygotes, ces individus sont essentiellement immunisés contre le VIH, qui ne peut pas rentrer dans les cellules pour les infecter et se reproduire.
Dans ce nouveau cas, c’est un donneur de cellules souches présentant une mutation CCR5-∆32 simple, plutôt que double qui a été choisi. En Europe du Nord, environ 16% des personnes possèdent une seule copie de la mutation, tandis que seul 1% en possède deux, a rappelé Christian Gaebler dans sa présentation.
Le patient, qui a choisi de rester anonyme, a été diagnostiqué positif au VIH en 2009, avant de recevoir une greffe de moelle osseuse dans le cadre de son traitement pour leucémie myéloïde aiguë en octobre 2015. En septembre 2018, son traitement antirétroviral a été arrêté et le patient bénéficie depuis d’une rémission du VIH, près de six ans plus tard.
Recherche d’une cure et CCR5-∆32
Les antirétroviraux (ARV) modernes peuvent supprimer le VIH indéfiniment et offrir une qualité de vie proche de celle de la population générale, mais le virus ne disparaît pas pour autant. En insérant son ARN dans les cellules hôtes, le VIH établit des réservoirs durables qu’il est presque impossible d’éradiquer. C’est pour cela que la charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. rebondit quand le traitement ARV est interrompu. C’est pour cela que la recherche d’une cure, d’une guérison complète, notamment via la mutation CCR5-∆32, continue.
Avant tout de chose, il est important de rappeler que, comme pour les autres cas de rémission, ce genre de procédure et les résultats présentés sont avant tout intéressants en termes de recherche scientifique, mais sont loin de représenter une solution de cure applicable à l’ensemble des personnes vivant avec le VIH.
À ce jour, seul un petit nombre de personnes ont connu une rémission fonctionnelle du VIH après une greffe de cellules souches. Timothy Ray Brown, le premier patient de Berlin, a reçu deux greffes pour traiter une leucémie myéloïde aiguë en 2006. Au moment de son décès en septembre 2020, il n’était plus séropositifSéropositif Se dit d’un sujet dont le sérum contient des anticorps spécifiques dirigés contre un agent infectieux (toxo-plasme, rubéole, CMV, VIH, VHB, VHC). Terme employé, en langage courant, pour désigner une personne vivant avec le VIH. depuis plus de 13 ans.
Trois autres personnes ont été considérées «guéries» après avoir reçu une greffe de la part de donneurs présentant une double mutation du CCR5-∆32. Il s’agit de : Adam Castillejo le patient de Londres, Marc Franke le patient de Düsseldorf et Paul Edmonds le patient de City of Hope. Toutes les trois ont arrêté leur traitement ARV sans voir leur charge virale rebondir et dans les trois cas, le cancer est en rémission.
Début 2022, les chercheurs ont rapporté le cas de la patiente de New York, une femme atteinte de leucémie qui a reçu une combinaison de cellules de sang de cordon ombilical avec la mutation CCR5-∆32 et de cellules souches adultes sans la mutation. Trois ans après la greffe, toujours sans traitement ARV, aucune trace du VIH n’a été retrouvée chez la patiente. Dans le cas du patient de Genève, présenté en 2023 à la conférence scientifique de l’IAS, le donneur n’était cette fois-ci pas porteur de mutation conférant une résistance naturelle face au VIH, mais la greffe et le protocole de renouvellement du système immunitaire avaient permis d’apporter une rémission fonctionnelle.
De nouvelles études seront nécessaires pour comprendre pourquoi ces sept personnes ont été guéries grâce à des greffes, quand d’autres tentatives échouent. La Pre Sharon Lewin présidente de l’International AIDS Society (IAS) et coprésidente de la conférence estime qu’«il ne s’agit pas uniquement de CCR-∆32»: «Il est probable que plusieurs facteurs jouent un rôle dans la rémission», comme la susceptibilité des lymphocytes T à être ciblés par le VIH, la taille du réservoir viral, la gravité de la maladie du patient et la réponse immunitaire individuelle.
Cure ou rémission ?
Avec ce nouveau cas berlinois, la rémission est encore une fois constatée, mais peut-on parler de guérison pour autant? Christian Gaebler hésite à parler de guérison, d’autant que le patient a reçu des cellules de donneurs partiellement sensibles au VIH. Toutefois, selon le chercheur, si on avait dû constater un rebond viral, il aurait eu lieu au cours des 5 dernières années.
Pour l’instant, il faudra donc se contenter des indices que chaque nouveau cas de rémission nous offre, en espérant qu’ils nous mèneront un jour à une solution accessible de guérison complète et définitive de l’infection par le VIH.