Parole de chemsexeur : Peter, 27 ans

Témoignage anonymisé recueilli pour le numéro double de Swaps été 2024, consacré au chemsex dans huit villes d’Europe.

«J’ai commencé à utiliser des produits il y a plus de dix ans. Auparavant, des hommes m’avaient déjà demandé si je voulais essayer, j’avais toujours dit non. J’ai commencé à cause d’une blessure grave au niveau de l’anus. La douleur ne voulait pas disparaître, alors, j’ai pensé, voyons comment ça se passe avec les drogues. Et ça ne faisait plus mal. C’est pour ça que j’ai commencé. Au début, c’était juste une fois par semaine, le week-end, j’étais encore étudiant et j’allais en cours la semaine.

Ce sont des drogues sexuelles, qui donnent beaucoup d’énergie, vous vous sentez très excité. On ne pense qu’au sexe quand on est défoncé. C’est différent des autres drogues que j’ai essayées, comme le crystal. C’est très relaxant, aussi. Je suis plutôt mignon, je n’ai aucun problème de confiance en moi, mais pour quelqu’un qui en a, cela peut leur donner une grande confiance en eux. Et tu ressens plus de sensations, tu es plus sensuel. D’abord, je dois dire que je ne suis jamais accro. À rien. Et je sais que certaines personnes sont déprimées ou tristes le lendemain, mais je n’ai jamais été déprimé de ma vie. Pas même quand mon père est mort. Quand l’effet s’arrête, je suis de bonne humeur, je rentre chez moi et je peux travailler et étudier normalement. Je n’ai aucun problème de sommeil ou de nourriture, même après avoir beaucoup consommé. Si je veux, je peux prendre des drogues toute la semaine, et je peux toujours voir mes amis ou aller à des rendez-vous.

Je peux en prendre beaucoup d’un coup, jusqu’à six grammes de 3 pour une journée et demie. Beaucoup de gens sont surpris de voir combien je peux en prendre sans problème. Il y a quelque temps, je travaillais le samedi matin, comme caissier, à 10 heures. Je l’ai fait pendant quelques années et je n’ai jamais eu de problème, pas une seule fois, pour calculer la monnaie. Et je faisais la dernière prise à 7 heures du matin.

Je n’ai jamais acheté de produits de ma vie. Je n’ai jamais payé pour et je n’en utilise pas tout seul. J’en ai même eu chez moi pendant un temps, pendant plusieurs années même, mais je ne m’en suis jamais servi, j’ai tout jeté au bout d’un moment. À quoi ça sert de le faire seul ? C’est pour faire l’amour. C’est comme prendre de la MDMA. Je sais que certains le font seuls, mais c’est mieux en boite.

Si j’ai des projets, j’essaie de ne rien prendre, car les produits abiment beaucoup la peau dès le lendemain, et on ne peut pas voir ses amis avec un mauvais teint. En fait, je ne planifie pas de prendre des produits, je fais en fonction de mon emploi du temps. Par exemple, si ce dimanche je veux aller à un festival indien, je sais que je ne suis pas libre ce jour-là, mais que je peux en prendre un peu la veille.

Je ne fume pas, je ne vapote pas. Quand je prends des produits, je ne bois pas. C’est ma règle. Je suis en très bonne santé et je sais ce dont mon corps a besoin, même en ce qui concerne la nourriture. J’ai l’impression que les produits et l’alcool ne font pas bon ménage, ça n’ajoute rien à l’effet et en plus, je me sentirai fatigué le lendemain. Et je déteste me sentir fatigué. Quand on veut prendre des produits, je pense qu’il ne faut pas manger et commencer directement à faire la fête avec la drogue, mais sans alcool. À jeun, une petite quantité de produits suffit. Quand on mange trop, les effets sont très lents et il faut en prendre beaucoup.

Je faisais du slam, mais j’ai arrêté. J’en faisais souvent. Je pense que la première fois que j’ai slamé, c’était en 2016. Honnêtement, je n’arrêterai jamais de me droguer, ni de slamer. Mais j’ai accepté de faire une pause, pour un ami, qui a insisté. J’ai décidé d’arrêter pour lui pendant un moment, genre quelques mois, peut-être jusqu’à la fin de l’été. Mais je ne vais pas m’arrêter pour toujours.

J’ai eu un petit ami et il n’aime pas les drogues, il ne boit même pas d’alcool. Je n’ai rien pris quand j’étais avec lui, pendant environ cinq ans. Maintenant que nous sommes sur des chemins différents, j’ai recommencé à prendre des produits. Cette année, le maximum que j’ai fait, c’est 5 fois par semaine, mais c’est généralement deux nuits de suite. Je n’ai pas pris grand-chose le mois dernier, car je voyageais et des amis sont venus me rendre visite à Paris. Je n’avais pas le temps pour ça.

Je ne peux pas vous dire ce que les autres pensent de ces drogues, je ne suis pas dans leur tête. Mais je peux vous raconter quelques histoires. Ce qu’il faut savoir, c’est que les produits sont gratuits pour les jeunes, car il y a toujours un groupe d’hommes plus âgés, de 40 à plus de 60 ans, souvent utilisateurs de stéroïdes, qui les achètent en gros pour faire la fête. Ils louent un appartement et n’invitent que des jeunes, de 15 à 21 ans maximum, tous blancs ou arabes. Pas d’Africain habituellement. Cela arrive assez fréquemment, et je suppose que pour beaucoup d’hommes, c’est comme ça qu’ils commencent à prendre des produits, sans savoir de quoi il s’agit. J’ai souvent vu ça, chez les jeunes hommes est-asiatiques ou sud-asiatiques comme moi, on leur propose de la drogue et ils oublient l’avenir qu’ils voulaient. C’est triste.

Mais il n’y a pas que les jeunes. Je connais quelques personnes qui ont décidé de se suicider après 30 ans. Quand on est habitué à ce que les hommes vous offrent des cadeaux, de l’argent et de l’attention quand on est jeune, ça peut être difficile quand tout disparaît. C’est un petit monde, on ne peut pas mentir sur son âge, tout le monde le connaît, il faudrait changer de ville. Moins vous recevez d’attention, plus vous vous sentez vieux. Leur vie perd de son sens, certains choisissent de se suicider, d’autres prennent trop de drogues et meurent.

L’année dernière, j’ai rencontré un gars. Il était mignon et avait un travail normal, un bon travail. Nous sommes allés à une fête privée et il a slamé pour la première fois, même s’il m’avait dit avant qu’il trouvait ça dégoûtant. Quelques semaines plus tard, son bras était couvert de marques dues aux injections. Les produits n’étaient plus efficaces, mais il continuait à se droguer,et je lui ai dit qu’il avait besoin de repos. Cela m’arrive aussi, que les produit ne marchent plus, et quand cela arrive, je pense que je dois faire une pause. Je ne comprends pas pourquoi les gens continuent à prendre des drogues si ça leur fait du mal. Mais, en fait, je ne sais pas vraiment comment ça marche.»

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