Cet article a été initialement publié sur Séronet.
C’est un nouvel élément rassurant pour les couples sérodifférents qui n’utilisent pas systématiquement la capote parce que le partenaire séropositifSéropositif Se dit d’un sujet dont le sérum contient des anticorps spécifiques dirigés contre un agent infectieux (toxo-plasme, rubéole, CMV, VIH, VHB, VHC). Terme employé, en langage courant, pour désigner une personne vivant avec le VIH. est traité et a une charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. indétectable, une méthode baptisée TasPTasp «Treatement as Prevention», le traitement comme prévention. La base du Tasp a été établie en 2000 avec la publication de l’étude Quinn dans le New England Journal of Medicine, portant sur une cohorte de couples hétérosexuels sérodifférents en Ouganda, qui conclut que «la charge virale est le prédicteur majeur du risque de transmission hétérosexuel du VIH1 et que la transmission est rare chez les personnes chez lesquelles le niveau de charge virale est inférieur à 1 500 copies/mL». Cette observation a été, avec d’autres, traduite en conseil préventif par la Commission suisse du sida, le fameux «Swiss statement». En France en 2010, 86 % des personnes prises en charge ont une CV indétectable, et 94 % une CV de moins de 500 copies. Ce ne sont pas tant les personnes séropositives dépistées et traitées qui transmettent le VIH mais eux et celles qui ignorent leur statut ( entre 30 000 et 50 000 en France). (traitement comme prévention).
En 2011, l’essai HPTN 052 avait montré une réduction de 96 % du risque de transmission du simple fait de la mise sous traitement. La seule transmission observée à partir d’un partenaire traité (celle qui donne 96 % et non 100 %) avait eu lieu au moment de la mise sous traitement (juste avant ou juste après), c’est-à-dire, selon les investigateurs, avant que le traitement n’ait permis de réduire la charge virale.
Une étude très attendue
Mais HPTN 052 portaient principalement sur des couples hétérosexuels, et la question de la transposition de ses résultats aux couples gays fait débat, même si l’investigateur de HPTN 052, Myron Cohen estimait que beaucoup d’arguments plaidaient en sa faveur.
En janvier 2013, le groupe d’experts anglais estimait que tant que les critères suisses sont respectés (charge virale indétectable depuis 6 mois, bonne observanceObservance L’observance thérapeutique correspond au strict respect des prescriptions et des recommandations formulées par le médecin prescripteur tout au long d’un traitement, essentiel dans le cas du traitement anti-vih. (On parle aussi d'adhésion ou d'adhérence.) pas d’autres infections sexuellement transmissibles), il y avait tout lieu de penser que le TasP était efficace pour les rapports anaux.
C’est dire que les résultats de Partner étaient attendus, et d’ailleurs AIDES, a fait le choix d’y participer et de permettre les inclusions de participants à cet essai.
Qu’est-ce que Partner ?
Partner est une cohorte internationale qui suit des couples sérodifférents hétérosexuels ou gays qui ont des pénétrations vaginales ou anales sans préservatif alors que le partenaire prend un traitement et a une charge virale inférieure à 200 copies/ml (un critère moins strict qu’avec les 50 copies/ml, qui est le seuil admis d’indétectabilité de la charge virale en France.
Tous les 6 mois, chaque partenaire remplit un questionnaire et le partenaire séronégatif fait un dépistage. La charge virale du partenaire vivant avec le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. doit être inférieure à 200 copies/ml. En cas de dépistage positif du partenaire qui était séronégatif à son entrée dans Partner, des analyses génétiques du virus permettent de voir si les séquences de virus sont comparables, pour éliminer les cas de transmission en dehors du couple (un risque non négligeable, un quart des contaminations dans HPTN 052 avaient eu lieu en dehors du couple, les trois autres quarts ayant eu lieu à partir du partenaire non traité).
Pus de 44 000 relations sexuelles sans préservatif
Au 1er novembre 2013, 1 110 couples étaient inclus dans l’étude, pour un suivi de 1 151 couples année (en clair, 894 couples éligibles : 586 hétérosexuels et 308 couples gays (34 %). Au début de l’essai, la durée de traitement était d’environ 5 ans (allant de 2 ans à 11 ans) et les couples rapportaient des rapports sans préservatif depuis en médiane 2 ans (de 6 mois à 6 ans).
Durant le suivi, les couples avaient des rapports sans préservatif en médiane 45 fois/an (entre 16 et 90). Au total, l’étude porte sur plus de 44 500 relations sexuelles sans préservatif, dont 21 000 rapport anaux (avec ou sans éjaculation).
Avec ces chiffres, on estime qu’il y aurait dû y avoir 15 infections au sein des couples hétérosexuels et 86 au sein des couples gays si le partenaire séropositif ne prenait pas de traitement. Mais dans l’étude, aucune transmission n’a été observée.
Pas de transmission au sein du couple, des transmission en dehors
Bien que certains partenaires séronégatifs se soient infectés durant le suivi, aucune infection n’était liée à leur partenaire stable. Ces personnes se sont contaminées en dehors du couple. En dehors du couple, les rapports sans préservatifs étaient fréquents chez les partenaires séronégatifs gays (27 %) et beaucoup moins chez les hétéros (2 %).
D’ailleurs, 4 % des hétérosexuels ont présenté des ISTIST Infections sexuellement transmissibles. et 16 % pour les homosexuels (que ce soit parmi les partenaires séronégatifs ou les partenaires séropositifs). Malgré cela, aucune transmission n’a été observée à partir d’un partenaire traité. Ce résultat va dans le sens d’études qui montraient qu’en cas de traitement antirétroviral efficace, les IST ne faisaient pas augmenter significativement la charge virale, dans le sperme, ni le rectum.
L’étude se poursuit
L’absence de transmission pendant cette première durée de l’étude ne signifie pas que le risque soit nul. En effet, si le taux de transmission est bien de zéro, sur le plan statistique, les intervalles de confiance ne permettent pas de conclure à un risque nul certain. « La démonstration d’un risque nul est tout simplement impossible sur le plan statistique, il y a toujours un intervalle de confiance, la recherche est toujours une approximation », explique l’investigateur principal Jens Lundgren, de l’Université de Copenhague. « Partner montre une nouvelle fois que le traitement est un outil préventif très efficace », poursuit-il. « Le traitement comme prévention fonctionne ».
Les auteurs restent prudents, ils parlent d’un risque « extrêmement faible » et ne souhaitent pas apparaitre comme faisant la promotion de rapports sans préservatif. Il n’empêche que ce nouveau résultat est très rassurant pour les couples. Les études s’accumulent et dans la littérature scientifique, toujours aucune transmission n’a été reportée au sein de couples, hétérosexuels ou gays, qui ont opté pour le TasP.
L’étude se poursuit et apportera sans doute de nouveaux éléments. L’équipe souhaite à présent inclure 450 nouveaux couples gays. Participez !