Le modèle français de réduction des risques

Une société sans drogues a longtemps constitué un idéal sociétal, mais depuis le milieu des années 1980 et l’irruption de l’épidémie de sida qui a décimé les «toxicomanes utilisant la voie intraveineuse», l’éradication des drogues est considérée comme une utopie totalement irréaliste, voire potentiellement dangereuse. Marie Jauffret-Roustide revient sur les politiques publiques qui se donnent actuellement un objectif plus réaliste d’apprendre à vivre avec les drogues en les «domestiquant» afin d’en atténuer les principaux risques et dommages, par le biais du référentiel de la réduction des risques (RdR).

Pour changer la loi, il faut sortir du sanitaire

La guerre à la drogue est un ectoplasme – «a boogyman» nous dit Ethan Nadelmann. Ce leurre politique devrait figurer un jour au rayon des curiosités historiques, entre les procès intentés aux animaux et la Grande Peur de 1789. Néanmoins, le caractère protéiforme de l’usage a donné des ailes aux amateurs de répression, étonnés eux-mêmes des possibilités offertes par ce droit de perquisition permanent de la liberté individuelle. Il permet de voguer de la contrainte sanitaire à l’incarcération de masse. Il s’autorise même quelques incursions militaires de type impérialiste, avant de revenir dans son bastion historique, l’ordre moral. Or c’est justement là que se situe la faille. Cette indécente puissance de feu s’avère extrêmement fragile dès lors que l’on ose s’aventurer sur le seul terrain jamais véritablement disputé aux tenants de la prohibition, la question du bien et du mal.

La cocaïne et le cannabis au cœur des bouleversements de l’offre de drogues illicites en France

Les années 1990 constituent un moment charnière pour l’offre de drogues en France. La rupture la plus importante concerne l’arrivée massive de la cocaïne latino-américaine sur le Vieux continent, tandis que les trafics d’héroïne, affectés par l’introduction des traitements de substitution en 1996, amorcent un déclin, qui ne sera toutefois pas définitif du fait de la persistance d’usages d’opiacés moins visibles que dans les années 1980. En outre, le marché de la résine de cannabis se pérennise, tandis qu’un certain nombre de signes annoncent des mutations, portant notamment sur le phénomène croissant des cultures industrielles de marijuana.