Violences sexuelles et exil

Les violences sexuelles subies par les femmes et aussi les hommes sur les chemins dangereux de l’exil sont rapportées par les ONG et les médias. L’étude réalisée par une équipe de Marseille et Aix-en-Provence évalue les violences subies par les femmes une fois arrivées en France.

L’équipe a constitué une cohorte rétrospective de femmes demandeuses d’asile et présentes en France depuis moins de deux ans, à partir des services de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Des intervieweuses ont appelé les femmes au moins trois fois pour leur expliquer et leur proposer de participer à l’enquête, au besoin en se faisant assister par un interprète. Toutes les femmes étaient informées de l’assistance qu’elles pouvaient recevoir si elles avaient été victimes de violences sexuelles, qu’elles acceptent ou non de participer à l’enquête.

Le questionnaire était passé en face à face ou par téléphone. Outre les questions classiques sur l’origine et les conditions de vie, l’étude concernait les violences sexuelles subies pour l’année écoulée : exhibition sexuelle, agression sexuelle, viol, tentative de viol, énoncées dans les mêmes termes que les questions des enquêtes en population générale. Les circonstances et les auteurs, le chantage contre des avantages en nature étaient aussi demandés, ainsi que le travail sexuel.

Ce sont seulement 21% des femmes enregistrées (dont 69% ont été jointes) qui ont participé à l’étude. Elles venaient pour 56% d’Afrique de l’Ouest et 25% d’autres pays africains hors Maghreb, 72% avaient moins de 35 ans, 9 femmes sur 10 ont consulté un médecin, majoritairement généraliste (66%) et gynécologue (61%), 83% avaient des enfants, 56% avaient un partenaire vivant en France, 56% recevaient une aide financière et autant étaient hébergées dans un centre pour demandeurs d’asile.

7 femmes sur 10 victimes

Près de 7 femmes sur 10 avaient été victimes de violences sexuelles avant leur arrivée. Vingt-six pour cent des femmes ont subi une agression sexuelle, dont 5% un viol et la plupart plusieurs fois ; 19% une agression sexuelle, 28% ont été soumises à un chantage sexuel contre l’aide reçue ; le travail sexuel ne concerne que 2% des femmes. Les auteurs des agressions sexuelles sont majoritairement rapportés comme inconnus (56%). Pour les autres, il s’agissait de conjoints, partenaires ou personnes partageant le logement. Près d’une victime sur deux a demandé de l’aide à son entourage. Les facteurs associés au fait d’avoir subi des violences sexuelles en France sont : en avoir subi avant l’arrivée en France, venir d’un pays d’Afrique de l’Ouest. Pour les agressions sexuelles, s’ajoute le fait de ne pas avoir de logement ou de ressources venant des aides sociales.

il faut souligner qu’il y a eu ici une démarche systématique de recrutement, avec un cadre unique de personnes dont la demande d’asile a été acceptée. Toutefois, les auteurs soulignent les limites de l’étude, qui ne concerne pas tous les exilés présents en France. Le faible taux de participation peut jouer dans le sens d’une sur ou d’une sous-estimation selon que les femmes victimes auraient plus volontiers participé ou l’inverse. De plus, la période étudiée est limitée à une année entière de présence en France.

Des résultats connus, mais qui incitent à agir

Les résultats rejoignent ceux d’études étrangères et de l’observation des ONG en France ou dans d’autres pays européens. Ils mettent en évidence la très haute exposition des femmes aux violences sexuelles, accentuées pour celles venant de certains pays et manquant des aides essentielles. L’étude Parcours, réalisée il y a plus de dix ans, avait déjà montré ce processus liant manque de logement, violence sexuelle et contamination par le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. (Pannetier et al, Lancet Public Health 2018).

Comme le soulignent les auteurs, d’autres études sont nécessaires auprès des mineurs isolés, des personnes trans, des hommes et des femmes ayant des rapports avec des personnes de même sexe.

Le climat qui prévaut en l’automne 2023, pour restreindre encore davantage les conditions d’accès à un séjour régulier en France, peut encore dégrader les conditions d’existence, accentuer les pressions qui s’exercent sur les femmes et augmenter leur exposition aux violences sexuelles.

L’accueil digne des exilés est seul protecteur et respectueux des droits humains. L’offre de santé sexuelle complète doit être renforcée, et porter notamment sur les traumatismes résultant des violences sexuelles, et bien sûr sur les dépistages et les traitements. Dans un pays qui dit concevoir la prévention sous l’angle de la santé sexuelle, il s’agit de mettre en œuvre une approche qui promeut les droits sexuels.

Référence

Incidence of sexual violence among recently arrived asylum-seeking women in France: a retrospective cohort study
https://doi.org/10.1016/j.lanepe.2023.100731
Jérémy Khouani, Marion Landrin, Rachel Cohen Boulakia, Sarah Tahtah, Gaëtan Gentile, Anne Desrues, Marine Vengeon, Anderson Loundou, Adriaan Barbaroux, Pascal Auquier and Maeva Jego,