Une étude récente publiée dans la revue BMC Global and Public Health compare l’impact de la pandémie de Covid-19Covid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. sur la mortalité dans 13 pays d’Europe occidentale1. Cinq ans après le début de la pandémie qui a fait, à la fin de 2021, dans le monde un excès de mortalité de 15 millions, dont 750 000 en Europe de l’Ouest (170 000 en France), et alors qu’un phénomène d’oubli est patent, ce travail vient à point pour rappeler que la vigilance est de mise et que des leçons doivent être tirées, certaines n’étant pas sans rappeler les erreurs commises au début de l’épidémie de VIH-sida.
Que nous apprend cette étude ?
Pour rappel, entre janvier et juin 2020, il y avait peu de masques et de tests, pas de vaccins ni de traitement spécifique et la transmission manuportée était considérée dominante. L’année 2021 est marquée par l’arrivée de la vaccination et l’émergence du variant alpha. L’année 2022 a vu l’émergence des variants delta et omicron et on a compris l’importance de la transmission aérienne du virus.
La comparaison faite dans ce travail concerne l’excès de mortalité toutes causes pendant la période du 27 janvier 2020 au 3 juillet 2022 comparée à la période 2010-2019. Même si la mortalité n’épuise pas l’ensemble des conséquences sanitaires et sociales de la pandémie, ce choix est judicieux, car il mobilise des données fiables et disponibles que l’on peut ajuster sur l’âge et le sexe et prend en compte l’ensemble des causes de mortalité, comme la mortalité indirecte liée à la désorganisation du système de soins lors de la pandémie ou la baisse de la mortalité liée à l’absence d’épidémie de grippe pendant deux ans, et la diminution d’autres causes de mortalité, comme les accidents de la route pendant les confinements.
La principale conclusion est que les pays qui ont restreint précocement les contacts sociaux sont parvenus à sauver davantage de vies que les autres, tout en préservant mieux leur économie. Sur l’ensemble de la période d’étude, les pays scandinaves (Norvège, Danemark et Suède) et l’Irlande sont ceux qui ont le mieux résisté : l’excès de mortalité cumulatif y a été de 0,5 à 1 pour 1 000 habitants. Puis l’Allemagne, la Suisse et la France, avec un excès de mortalité cumulatif compris entre 1,4 et 1,5. Viennent ensuite l’Espagne, le Portugal, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Belgique (entre 1,7 et 2,0). Enfin, l’Italie avec un excès de mortalité de 2,7 décès pour 1000 habitants.
Comme l’indiquent les auteurs, la période la plus intéressante est celle de la première vague, qui donne des enseignements sur la stratégie à suivre si une nouvelle pandémie d’ampleur survenait.
L’excès de mortalité sur cette vague a été le plus faible dans les pays qui ont pris les mesures le plus tôt, si l’on appréhende la précocité par le taux d’hospitalisations hebdomadaires. Il est même négatif pour des pays comme l’Allemagne, le Danemark et la Norvège, du fait d’une épidémie de grippe écourtée. Pour la France, qui a confiné plus tard, alors que trois régions étaient touchées (Grand Est, Île-de-France et Hauts-de-France), si bien que les autres régions ont bénéficié d’un confinement que l’on peut qualifier de précoce et que globalement, le bilan est intermédiaire.
Fig. 5, comparaison des vagues printemps et automne 2020
L’Espagne et le Royaume-Uni, deux pays frappés dès le départ par des épidémies généralisées, affichent les taux de décès les plus élevés, le Royaume-Uni étant celui qui a imposé le confinement le plus tardivement (24 mars 2020).
La Suède est le seul pays à avoir initialement choisi des mesures basées sur des recommandations faisant appel au civisme de ses citoyens, sans mettre en place de confinement, ni fermer les écoles, les bars, les restaurants ou les entreprises. Le pari était celui d’obtenir une immunité collective. Résultat : l’excès de mortalité a été très élevé en Suède au cours de la première période.
La méthode
Les auteurs ont mesuré l’excès de mortalité toutes causes pendant la crise CovidCovid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. entre janvier 2020 et juillet 2022 dans 13 pays d’Europe de l’Ouest : Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Irlande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume uni, Suède et Suisse. La période est divisée en trois : janvier-juin 2020 (souche historique); juillet 2020-juin 2021 (souche historique – variant alpha); juillet 2021-juillet 2022 (variant delta – variant omicron).
Les taux de mortalité sont standardisés par âge et sexe pour permettre les comparaisons entre pays. Classiquement, l’étude mesure l’excès par l’écart entre les taux de décès hebdomadaires pendant les 3 périodes de la crise sanitaire et les taux attendus, si les tendances de la mortalité 2010-2019 s’étaient prolongées. L’excès de mortalité à chaque période est rapproché de la date de début du confinement dont la précocité au regard du cours de la diffusion de l’épidémie est caractérisée par le niveau du taux d’hospitalisation.
Pour l’ensemble des 13 pays, a été mesurée la corrélation entre l’excès de mortalité et des indicateurs démographiques, socio-économiques, de risque pour la santé et d’offres de soins, ainsi qu’avec le taux d’hospitalisation à la date du confinement et l’indicateur de couverture vaccinale des plus de 80 ans au printemps 2021.
D’autres évaluations de l’impact de la crise sont aussi proposées : selon les mêmes principes l’évolution du produit national brut pendant la crise ; sur la période janvier à juin 2021, la mise en regard de la couverture vaccinale et de la surmortalité des plus de 80 ans.
Les leçons oubliées du VIH-sida
De tout cela, on peut tirer des leçons qui sont proches de ce que l’épidémie de sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. nous a appris.
Un premier point marquant est donc qu’alors que tous les pays avaient accès aux mêmes informations, les stratégies de lutte mises en place pour contenir la propagation du coronavirus SARS-CoV-2 ont varié d’un État à l’autre, y compris dans des pays présentant des similitudes en matière de populations, niveaux de vie, systèmes de soins, modes de gouvernement, saisonnalité des maladies respiratoires, etc. Cela veut donc dire que les critères de décision étaient variables et pas seulement de nature scientifique.
Les pays avec le meilleur bilan de mortalité peuvent être qualifiés de proactifs. Ils ont géré le risque épidémique. Les autres pays ont été réactifs. Ils ont attendu la saturation hospitalière pour agir. Derrière ce choix, il y a une culture de santé publique, l’importance des forces capables d’agir sur le terrain et des considérations politiques. Il y a aussi des considérations relatives à la gouvernance des situations d’incertitudes. Notamment, une capacité à dépasser l’attitude politique prévalente qui consiste à essayer de rassurer à tout prix « pour éviter que la population panique ».
Deuxièmement, les auteurs de ce travail soulignent à juste titre qu’en situation d’incertitude, une variable clé est la confiance que la population accorde aux pouvoirs publics. Cette variable ressort clairement comme un facteur significativement associé aux résultats en termes de mortalité. Les pays qui ont fait le choix des mesures précoces sont ceux où les niveaux de confiance des populations étaient les plus hauts.
Un autre enseignement est que les pays ayant pris des mesures précoces ont non seulement mieux préservé les vies humaines, mais ont également mieux préservé leur économie. La baisse du PIB en 2020 y a été en effet moins importante que dans les pays ayant tardé à réagir. Et ce, alors même qu’une des raisons invoquées par certains des dirigeants, notamment en France, pour retarder la mise en place de mesures de restriction était justement la préservation de l’économie.
Les pays qui ont pris des mesures tôt ont pu alléger ces mesures plus vite, du fait d’une situation sanitaire contrôlée. Ainsi, le Danemark, qui a réagi alors qu’il n’y avait que dix personnes hospitalisées dans le pays le 13 mars 2020, a pu alléger les restrictions dès le 15 avril (en France, il a fallu attendre le 11 mai).
En clair, il vaut mieux agir vite et fort face à une menace épidémique. Quand la courbe épidémique se met sur un modèle exponentiel, c’est comme un incendie, cela devient très difficile à contrôler. Cela, d’autres épidémies, spécifiquement le VIH-sida, mais pas que, nous l’avaient déjà appris.
De même, les analyses montrent, ce qui ne saurait surprendre, que le bilan est aussi dépendant du niveau de pauvreté dans les différents pays, une relation partiellement expliquée par une couverture vaccinale plus basse chez les plus pauvres.
Face à la catastrophe totale que représente le Covid, on pouvait espérer un gain de maturité en matière de santé publique. Force est de constater qu’on en revient au business as usual et que cela n’incite guère à l’optimisme.
- Galmiche, S., Coustaury, C., Charniga, K. et al. Patterns and drivers of excess mortality during the COVID-19 pandemic in 13 Western European countries. BMC Global Public Health 2, 78 (2024). https://doi.org/10.1186/s44263-024-00103-z ↩︎