Covid-19 en Afrique : L’Onusida et l’OMS craignent une augmentation dramatique du nombre de décès liés au VIH

La perturbation des services sanitaires à cause de la crise du COVID-19, autant dans l’accès au traitement qu’en prévention, pourrait entraîner des centaines de milliers de décès supplémentaires dus au VIH, si des efforts spécifiques, en particulier financiers, ne sont pas mis en place.

Une modélisation présentée le 11 mai 2020 par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’Onusida a estimé qu’une interruption de six mois dans les traitements antirétroviraux pourrait entraîner en 2020-2021 plus de 500000 décès supplémentaires dus à des maladies liées au sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. dont la tuberculose, en Afrique subsaharienne. 

Morts liées au VIH/sida, par pays, en cas d’interruption de traitement de 3 et 6 mois.
Source: Jewell B, Mudimu E, Stover J, et al for the HIV Modelling consortium, Potential effects of disruption to HIV programmes in sub-Saharan Africa caused by COVID-19: results from multiple models.

En Afrique subsaharienne, 25,7 millions de personnes vivent avec le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. et 16,4 millions d’entre elles (64%) étaient sous traitement antirétroviral en 2018. Ces personnes risquent aujourd’hui de voir leur traitement interrompu car les services de lutte contre le VIH sont fermés ou dans l’incapacité de fournir des traitements antirétroviraux en raison des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement ou tout simplement car les services sont submergés du fait des besoins concurrents en appui à la riposte au Covid-19Covid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2.

Morts excédentaires prévues en 2020 dues à une interruption de 3 et 6 mois d’ARV en 2020
Source: Jewell B, Mudimu E, Stover J, et al for the HIV Modelling consortium, Potential effects of disruption to HIV programmes in sub-Saharan Africa caused by COVID-19: results from multiple models.

«Nous devons interpréter ceci comme un signal d’alarme à l’intention des pays afin qu’ils définissent des moyens de maintenir l’ensemble des services de santé vitaux, a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé. Concernant le VIH, certains pays prennent déjà des mesures importantes, par exemple en veillant à ce que les patients puissent retirer, aux points de dépôt, de grandes quantités de médicaments et d’autres produits essentiels, notamment des kits d’autodépistage, ce qui permet de réduire la pression exercée sur les services et personnels de santé. Nous devons également faire en sorte que l’offre mondiale de tests et de traitements continue d’affluer vers les pays qui en ont besoin.»

Vers un doublement des morts liées au VIH/sida ?

Selon les estimations, en 2018, 470 000 décès dus à des maladies liées au sida avaient été enregistrés dans la région. La crise sanitaire liée au coronavirus et à l’épidémie de Covid-19 pourrait donc être responsable du doublement du nombre de morts liés au VIH/sida, si des efforts ne sont pas faits pour atténuer et surmonter les effets de la perturbation des services de santé et de l’approvisionnement en fournitures sanitaires. Rappelons qu’une interruption de traitement même relativement courte peut avoir un impact négatif majeur sur la santé d’une personne et sur la possibilité de transmission du VIH à cause d’une charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. non contrôlée.

La crise sanitaire mondiale risque d’annuler les importants progrès réalisés dans la prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant, alors que le nombre d’enfants infectés en Afrique subsaharienne a baissé de 43% entre 2010 et 2018, passant de 250 000 à 140 000. Ainsi, les infections infantiles pourraient bondir de 37% au Mozambique, de 78% au Malawi et au Zimbabwe et de 104% en Ouganda.

Pour le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, «la terrible perspective de voir un demi-million de personnes supplémentaires en Afrique mourir de maladies liées au sida équivaut à un retour en arrière dans l’histoire».

Sources

Jewell B, Mudimu E, Stover J, et al for the HIV Modelling consortium, Potential effects of disruption to HIV programmes in sub-Saharan Africa caused by COVID-19: results from multiple models. Pre-print, https://doi.org/10.6084/m9.figshare.12279914.v1, https://doi.org/10.6084/m9.figshare.12279932.v1.

Alexandra B. Hogan, Britta Jewell, Ellie Sherrard-Smith et al. The potential impact of the COVID-19 epidemic on HIV, TB and malaria in low- and middle-income countries. Imperial College London (01-05-2020). doi: https://doi.org/10.25561/78670.