D’abord, il y eut l’histoire de la création de la CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. évoquée par A Fauci (NIAID, Whashington DC) entouré de ses gardes du corps (voir l’édito hier), sous un tonnerre d’applaudissements en standing ovation, tandis qu’une poignée d’antivax faisait le pied de grue en pancartes devant le Convention center. Une histoire secrète, difficile à reconstruire tant le discours américain est policé et le comité d’organisation si conservateur. Si on a bien compris, A.Fauci et Robert S Schooley (San Diego, Californie), deux des quatre mousquetaires de départ, tout est parti en 1991 des mouvements de protestation vis-à-vis des restrictions imposées aux personnes vivant avec le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. pour entrer aux États-Unis sous l’ère Reagan. Une mesure prise en 1987, quatre années après la découverte du virus, les États-Unis ajoutent alors le VIH à sa liste d’exclusion à l’immigration en tant que «maladie contagieuse dangereuse», interdisant ainsi l’arrivée sur le territoire de voyageurs vivant avec le VIH. Les personnes séropositives pouvaient obtenir un visa de séjour de trente jours, ce qui les empêchait toutefois d’effectuer un séjour plus court pour un congrès, un meeting ou une réunion associative. Par conséquent, la VIIIe Conférence internationale sur le SIDASida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. de 1992, qui devait normalement avoir lieu à Boston, est relocalisée à la hâte à Amsterdam. Le Los Angeles Times du 17/08/1991 titre: «Harvard décide de ne pas accueillir la conférence sur le sida de 1992 aux États-Unis.» Dès lors, une poignée de scientifiques américains décident de créer sa propre conférence internationale, la CROI, plutôt que …de lutter contre les lois discriminatoires aux frontières. Sous-entendu: nous ferons notre propre conférence US avec nos propres séropositifs. Les autres auront qu’à passer la frontière en tremblant et en cachant leurs antirétroviraux dans des flacons de vitamines comme l’on fait tant de PVVIHPVVIH Personne vivant avec le VIH pendant des anneés. Ces restrictions ne seront abrogées que 22 ans plus tard! Obama l’ayant en effet annoncé en octobre 2009 et la mesure est entrée en vigueur le 4 janvier 2010: les États-Unis ne restreindraient plus l’accès à leur territoire aux personnes infectées par le VIH.
Les femmes, absentes des essais de PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®.
Et puis il eut l’appel et l’injonction militante haute en couleurs et en images de Yvette A. Raphael, activiste et PVVIH de Gauteng, South Africa, à «libérer» la prévention offerte pour et avec les femmes, et en tout premier lieu les anneaux vaginaux (vaginal ring): «Find the money to fund the ring», «PEPFAR, USAID where is the money for Doravirine ring», «my vagina, my choice, my ring», «HIV prevention advocates in Africa demands for choice», etc. Si ces mêmes anneaux furent lancés à la CROI, on ne les retrouve que dans une seule communication orale (#127) à l’a CROI l’édition 2023. Que sont-il devenus ?
Mais il y a plus inquiétant encore. Les femmes sont absentes de la plupart des essais de PrEP de première génération (IPERGAY, PREVENIR, PROUD, etc.). Et alors que la PEP à base de doxycycline dépasse largement le stade de proof of concept (cf les résultats très favorables d’ANRS 174 Doxyvac #119 et DOXYPEP #120), Jennel Stewart (dPEP Kenya Study team #122) a révélé les résultats négatifs d’un essai randomisé de PEP par la doxycycline versus le standard of care chez 449 femmes cisgenre âgées de 18 à 30 ans prenant la PrEP à Kisumu, au Kenya entre 2020 et 2022. Résultat: aucune efficacité préventive sur les principales ISTIST Infections sexuellement transmissibles. (Chalamydia, Gonorrhea) sans savoir s’il d’agit d’une question de diffusion pharmacologique dans le tractus génital féminin, de résistance ou d’observance…
Un nouveau cas de «guérison»
Vous l’avez lu dans votre journal préféré ou vu la télé, le petit club international très fermé des «moutons à cinq pattes» que sont les «guérisons VIH» par greffe de cellules souches portant la double délétion CCR5Δ32, ont désormais un nouveau membre! Après feu le «patient de Berlin» et le «patient de Londres», voici le «patient de Düsseldorf». Ce 20 Février —sous embargo comme par hasard alors que la communauté scientifique VIH est réunie à la CROI 2023, sise dans la ville émeraude de l’État de Washington— Nature Medicine et le consortium IciStem, dont fait partie le pasteurien Asier Sáez-Cirión, publient un nouveau cas de «probable guérison du VIH», suite à une greffe de moelle osseuse issue d’un donneur portant la mutation génétique CCR5Δ32. Cet homme, suivi à Düsseldorf, a reçu une greffe de cellules souches pour traiter sa leucémie, puis a pu interrompre son traitement antirétroviral contre le VIH de manière supervisée. Quatre ans plus tard, plus aucun virus du VIH n’est détectable dans son organisme. Les auteurs européens, à l’image de Asier Sáez-Cirión, se veulent très prudents : «Même si nous n’avons pas pu analyser tous les tissus du patient pour formellement écarter la présence du VIH dans l’organisme, ces résultats indiquent que le système immunitaire n’a pas détecté le virus après l’interruption du traitement antirétroviral ».
Prudent, on le serait à moins. D’abord parce que cette technologie n‘est absolument pas exportable à d’autres personnes que celles ayant une indication de greffe de cellules souches. Rappelons que Timothy Brown, le très célèbre patient de Berlin, décédé le 29 septembre 2020 de sa maladie hématologique, mais «guéri du VIH» avait reçu deux allogreffes consécutives avec un donneur homozygote CCR5Δ32, cherché dans le monde entier compte tenu de la rareté de l’évènement génétique (< 1%) et une irradiation totale corporelle. Il reste l’exemple de guérison de l’infection à VIH-1 la plus longue avec un recul de plus de 12 ans (2008-2020), sans rebond virologique en l’absence de traitement antirétroviral. Le patient de Londres, quant à lui, avait été révélé lors de la CROI 2019 à Seattle. Adam Castillejo, infecté par le VIH-1, avait été allogreffé avec un donneur homozygote CCR5Δ32, sans irradiation corporelle, pour un lymphome de Hodgkin au stade 4B résistant aux multiples chimiothérapies.
On parle moins des échecs notamment ceux communiqués à la CROI 2015 à… Seattle. Une équipe de Barcelone avait rapporté le cas d’un patient ayant bénéficié d’une greffe de moelle CCR5Δ32 pour un lymphome … mais le patient était décédé 3 mois après la greffe d’une rechute de son lymphome. Une équipe d’Essen (Allemagne) avait rapporté le cas d’un patient ayant reçu pour un lymphome une greffe de moelle osseuse utilisant un greffon CCR5Δ32; 20 jours après la greffe, la charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. VIH sanguine est redevenue détectable, du fait de l’émergence d’une souche utilisant le co-récepteur CXCR4 devenue la souche principale après la greffe…Et que dires des patients de Munster, Santiago du Chili, Minneapolis, Utrecht, décédés de leur maladie hématologique? L’espoir reste —depuis 12 ans— le recours à la thérapie génique ciblant le récepteur CCR5 et/ou les anticorps monoclonaux anti-CCR5.
Cet article a été initialement publié dans le e-journal de la Lettre de l’infectiologue consacré à la CROI 2023.