Lors des débats pour les primaires au sein des Républicains à l’automne 2020, on a pu entendre les candidats plaider pour une approche répressive du problème de la drogue, le professeur Philippe Juvin allant jusqu’à réclamer la fermeture des «salles de shoot», soutenant l’absence de preuves scientifiques en la matière1Hernandez Julien, « La salle de consommation à moindre risque… », Blog Futura Sciences, 11/2021.. Tandis qu’à gauche, on réclame depuis plusieurs années l’ouverture d’un débat sur la légalisation, du PS dans les années 1970 jusqu’aux Verts aujourd’hui. Il y a cinquante ans, la majorité gaulliste apeurée par l’esprit libertaire de Mai 68 accouchait de la loi de 1970, moquée par Libération qui lançait son «appel du 18 joint» en 1976. Pourtant cette assignation simpliste, entre une droite naturellement réactionnaire et moraliste et une gauche nécessairement progressiste et libertaire, quel que soit le sujet, ne résiste pas à l’épreuve des faits.
La drogue : une question non-latéralisée depuis 50 ans
Rappelons quelques évidences. La droite est plurielle et une ligne de crête sépare sur les questions «libertaires» la droite conservatrice des libéraux. Dans les années 1990, quelques députés RPR, relayant des propositions extrémistes du Comité national anti-drogue de Marseille2Association de « parents » fondée au début des années 1970, adepte des campagnes de presse choc., publient le manifeste Les élus face à la drogue: organiser la résistance, appelant à un durcissement de la loi pour sauver les jeunes du fléau social. Au gouvernement, Charles Pasqua puis Michel Debré font la chasse aux rave parties clandestines, tandis que les libéraux se prononcent pour l’ouverture d’un débat sur la légalisation du cannabis. Ainsi, Alain Madelin, à la tête de Démocratie Libérale en 1997, critique le «tout répressif»3Libération, 17/01/1997. et plaide pour la distinction entre drogues «dures»et«douces».
La gauche aussi est divisée: quand le PS récupère dans les années 1970 un certain nombre de thèmes soixante-huitards, les communistes se font les défenseurs de la morale traditionnelle du père de famille ouvrier. En pleine campagne présidentielle de 1981, quand des élus locaux manient le thème de la drogue à l’occasion de l’affaire de Montigny-lès-Cormeilles, L’Humanité dénonce en François Mitterrand le «candidat des amis du haschisch», soutenu par Libération, et par Claude Olievenstein, directeur de Marmottan, ce «scientifique socialiste qui a troqué les habits du médecin pour ceux du bouffon»4L’Humanité, « La Ligne de partage », 12/02/1981.…
Les partis politiques peuvent aussi être divisés en leur sein. Aux origines de la loi de 1970, Raymond Marcellin, ministre de l’Intérieur à poigne et obsédé par la traque du gauchiste potentiellement terroriste, réclamait une loi de 1970 encore plus sévère, quand son collègue de la Santé Robert Boulin tenait à ce que cette dernière soit la plus humaniste possible. On lui devra en partie le volet sanitaire de la loi, entre injonction thérapeutique et promotion de l’abstinence, souvent jugé aujourd’hui comme relevant d’un paternalisme moraliste et suranné.
Le PS a connu aussi de fortes divisions qui eurent un impact sur la politique en matière de drogue, au prix d’incompréhensibles contradictions. Quand, en 1992, le ministre de la Santé Bernard Kouchner5Alors compagnon de route du PS, il y adhère finalement en 1998. accompagne les programmes d’échanges de seringue (PES) et les initiatives des médecins généralistes du Repsud qui commencent à faire de la substitution en Île-de-France, son collègue de l’Intérieur Paul Quilès critique ces mesures et fait poster ses fonctionnaires à proximité des PES, empêche Médecins du monde de distribuer des StériboxTM et confie à l’ex-commissaire Robert Brossard la rédaction d’un rapport sur la politique antidrogue6Marchant Alexandre, «20 ans de non-loi…», Swaps, no 83-84, 2016.. Droite et gauche savent hurler avec les loups quand il le faut: en 1971, Marcellin réclamait la peine de mort pour les trafiquants de drogue, à l’instar du maire socialiste de Marseille, Gaston Defferre. La question de la drogue soulève des enjeux éthiques et citoyens qui brouillent les clivages et les partis politiques.
Sans compter le poids des contextes susceptibles d’évoluer rapidement sous l’effet de panique morale après quelques overdoses ou a contrario des pesanteurs de l’administration qui freinent la volonté politique. Toujours est-il qu’à trois reprises, la droite se heurta au réel et déboulonna une partie de la prohibition qu’elle avait instituée en 1970.
Le moment Pelletier, 1978: les ambiguïtés du libéralisme giscardien
Au milieu des années 1970, le bilan des premières années de la nouvelle loi n’est pas brillant: elle n’a pas mis un terme à une toxicomanie dont le profil s’est diversifié: détournements de médicaments, polytoxicomanie avec défonce à l’alcool, usage de solvants industriels… Plusieurs médias attestent d’un retour de l’héroïne venue des Pays-Bas et d’une banalisation du cannabis chez les jeunes. Aussi, en 1977, le président Valéry Giscard d’Estaing charge Monique Pelletier, secrétaire nationale du mouvement des Républicains indépendants chargée de la famille et de la femme, d’une mission d’étude sur les «problèmes de la drogue en France». Fruit de six mois d’enquêtes, le rapport final, remis en janvier 1978, suggère de faire évoluer la loi, car les dysfonctionnements sont légion.
Le volet sanitaire supposait un ensemble de structures d’accueil et de soins suffisamment adaptées or, à l’exception de centres spécialisés à Paris, l’offre de soins ne repose que sur la psychiatrie hospitalière classique, dépassée sur le plan de la toxicomanie. Il y a de grandes inégalités sur le territoire: les «bureaux de liaison» censés être mis en place par les conseils généraux depuis 1971 ne le sont pas ou n’ont guère été réunis. Le rapport pointe l’absence de collaboration entre médecins et magistrats, qui facilite chez le toxicomane inculpé l’usage de stratégies d’évitement.
Le rapport rappelle que la prison n’est pas un lieu de traitement adéquat et que l’esprit initial de la loi était de ne pas répondre par le «tout-carcéral». La loi sous-entendait aussi que la toxicomanie était une maladie mentale, alors qu’il vaudrait mieux poser le problème en termes de désinsertion sociale. Monique Pelletier se réclame d’une démarche novatrice, visant à accorder le primat aux comportements et non aux substances, et d’un langage de vérité sur un problème compliqué qui n’appelle aucune réponse simpliste. Le rapport soulève enfin le problème de la dépénalisation du cannabis. Les travaux de la Mission tordent le cou à la théorie de l’escalade et constatent que de nombreux pays ont renoncé à adopter des sanctions pénales pour la détention de petites quantités de cannabis: Autriche (1971), Italie (1975), Pays-Bas (1976)…
Pour autant, la Mission ne se résout pas à demander la dépénalisation des drogues douces, se cachant derrière un principe de précaution : « sans grand danger pour un jeune bien dans sa peau, le cannabis peut en présenter pour un adolescent fragile ou en difficulté»7Pelletier Monique (dir.), Problèmes de la drogue, Paris, La Documentation française, 1978, pp.104-111 et pp. 141-143.. Aussi, le rapport dénonce les propositions de dépénalisation du programme socialiste, jugées «dangereuses et irréalistes». Le texte reçoit un accueil mitigé. Les spécialistes et directeurs de centres d’accueil le discutent sans enthousiasme: pour Claude Orsel, qui dirige le centre de l’Abbaye, la Mission risque d’avoir la même efficacité que le Haut comité de défense contre l’alcoolisme, c’est-à-dire aucun effet notable8Le Monde, 21/01/1978.. Libération reconnaît la volonté de dédramatiser le débat, mais fait du rapport le symbole de la «société VGE, faite de tolérance et d’hypocrisie». Ce travail est critiqué au sein de la droite elle-même. Le secrétaire général de l’Élysée, Jean François-Poncet, le trouve bien trop tolérant et compréhensif envers le com- portement des jeunes : il souhaite que son auteur l’amende avant sa publication officielle. Monique Pelletier refuse, Giscard d’Estaing la soutient. Serait-ce le signe que le Président avait une certaine «vision» des libertés dans la société française et qu’il était en «avance sur son temps sur beaucoup de problèmes»9Entretien Emmanuel Laurentin et Monique Pelletier, « La Fabrique de l’Histoire », France-Culture, 8/12/2008? Ce nouveau regard semble correspondre au projet de «société libérale avancée», vision sur laquelle Giscard avait été élu en 1974… En dépit de cet appui en haut lieu, il n’y aura pas de véritable tournant Pelletier. Le rapport appelait la Commission des stupéfiants, qui dépendait du ministère de la Santé, à un sursaut. Une nouvelle «section permanente» restreinte est créée, censée se réunir mensuellement. Cet effet d’annonce ne réjouit guère Claude Olievenstein, membre de la Commission, qui dénonce un artifice et souhaiterait que les problèmes de la drogue soient discutés en séance plénière avec les représentants de toutes les administrations et du monde médicosocial. Par ailleurs, les initiatives de celle qui vient d’être nommée secrétaire d’État auprès du garde des Sceaux ne sont guère endossées par ses collègues. Comme le constate le rapport annuel de Marmottan fin 1978:
«Sur le plan national, malgré les efforts conjugués du ministère de la Santé et de Madame Pelletier, nous devons constater un vide total et une absence de volonté poli- tique d’appréhender le problème de la drogue. Nous sommes en particulier impressionnés par l’absence de dynamique de la part du ministère de l’Intérieur qui, dans le passé, a souvent un rôle moteur.»10Archives de l’OCRTIS, CAC 19920026/5.
Si la loi ne change pas, son application change à la marge. La circulaire de la Chancellerie du 17 mai 1978, dite «circulaire Pelletier», concrétise trois des recommandations du rapport en matière judiciaire: en évoquant la nécessité d’améliorer la formation des magistrats ; en appelant à la spécialisation de quelques magistrats dans chaque juridiction et, disposition centrale, en demandant aux magistrats du parquet de s’abstenir de toute poursuite judiciaire à l’encontre des usagers simples de cannabis. Les juges devront se contenter d’une «mise en garde», un simple rappel à la loi. Cette pratique avait déjà cours dans les grandes agglomérations, elle devient la norme pour tout le pays. La circulaire satisfera les médecins et les éducateurs, plus que les usagers eux-mêmes. La mesure sera dans l’ensemble bien appliquée, malgré quelques réticences et l’hostilité d’une partie des membres de la Commission des stupéfiants. Au final, Monique Pelletier, dont le rapport sera une référence maniée ultérieurement par les partisans de la RdR, se satisfera d’avoir mis un terme à un climat de «chasse aux sorcières» envers les toxicomanes, comme elle le souligne à l’Assemblée nationale en 1980 :
«Le débat qui s’est instauré autour de ce rapport a permis à de nombreuses familles et aux spécialistes de progresser dans la compréhension du phénomène, ce qui constitue un progrès. Désormais, on ne considère plus la drogue comme un mal mystérieux.»11PV du 13/06/1980, Débats parlementaires imprimés, 1980, p.1857.
Le moment Barzach, 1987: la réduction des risques par la petite porte des pharmacies
Le conflit au sein de la droite sur la question ne sera jamais aussi fort qu’au moment de la deuxième cohabitation de l’ère Mitterrand. Le RPR a gagné les législatives de 1986 grâce à une campagne sécuritaire. Jacques Chirac, maire de Paris, influencé par son conseiller le docteur Gabriel Nahas, chantre de la lutte contre le cannabis, et par l’association SOS Drogue international fondée par Régine, devient Premier ministre et confie au garde des Sceaux Albin Chalandon la mise en place d’un «Plan anti-drogue» doté d’un budget record de 250 millions de francs. Comme le constatera rétrospectivement Libération: «C’est bien le vice initial du plan Chalandon: pour des raisons politiques, Matignon a confié au garde des Sceaux ce qu’il aurait dû adjuger au numéro 1 du TOP 50 de la majorité : Michèle Barzach.»12Libération, 05/09/1987. La nouvelle ministre de la Santé, médecin gynécologue et psychanalyste de formation, s’était proposée en vain pour recevoir la tutelle de la Mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie (MILT, créée en 1982), entendant mettre l’accent sur les soins et la prévention pour les toxicomanes, face aux nouvelles orientations répressives.
Car, dans l’esprit du plan, le toxicomane est un délinquant à châtier par l’emprisonnement (création escomptée de 1600 places de prison pour toxicomanes). Chalandon peut compter sur le ministre de l’Intérieur Charles Pasqua. Ils réussiront à modifier la loi de 1970 dans un sens plus répressif, en ce qui concerne le traitement des trafiquants, avec une législation calquée sur celle de la lutte contre le terrorisme en 1987. La même année, une circulaire Chalandon envoyée aux parquets tire un trait sur les libéralités de la circulaire Pelletier. Pour tous les autres sujets, un bras de fer commence avec la ministre de la Santé: Chalandon veut modifier les modalités de l’injonction thérapeutique, pour la rendre plus coercitive. Barzach proteste, appuyée par la profession médicale, et réclame un arbitrage de Matignon, qui lui donnera raison. Chalandon veut, dans le même temps, créer une troisième filière d’agrément public pour les centres de postcure (les deux existantes passent par la Santé et la Jeunesse et Sports), ne relevant que de son autorité. L’idée est de mettre en place des procédures plus rapides et moins médicalisées. Michèle Barzach exige que l’on respecte le code de la santé publique prévoyant le primat de l’autorité sanitaire en matière d’usage de drogue. Créer une troisième filière d’agrément conduirait à réduire le contrôle que l’État peut exercer sur certains centres privés, comme le plaide la ministre:
«Une collaboration renforcée et ouverte entre les autorités judiciaires et sanitaires est, à mes yeux, la seule voie efficace pour améliorer la prise en charge des toxicomanes. Il n’est nul besoin de créer des procédures nouvelles ou de bouleverser l’équilibre d’une loi à laquelle les Français, et plus particulièrement le monde médical, ont prouvé leur adhésion.»13Lettre de Michèle Barzach à Albin Chalandon, 23/04/1987, Archives du Cabinet du Premier ministre, CAC 19910554/3.
La troisième voie ne sera pas créée, Matignon changeant de fusil d’épaule et appuyant finalement la Santé. Michèle Barzach est soutenue par une coalition d’intérêts socioprofessionnels qui entend défendre ce qui est devenu la tradition française en matière de soins aux drogués. En 1986, s’est constitué un Collectif Île-de-France des intervenants en toxicomanie rassemblant des membres de Marmottan, de l’Espace Murger de Fernand Widal, de Charonne et de l’association Le Trait d’Union de Francis Curtet. Le collectif dénonce «l’aspect liberticide» du plan antidrogue:
«Les mesures actuellement proposées par le ministère de la Justice tendent à instaurer une intervention coercitive, voire carcérale, uniquement en fonction de l’intoxication de certains patients. De tels «traitements» par la contrainte et l’enfermement constituent une régression dramatique dans le domaine de la santé publique. Au-delà des patients toxicomanes, au-delà du modèle de soins français en matière de toxicomanie, c’est l’éthique de l’intervention psychiatrique, médicale, sociale, qui est mise en cause […] Enfermer pour guérir est une illusion aberrante. Vouloir par des décrets répressifs mettre fin à un phénomène de société est une erreur: c’est prendre l’effet pour la cause, et c’est renoncer à toute réflexion sur les sources profondes et la signification de ce problème. Faire croire, par démagogie, qu’il existe des solutions simples et radicales à des faits aussi complexes est tout aussi «toxique» que certains produits incriminés.»14Archives Secrétariat d’État à la Jeunesse, année 1986, CAC 19890495/26.
Dans une conférence de presse le 12 mars 1987, Gérard Muller, président de l’Anit, brandit le spectre des communautés thérapeutiques à l’anglo-saxonne, évoquant «les méthodes de thérapie comportementale qui nulle part n’ont fait preuve d’efficacité» ou le retour d’une logique asilaire que l’on croyait révolue. Face à toutes ses oppositions, le plan Chalandon fera long feu: même les places spéciales de prison promises ne seront pas au rendez-vous.
Michèle Barzach va surtout associer son nom à un décret, considéré comme le début de la RdR en France. En cette seconde moitié des années 1980, l’épidémie de sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. fait des ravages. Le virus se transmet massivement chez les héroïnomanes par le partage des seringues usagées. Or la vente de seringues est réglementée depuis un décret de 1972, qui instituait le monopole de la vente aux pharmacies et la délivrance uniquement sur ordonnance. Barzach propose en octobre 1986 l’expérimentation d’un décret sur la vente libre des seringues. Les expériences étrangères, notamment britanniques, sont probantes: à Glasgow, où les seringues sont en vente libre depuis un an, la séroprévalence VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. dans la population héroïnomane n’est que de 5 à 10%, contre 45-50% à Édimbourg. En juin 1986, un groupe de travail sur le sida, coordonné par le professeur Rapin, suggère d’aller au feu sur cette question. Si la commission interministérielle des stupéfiants plaide le manque de recul sur les preuves scientifiques et dénonce «une décision d’opportunité politique», Barzach persiste, fait rédiger par ses services un décret et s’en défend:
«Si la France est en tête de liste pour les malades du sida, il faut chercher la cause du côté des toxicomanes. Faites le compte. La France compte aujourd’hui entre 150000 et 200000 héroïnomanes, 40% de séropositifs. Aujourd’hui 5 000 malades du sida de plus par an sont des toxicomanes. À la différence de la Grande-Bretagne ou des Pays-Bas, nous avons attendu trop longtemps pour entreprendre une vraie politique de prévention des risques: les seringues en vente libre et les programmes de méthadone.»15Traverson Marc, Pour en finir avec la prohibition des stupéfiants, Paris, Albin Michel, 1995, p. 44.
Le décret de la Santé, à dimension expérimentale, est envoyé le 28 janvier 1987 pour signature aux cabinets de Charles Pasqua et d’Édouard Balladur (Économie et Finances). Mais l’opposition fait rage au sein d’un gouvernement acquis au tout répressif en matière de drogue, et Barzach doit intervenir auprès du Premier ministre pour obtenir gain de cause. Pour discréditer la mesure, Charles Pasqua déclarait ainsi dans un entretien au Courrier Picard début mars 1987:
«Il faut une certaine naïveté pour imaginer que les toxicomanes soient accessibles aux règles d’hygiène qu’on voudrait leur faire observer […] je crains que cette mesure n’apparaisse comme l’illustration d’un certain fatalisme à l’égard des comportements toxicomaniaques les plus graves.»16Le Courrier des Addictions, no 2, 06/2004.
La ministre a dû également affronter la fronde des professionnels. Le 25 février 1987, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France réclame le droit d’appliquer la «clause de conscience» pour délivrer ou non les seringues demandées. Enfin, Barzach mettra aussi en cause «la terreur de l’emprise psy», le poids des représentations d’une culture des intervenants en toxicomanie structurée autour du modèle psychanalytique depuis la fin des années 1970: l’accent est mis sur les traitements psychothérapeutiques et tout ce qui ressemble de près ou de loin au principe palliatif a été mis à l’écart17Bergeron Henri, L’État et la toxicomanie ; Histoire d’une singularité française (1970-1995), Paris, PUF, 1999.. Autant Barzach avait eu le soutien de l’Anit sur le refus des méthodes coercitives, mais elle peine à convaincre les psychiatres toujours partisans d’une école de Marmottan basée sur la psychothérapie et l’abstinence.
Le décret entre néanmoins en application en mai 1987, à titre expérimental pour un an. Dès janvier 1988, la ministre fait valoir l’efficacité : dans les régions les plus exposées, l’achat des seringues par les toxicomanes a plus que doublé dans les pharmacies ayant appliqué les directives ministérielles, leur permettant de s’injecter avec du matériel non-souillé18Note « Bilan et perspectives de la politique de lutte contre le sida », 01/1988, Archives du Premier ministre, CAC 19910554/3.. La mesure est prolongée en 1988, puis est pérennisée en 1989 par le nouveau ministre Claude Évin. Il en aura fallu du temps et comme le reconnaîtra plus tard amèrement la ministre dans son livre autobiographique Vérités et tabous en 1993:
«Si les historiens des prochains siècles se penchent un jour sur la France des années 1980, ils concevront quelque étonnement de la barbarie froide qui imprègne un pays apparemment policé et moderne. Un pays à la conscience anesthésiée où, pourvu que l’on soit toxicomane, c’est-à-dire coupable, forcément coupable, on peut mourir sans que cela dérange. Un pays coiffé d’un pouvoir obscur dont les maîtres apparents, ministres et hauts fonctionnaires, se dissimulent en toute occasion derrière d’improbables «commissions de réflexion» et autres comités d’experts, paravents commodes qui leur évitent justement de trancher lorsqu’il le faudrait.»19Barzach Michèle, Vérités et Tabous, Paris, Le Seuil, 1994 (cité par Traverson, op. cit. p. 62).
Le moment Veil, 1994 : faire sauter les barrières morales sur la substitution
Quelques années plus tard, le péril infectieux continue de proliférer. Un certain nombre d’acteurs de terrain commencent à plaider pour une RdR généralisée, mobilisant les exemples étrangers (britanniques ou néerlandais): le Repsud, l’association Limitez la casse, le groupe d’auto-support Asud, tous nés dans les années 1992-1993… Toutefois, le politique reprend timidement ces exigences, et l’avantage est repassé à la gauche. Dans sa lettre de mission de novembre 1988 à la nouvelle présidente de la MILT, Catherine Trautmann, le Premier ministre Michel Rocard soutient qu’il faut adapter le réseau de soins au sida et décloisonner information et formation au-delà des seuls spécialistes20Lettre de mission de Michel Rocard à Catherine Trautmann, 15/11/1988, OFDT.. En 1991, Claude Évin donne son accord à la création d’un troisième centre expérimental de substitution à la méthadone, 19 ans après l’ouverture des deux premiers. Son successeur Bernard Kouchner encourage le recours aux pratiques de substitution aux opiacés de synthèse.
Quand la droite gaulliste revient aux affaires à l’issue des législatives de 1993, elle semble avoir renoué avec ses démons sécuritaires et moralistes. Le député RPR Ernest Chénières déclare en 1993 qu’une minorité organisée «de marginaux homosexuels et toxicomanes» recherche la «légalisation objective de leurs perversions et de leurs déviances». Tandis que Jean-Paul Séguéla, conseiller spécial de Charles Pasqua pour les questions de toxicomanie écrit dans Le Monde en 1994:
«La distribution aux seuls héroïnomanes lourds, sur prescription ou contrôle médical, d’héroïne ou de méthadone, produits toxicogènes classés comme stupéfiants par les conventions internationales, serait un encouragement à la toxicomanie, contraire à l’éthique des médecins. Il n’est pas tolérable que des médecins deviennent des «dealers en blouse blanche» et participent à l’entretien de la toxicomanie. Ne serait-ce pas là une sorte d’euthanasie?»21Traverson Marc, op. cit., p.37 et 62.
Mais la généralisation de la substitution sera bien l’œuvre de la droite. À côté de la curieuse et soudaine volonté de Charles Pasqua d’ouvrir un débat sur la dépénalisation (pour mieux la décrédibiliser), le ministère de la Santé oriente le projet de loi vers l’amélioration du volet sanitaire avec, entre autres, un renforcement du nombre de lits hospitaliers22Libération, 13/09/1993.. Il s’agit de donner la priorité à la lutte contre les périls infectieux, par tous les moyens possibles. La nouvelle ministre, Simone Veil, connaît bien le dossier puisqu’elle avait contribué à consolider le domaine d’interventions spécialisées en toxicomanie en mettant à l’écart les communautés thérapeutiques à la fin des années 1970. Elle récupère dès avril 1993 la tutelle sur la Mission interministérielle. Son ministre délégué, Philippe Douste-Blazy, se prononce en 1994 lors du premier Sidaction télévisé pour «une utilisation raisonnable de la méthadone». Les signes du changement ne tardent pas à se manifester. En février 1994, la ministre décide la formation d’une commission de réflexion présidée par le professeur Roger Henrion. Rassemblant quelques spécialistes, il énonce quelques objectifs: renforcer la surveillance épidémiologique, développer les centres d’accueil à bas seuil (les «boutiques») et les PES, aborder de front la question de la substitution. Les premières conclusions paraissent à l’automne, avant la publication officielle du rapport début 199523Henrion Roger (dir.), Rapport de la commission de réflexion sur la drogue et la toxicomanie, Paris, DF, 1995.. Le rapport Henrion apparaît sur le moment comme un demi-échec, ou un demi-succès. Beaucoup d’acteurs associatifs ou humanitaires font part de leur amertume. Médecins du monde estime que les recommandations de santé publique sont entravées par l’absence de propositions pratiques sur les liens entre soins et répression. Asud regrette l’absence de débat sur la loi de 1970, de même qu’Act Up qui réclame son abrogation immédiate et caractérise la Commission Henrion de «flop» complet24Libération, 09/02/1995.. Ensuite, le rapport semble être enterré avant d’être publié, le gouvernement Balladur désavouant le professeur qui s’est montré personnellement favorable à la levée de l’interdit sur le cannabis25Impact Médecins, 10/02/1995, Le Nouvel Observateur, 09/1994.…
Ce n’est pas pour autant un échec complet: premier rapport officiel qui désigne l’héroïnomanie comme une «catastrophe sanitaire et sociale», invisible mais bien réelle depuis les années 1980, il lance une véritable réflexion, appuyée par l’État, sur la substitution, forçant les professionnels, les instances ordinales et les milieux universitaires à se prononcer clairement sur cette option thérapeutique. Une conférence interuniversitaire est organisée à la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry. Au lendemain, Simone Veil, interpellée par un praticien en colère qui lui reprochait de ne donner la priorité qu’à la méthadone alors que les hôpitaux réclament des crédits supplémentaires, lui tient ce langage:
«La méthadone n’est pas une priorité mais tous les morts se valent. Les toxicomanes ne sont pas des parias. Je ne trie pas les vies à sauver entre les bonnes et les mauvaises. Si nous ne faisons rien, on va nous rendre responsables de la mort des toxicomanes. Nous voulons sortir de cette situation unique au monde»26Le Panorama du médecin, 10/1994..
Deux mesures importantes sont décidées. La première est l’adoption d’un troisième protocole Méthadone le 7 mars 1994, après les premiers –expérimentaux– de… 1972. Les principes généraux sont maintenus, mais les dispositifs élargis, après consultation pour chaque projet d’une nouvelle commission consultative des traitements de substitution. Certaines règles sont imposées: pas plus de 50 patients dépendants aux opiacés depuis au moins cinq ans pris en charge simultanément par centre, proposition initiale de prises en charge alternatives, prise quotidienne du produit de préférence sur place (mais le médecin peut prescrire jusqu’à 7 jours en ambulatoire), forme de sirop pour la méthadone, dose quotidienne de 100 mg, contrôle urinaire régulier pour détecter la prise de produits illicites. Début 1995, plusieurs circulaires du ministère autorisent l’ensemble des centres spécialisés de soins pour toxicomanes à prescrire et délivrer de la méthadone, soit près de 200 centres27Geismar-Wieviorka Sylvie, La Méthadone Paris, PUF, 1997, pp. 68-70.. La seconde mesure concerne la reconnaissance officielle des pratiques des médecins prescripteurs. À côté de l’autorisation de mise sur le marché de la méthadone en mars 1995, une circulaire du 31 mars 1995 définit le cadre réglementaire de la prescription des opiacés de substitution. L’AMM sur le Subutex™, buprénorphine à haut dosage qui a succédé au Temgésic™, est accordée, rentrant en vigueur au 1er janvier 1996. Dès lors, à côté de la prescription de méthadone dans les CSST, les médecins généralistes peuvent prescrire du SubutexTM accessible dans les pharmacies. D’après les calculs de l’économiste Pierre Kopp, entre 1996 et 2003, la substitution a permis une économie d’environ 3 500 vies et, de manière générale, a changé la vie des quelque 160000 à 180000 héroïnomanes lourds au mitan des années 199028Kopp Pierre, L’Économie de la drogue, Paris, La Découverte, 2006, pp.97-98..
Le moment Mattei : répondre à la toxicomanie par une véritable politique de santé publique
Une quatrième femme, Nicole Maestracci, va accompagner ce basculement vers la réduction des risques. Elle ne vient pas de la droite: magistrate, ancienne juge d’application des peines en Seine-Saint-Denis, elle va œuvrer au rapprochement entre médecins et magistrats, à fonder la politique de la drogue sur de véritables fondements scientifiques et à accompagner la logique de RdR, tout au long du gouvernement Jospin, de cohabitation. Le séisme politique d’avril 2002 (extrême-droite au second tour, réélection inattendue d’un président de droite disposant désormais de tous les pouvoirs) laisse envisager un retour de bâton conservateur en matière de politique de la drogue. Libération pousse des cris d’orfraie: le nouveau ministre de la Santé, Jean-François Mattei n’a-t-il pas déclaré la guerre à toutes les drogues, y compris le cannabis? Le Figaro, tronquant des propos de Didier Jayle, nouveau président de la MILDT, fait passer ce dernier pour un père fouettard opposé à la dépénalisation dudit cannabis29Libération, 08/01/ 2003 ; Le Figaro, 22/10/ 2002.. En parallèle, un groupe de sénateurs de droite dénonce l’abandon de la lutte contre la drogue dans un rapport intitulé «Drogue, l’autre cancer»30Plasait Bernard, Olin Nelly, Drogue, L’autre cancer, rapport de la commission d’enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites, 2003.. Ils dénoncent la distribution des seringues, les traitements de substitu- tion et les subventions accordées aux associations d’usagers. Enfin, le nouveau ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, fait des usagers et revendeurs des cibles implicites de sa Loi de Sécurité intérieure de 2003 sur les «fauteurs de troubles» dans l’espace public31Coppel Anne, Doubre Olivier, Drogues : sortir de l’impasse ; expérimenter des alternatives à la prohibition, Paris, La Découverte, 2012, pp.32-37..
Mais, au-delà des préjugés des uns et des agitations de façade des autres, la réalité se joue en coulisses, avec un bras de fer interne semblable à celui de la première cohabitation. D’abord, la nouvelle direction de la MILDT incarne une volonté de modération, face aux injonctions répressives de l’Intérieur qui voulait nommer un magistrat à poigne, le juge Bernard Leroy, travaillant au Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues, un organe plutôt répressif… Tandis que Matignon et la Santé souhaitaient pour le poste William Lowenstein, directeur de la clinique Montevideo spécialisée dans les traitements de substitution. Le compromis trouvé fut le recours à une tierce-personne, le docteur Didier Jayle, engagé depuis 1986 dans la prévention du sida et directeur du Crips Île-de-France. Le pôle santé gagne cette manche en imposant un médecin de terrain dont l’expertise sera écoutée: «je ferai comme vous me demanderez de faire », déclare publiquement Mattei à Jayle.
Ensuite, Mattei a une expérience de terrain favorable à la RdR, à Marseille. Membre de Démocratie Libérale, pédiatre à l’hôpital de la Timone et adjoint au maire Jean-Claude Gaudin, il fut surnommé par les toxicomanes de la Cannebière… le «saint-bernard des drogués»! Il a créé en 1996 une mission Sida Toxicomanie, contre l’inertie de la précédente équipe municipale. Il a piloté l’œuvre de prévention d’associations comme Médecins du monde, Aides, Asud ou l’Association méditerranéenne de prévention des toxicomanies (AMPT). Grâce à lui, huit distributeurs de kits d’injection propre ont couvert différents secteurs de Marseille. L’héroïnomanie a ensuite régressé, en parallèle du nombre de seringues distribuées et Mattei sera cité comme un modèle dans le New York Times en 200132Libération, 06/08/2002. C’est cet esprit de pragmatisme et de concertation qu’il tente de transposer sur la scène nationale.
En juin 2003, le Premier ministre charge la MILDT de préparer un rapport sur un nouveau projet de loi afin de modifier celle de 1970 qu’il juge inadaptée: trop dure sur l’usage simple de cannabis, construite autour de l’héroïne qui n’est désormais plus l’enjeu principal (grâce à la substitution…)… Concernant le cannabis, une des pistes envisagées est un système d’amendes forfaitaires, entre 68 et 135 euros, la consommation devenant un délit passible du tribunal correctionnel après un certain nombre d’amendes. La création d’un fichier des consommateurs suscite en revanche la crainte des associations d’usagers et de la CNIL. Difficile d’aller plus loin : l’opinion est alors défavorable à la libéralisation, le débat sur la prohibition n’est que balbutiant et l’image très positive du cannabis chez les jeunes nécessite, selon la MILDT, une campagne de sensibilisation pour lutter contre une trop grande banalisation du produit. La question de l’amende divise cependant les ministères: le garde des Sceaux Dominique Perben plaide pour le maintien du délit. À l’Intérieur, contre toute attente, Sarkozy et Claude Guéant, son directeur de cabinet, se laissent tenter par la dépénalisation, mais leurs conseillers, comme Étienne Apaire, rétropédalent et qualifient la mesure de laxiste. L’Intérieur suggère finalement une amende de type 5 à 1 500 euros (qui permet l’inscription au casier). Les deux pistes sont évoquées dans le rapport remis à Mattei et à Raffarin le 15 septembre33« Questions sur la loi de 1970 à Monique Pelletier, Catherine Trautmann, Nicole Maestracci, Didier Jayle et Étienne Apaire », Swaps, no 61, 2010. Et entretien avec Didier Jayle, novembre 2010.. Au Premier ministre de trancher : il se dit favorable dans un entretien sur M6 à la contravention. Mais il reste nébuleux sur le montant retenu (et la philosophie derrière). Le flou ne sera jamais levé…
Car dans l’intervalle les choses ont bien changé pour Mattei. La canicule inattendue du mois d’août 2003 a entraîné une surmortalité record et l’opinion a peu apprécié la prise de parole tardive du ministre depuis son lieu de vacances. La démission du directeur général de la Santé à la fin de l’été ne change rien à l’isolement patent du ministre. Il est remercié lors d’un remaniement en mars 2004. Sarkozy, qui gardait un œil sur le projet, passe à Bercy et perd la main sur les affaires pénales. Leurs remplaçants ne sont pas motivés par la reprise du processus. La Justice annonce de simples circulaires pénales quant à l’application de la loi de 1970. Mais l’idée de changer cette dernière par des sanctions graduées à l’endroit des consommateurs de drogues douces «n’est pas opportune actuellement», déclare Didier Jayle fin juillet 2004. Bernard Kouchner fait publiquement part de sa déception34Libération, 31/03/2004 ; Les Echos, 30/07/2004..
drdLe bilan n’est pourtant pas si maigre. Avant son départ, Mattei élabore avec la MILDT les Caarud à bas seuil d’exigence, aptes à capter une population dans le besoin à qui l’abstinence fait peur. Il participe au plan gouvernemental 2004-2008 de la MILDT qui met l’accent sur la prévention du cannabis et prévoit un dispositif de consultations anonymes et gratuites pour les consommations juvéniles. Il enracine la RdR dans la loi de Santé publique qui sera votée en août 2004. C’est la première fois depuis 1902, en des temps hygiénistes et pasteuriens, qu’une loi est appelée ainsi. Elle institue la (bonne) santé des personnes et des populations comme relevant des objectifs de l’État et définit un cadre méthodologique pour l’évaluation des politiques publiques de santé. Surtout, elle coule dans le marbre de la loi le fait que la RdR est une bonne méthode pour «prévenir la transmission des infections, la mortalité par surdose par injection de drogue intraveineuse et les dommages sociaux et psychologiques»35«La loi relative à la politique de santé publique : objectifs de santé, plans et programmes d’action», Santé Publique, 2004/4, pp.587-595.. Toutefois, la permanence de la loi de 1970, qui interdit tout prosélytisme, limite la portée du texte. Et les associations d’usagers regretteront le cadre prophylactique institué, relevant d’une approche davantage médicale que citoyenne, et sa réduction aux seules substances injectées. C’est un petit pas. Mais comme tous les autres évoqués ici, ils instituent une trajectoire (que l’on peut espérer) irréversible.
Quatre moments forts, quatre personnages de droite, pour quatre avancées majeures. Certes, ces épisodes ont aussi reflété de profondes divisions au sein de cette famille, entre une droite sensible aux arguments humanistes, à l’expertise médicale, à la défense de la liberté individuelle et une autre campée sur les valeurs conservatrices, attachée à la loi et à l’ordre et à la priorité de la lutte contre le trafic. En 2007, c’est cette tendance qui l’emporte quand le nouveau président de la MILDT, Étienne Apaire, nommé à la hussarde par un Nicolas Sarkozy redevenu prohibitionniste, prône la «tolérance zéro», cible l’usage récréatif de drogues comme problématique ou réduit drastiquement le budget des associations promouvant RdR et auto-support. Effaçant le bilan d’une RdR qui a vu ses grandes avancées attribuées… au camp des gardiens auto-proclamés de la loi et de l’ordre.