Classé en 2021 par la Global Invasive Species Database comme l’une des espèces les plus invasives au monde, Aedes albopictus (communément appelé « moustique tigre ») est originaire des forêts tropicales d’Asie du Sud-Est. Il est désormais présent sur tous les continents, à l’exception de l’Antarctique.
Les moustiques, espèces animales les plus meurtrières pour l’homme
Loin devant les gros prédateurs (requins, lions, loups…), les moustiques sont le groupe d’espèces animales les plus meurtrières pour l’homme. Vecteurs du paludisme, de la dengue, du chikungunya, du Zika, de la fièvre du Nil occidental et autres arboviroses ils seraient à l’origine de 700 000 à plus d’un million de morts par an dans le monde.

Source : Wikimedia Commons à partir de on Our World in Data, Hannah Ritchie et Max Roser – https://ourworldindata.org/causes-of-death#deaths-by-animal
Un moustique qui n’a rien d’un tigre
Malgré son nom, Aedes albopictus n’a rien d’un tigre ! Ni par sa taille, ni par ses couleurs.
Il se caractérise par ses pattes postérieures noires avec cinq anneaux d’écailles blanches, et la présence d’une ligne médiane composée d’écailles blanches sur la partie dorsale de son thorax (le scutum). Par conséquent, les moustiques qui ont plusieurs lignes d’écailles sur le scutum ou qui présentent d’autres motifs de couleur brune ou dorée ne sont pas des moustiques tigres.

Source image 1 https://signalement-moustique.anses.fr/signalement_albopictus/signalements
Source image 2 https://surveillancemoustiques.be/signalement – crédit @Institut de Médicine Tropicale d’Anvers – https://www.itg.be/fr/research/projets/surveillance-des-moustiques-exotiques-en-belgique-memo
Présence d’Aedes albopictus en France
Actif surtout en journée et proche des activités humaines, le moustique tigre prolifère principalement en zones urbaines et périurbaines. Une fois installé dans une région, il est presque impossible de l’éradiquer. Début 2025, 81 des 96 départements métropolitains étaient colonisés par Aedes albopictus,
L’implantation du moustique tigre n’est pas homogène d’un département à l’autre et au sein d’un même département. Les particuliers peuvent contribuer à la surveillance de son implantation en métropole et alimenter les données de cette carte via https://signalement-moustique.anses.fr/signalement_albopictus/, ce qui est fort utile. Début 2025, l’implantation du moustique tigre a été constatée et confirmée sur 6574 communes de métropole.

Source : https://sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-microbiologiques-physiques-et-chimiques/especes-nuisibles-et-parasites/article/cartes-de-presence-du-moustique-tigre-aedes-albopictus-en-france-metropolitaine (mise à jour 16.05.2025)
Un envahisseur redoutable en Europe
Observé pour la première fois en Albanie en 1979, en Italie en 1990 et en France en 1999 (avec un premier foyer en 2004), le moustique tigre s’est établi en 2024 dans de nombreux pays européens, à l’exception de ceux les plus au nord. En 2010, il avait colonisé 129 régions de 7 pays ; en 2022, 289 régions de 12 pays étaient touchées, puis 358 régions de 14 pays en 2024. Des chiffres qui témoignent de la rapidité avec laquelle Aedes albopictus est capable d’envahir l’Europe.

Source ECDC (données de Juillet 2024) – https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/aedes-invasive-mosquitoes-current-known-distribution-july-2024
Autre sujet de préoccupation, le raccourcissement du délai entre l’établissement du moustique tigre et l’apparition de foyers d’arboviroses en Europe : il est passé de 25 ans dans les années 1990 à moins de 5 ans récemment. Parallèlement, le délai entre le 1er foyer et le suivant a fortement diminué (moins d’un an) – probablement du fait des changements climatiques, et des voyages/de la mobilité des populations humaines.

Source : Farooq Zia et al, The Lancet Planetary Health (2025) https://doi.org/10.1016/S2542-5196(25)00059-2
Un vecteur de maladies virales
La dangerosité du moustique tigre tient à sa capacité à transmettre de nombreux virus. Les plus connus sont ceux de la dengue, du chikungunya et Zika, mais la liste serait proche d’une trentaine.
Virus | Famille | Genre | Aedes albopictus | Aedes aegypti |
---|---|---|---|---|
Virus de la dengue (1,2,3,4) | Flaviviridés | Flavivirus | + | + |
Virus de la fièvre jaune | Flavivirus | + | + | |
Virus du Nil occidental | Flavivirus | + | + | |
Virus de l’encéphalite japonaise | Flavivirus | + | – | |
Virus de l’encéphalite de St. Louis | Flavivirus | + | – | |
Virus Zika | Flavivirus | + | + | |
Virus Usutu | Flavivirus | + | – | |
Virus du chikungunya | Togaviridés | Alphavirus | + | + |
Virus de l’encéphalite équine de l’Est | Alphavirus | + | + | |
Virus de l’encéphalite équine vénézuélienne | Alphavirus | + | + | |
Virus de l’encéphalite équine de l’Ouest | Alphavirus | + | + | |
Virus de la rivière Ross | Alphavirus | + | + | |
Virus Sindbis | Alphavirus | + | + | |
Virus Mayaro | Alphavirus | + | + | |
Virus Getah | Alphavirus | + | + | |
Virus de la vallée du Rift | Phénuiviridés | Phlebovirus | + | + |
Virus Potosi | Bunyaviridés | Bunyavirus | + | – |
Virus Cache Valley | Bunyavirus | + | – | |
Virus Tensaw | Bunyavirus | + | – | |
Virus Keystone | Bunyavirus | + | – | |
Virus San Angelo | Bunyavirus | + | + | |
Virus de La Crosse | Bunyavirus | + | + | |
Virus de Jamestown Canyon | Bunyavirus | + | – | |
Virus Trivittatus | Bunyavirus | + | – | |
Virus Oropouche | Péribunyaviridés | Orthobunyavirus | + | + |
Virus Orungo | Réoviridés | Orbivirus | + | + |
Virus Nodamura | Nodaviridés | Nodavirus | + | + |
+ : le moustique est vecteur du virus ; – : pas de preuve ou vecteur peu probable
Traduit d’après Houé Vincent et al. (2019) https://doi.org/10.1080/22221751.2019.1599302
En 2024, record historique du nombre de cas de dengue en Europe
Depuis plusieurs années, l’UE connaît une augmentation des foyers autochtones de dengue et de chikungunya.
- En 2024, un record de 304 cas autochtones de dengue a été enregistré (213 cas en Italie, 83 en France et 8 en Espagne). Ce nombre était de 130 cas en 2023, 71 en 2022 et 74 pour l’ensemble de la période entre 2010 et 2021.
- Le chikungunya évolue différemment, avec la survenue d’épidémies sporadiques souvent intenses. Les deux dernières en Europe ont été observées en Italie en 2007 (217 cas) et en 2017 (270 cas). Dans l’hexagone, des cas autochtones de chikungunya ont été rapportés en 2010 (2 cas), 2014 (12 cas) et 2017 (17 cas).
- En ce qui concerne Zika, 5 cas importés ont été rapportés en 2024 et 3 cas autochtones avaient été identifiés dans le Var en 2019.
Pour l’instant, ni la dengue ni le chikungunya ne sont endémiques en France hexagonale ; chaque foyer résulte de l’arrivée de voyageurs infectés et virémiques.
Données de surveillance des cas de dengue, chikungunya et Zika en France
En France métropolitaine, la surveillance de la dengue, du chikungunya et de Zika s’appuie sur les données de déclaration obligatoire et sur une surveillance renforcée pendant la période d’activité du moustique vecteur (du 1er mai au 30 novembre), coordonnée par Santé publique France avec l’aide du Centre national de référence arbovirus. Les particuliers peuvent contribuer à la surveillance de son implantation en métropole en signalant sa présence sur le site https://signalement-moustique.anses.fr/signalement_albopictus/.
Durant cette période, le signalement d’un cas déclenche une investigation épidémiologique et entomologique. En complément, l’envoi automatisé des résultats de certains laboratoires permet d’identifier des cas non signalés. Une fois les cas identifiés, des mesures de prévention et de contrôle sont mises en place.
La dengue, la plus fréquente des trois arboviroses dans l’hexagone
Parmi ces 3 arboviroses, la dengue est très majoritairement la plus fréquente en métropole.
En 2022, une augmentation des cas de transmission locale de dengue a été observée, avec 9 foyers identifiés et 66 cas autochtones. Cette tendance s’est poursuivie en 2023 avec une expansion géographique notable. Pour la première fois, un cas de transmission locale a été détecté en Île-de-France, marquant la première occurrence de transmission de la dengue au nord de l’Europe. La hausse observée en 2024 est partiellement liée à l’épidémie de dengue alors en cours depuis mi-2023 en Martinique et en Guadeloupe, 70% des cas étant importés en France métropolitaine.
En 2024, 83 cas autochtones de dengue (11 foyers) ont été détectés entre juin et septembre. Grâce aux investigations épidémiologiques réalisées, les cas primaires importés à l’origine de la transmission ont pu être identifiés dans 3 des 11 foyers investigués – les voyageurs revenaient de la Guyane, de la Réunion et d’Indonésie. La zone de transmission au sein d’un même foyer n’a pas excédé un rayon de 400m montrant l’importance des enquêtes épidémiologiques et entomologiques et des démoustications de proximité.
Pour l’instant en 2025, 395 cas hexagonaux importés de dengue ont été identifiés, ainsi que 583 cas de chikungunya, 2 cas de Zika, et tout récemment 8 cas autochtones (6 foyers) de chikungunya dans le Sud de la France (incluant la Corse). Les investigations et mesures de prévention et contrôle sont en cours.
Un sérieux risque d’épidémie de dengue en France métropolitaine
Les projections épidémiologiques sur les moustiques Aedes convergent : le nombre des cas de dengue devrait augmenter dans le bassin méditerranéen (notamment en France, Espagne et Italie), et des épidémies de chikungunya pourraient émerger, comme en témoignent les 8 cas autochtones détectés en France tout récemment. D’ici 2050, un milliard de personnes supplémentaires pourraient être exposées aux maladies vectorielles, notamment en Europe.
Les principaux facteurs de risque sont climatiques (réchauffement, hivers plus doux), épidémiologiques (cas importés) et socioéconomiques (dépenses de santé). Sous les scénarios climatiques à fortes émissions, le risque d’épidémie augmenterait fortement d’ici à 2060. La température optimale pour la transmission de la dengue est de 24 à 26 °C, mais elle peut survenir entre 12 et 30 °C.
Dans un avis d’avril 2024, le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars) a classé la dengue parmi les maladies à risque sanitaire majeur dans l’hexagone, en raison d’une préparation insuffisante. Dans son avis de juillet 2024, l’Anses estime entre 6 et 7 sur 9 la probabilité d’une épidémie d’arbovirose dans les cinq prochaines années.
Données concernant le chikungunya à la Réunion et Mayotte (situation à mi-juin 2025)
L’Agence régionale de santé de Mayotte a signalé les premiers cas de chikungunya transmis localement depuis l’épidémie de 2005-2006, qui avait fait environ 7 300 cas. À mi-juin 2025, 882 cas de chikungunya ont été confirmés dont 23 hospitalisations, et aucun décès n’a été enregistré.
De son côté, La Réunion a connu une explosion des cas depuis le début de l’année 2025 : plus de 54 000 cas ont été confirmés biologiquement à mi-juin 2025, dont 27 décès (17 directement et 10 indirectement), et 26 autres sont en cours d’investigation quant à l’imputabilité du chikungunya. Le 27 juin, la fin de l’épidémie à La Réunion a été déclarée avec le passage au niveau 2 du dispositif ORSEC.
Lire notre article : https://vih.org/maladies-emergentes/20250606/bilan-provisoire-de-lepidemie-de-chikungunya-a-la-reunion-et-mayotte/?preview_id=11250422&preview_nonce=910898425b&preview=true
Dengue : situation mondiale début juin 2025
Après une année 2024 record (près de 8 millions de cas confirmés et plus de 11 000 morts dans 107 pays), plus de 3 millions de cas de dengue et plus de 1 400 décès liés à cette maladie ont été signalés dans 90 pays entre janvier et juin 2025. En Europe continentale, aucun cas autochtone n’a encore été rapporté en 2025. Cependant, des cas ont été signalés dans les régions ultrapériphériques de l’UE 5 (Départements français d’Outre-mer, Canaries, Açores et Madère).

Source : ECDC https://www.ecdc.europa.eu/en/dengue-monthly
Quelles mesures mises en œuvre en cas de détection d’un cas d’infection ?
La détection d’un cas autochtone déclenche diverses mesures : démoustication dans un périmètre de 300 m, sécurisation des produits d’origine humaine, recherche active de cas, enquêtes en porte-à-porte. L’intervention de la cellule d’intervention en région (CIRE) et de l’ARS inclut la sensibilisation des professionnels de santé et de la population. Les produits issus du corps humain (sang, greffes) font également l’objet de mesures de sécurisation adaptées.
Quelques références
- Global invasive species database https://www.iucngisd.org/gisd/100_worst.php
- https://signalement-moustique.anses.fr/signalement_albopictus/signalements
- Santé publique France https://sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-microbiologiques-physiques-et-chimiques/especes-nuisibles-et-parasites/article/cartes-de-presence-du-moustique-tigre-aedes-albopictus-en-france-metropolitaine (mise à jour 16/05/2025)
- Santé publique France – Épisodes de transmission autochtone de dengue, chikungunya et Zika identifiés en France métropolitaine https://www.santepubliquefrance.fr/media/files/01-maladies-et-traumatismes/maladies-a-transmission-vectorielle/chikungunya/synthese-des-episodes-de-transmission-autochtone-de-chikungunya-dengue-et-zika (données au 19/07/2023)
- Santé publique France – Chikungunya et dengue à Mayotte. Bulletin du 13 juin 2025. https://www.santepubliquefrance.fr/regions/ocean-indien/documents/bulletin-regional/2025/chikungunya-et-dengue-a-mayotte.-bulletin-du-13-juin-2025
- Chikungunya à La Réunion : passage au niveau 2 du dispositif ORSEC, fin de l’épidémie https://www.lareunion.ars.sante.fr/chikungunya-la-reunion-passage-au-niveau-2-du-dispositif-orsec-fin-de-lepidemie
- Santé publique France – Chikungunya à La Réunion. Bulletin du 25 juin 2025 https://www.santepubliquefrance.fr/regions/ocean-indien/documents/bulletin-regional/2025/chikungunya-a-la-reunion.-bulletin-du-25-juin-2025?s=08
- https://www.anses.fr/fr/content/le-moustique-tigre
- Avis de l’ANSES Saisine n°2022-SA-0146 « Moustique tigre en France hexagonale : risque et impacts d’une arbovirose » Rapport d’expertise collective Juillet 2024 https://www.anses.fr/fr/system/files/ASE2022SA0146RA.pdf
- Avis du Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (COVARS) du 3 Avril 2024 (révisé le 18 Avril 2024) – Évaluation des risques de situations sanitaires exceptionnelles majeures pour la santé humaine en France au cours des années 2025-2030 https://www.vie-publique.fr/rapport/293985-avis-covars-03042024-sur-situations-sanitaires-exceptionnelles-2025-2030?xtor=RSS-719
- Santé publique France https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-transmission-vectorielle/chikungunya/articles/donnees-en-france-metropolitaine/chikungunya-dengue-et-zika-donnees-de-la-surveillance-renforcee-en-france-hexagonale-2025
- ECDC https://www.ecdc.europa.eu/en/mosquito-borne-diseases
- OMS https://www.who.int/emergencies/disease-outbreak-news/item/2025-DON567
- OMS Global Dengue Surveillance https://worldhealthorg.shinyapps.io/dengue_global/
- Bonnet Camille et al. (2025) Aedes albopictus (moustique tigre) et arboviroses : à quoi s’attendre dans les années à venir ? La Revue de Médecine Interne, 46 (4), 229-235, https://doi.org/10.1016/j.revmed.2025.02.005, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0248866325000505
- Farooq, Zia et al. (2025) Impact of climate and Aedes albopictus establishment on dengue and chikungunya outbreaks in Europe: a time-to-event analysis – The Lancet Planetary Health, 9(5), e374 – e383 https://doi.org/10.1016/S2542-5196(25)00059-2 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2542519625000592
- Houé Vincent et al. (2019). Endogenous non-retroviral elements in genomes of Aedes mosquitoes and vector competence. Emerging Microbes & Infections, 8(1), 542–555. https://doi.org/10.1080/22221751.2019.1599302
- Caputo Beniamino et al. (2020). A comparative analysis of the 2007 and 2017 Italian chikungunya outbreaks and implication for public health response. PLoS Negl Trop Dis., 14(6):e0008159. https://doi.org/10.1371/journal.pntd.0008159