Australie: En 10 ans, le TasP et la PrEP ont réduit de 66% les infections VIH chez les hommes gays et bisexuels

En Australie, l’efficacité du traitement comme prévention (TasP) chez les hommes gays et bisexuels vivant avec le VIH, renforcée par l’apparition de la PrEP en 2016, est corrélée à une baisse des deux tiers du nombre de nouvelles infections entre 2010 et 2019.

On sait que les personnes séropositives ne transmettent pas le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. quand leur charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. est supprimée par un traitement antirétroviral efficace. Mais on a encore peu de chiffres sur l’impact de ce mode de prévention du VIH au niveau populationnel. Les résultats de l’étude australienne, publiée dans The Lancet HIV, démontrent qu’entre 2010 et 2019, une augmentation de 27% du nombre d’hommes gays et bisexuels ayant une charge virale indétectable en Australie a entraîné une réduction de 66% des infections par le VIH.

L’étude observationnelle menée par le Dr Denton Callendar de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud, montre aussi que l’introduction de la prophylaxie pré-exposition (PrEP), auprès  des personnes séronégatives donc, a renforcé la corrélation entre le nombre croissant de personnes séropositives indétectables et la réduction de la transmission du VIH. Sur la période, chaque augmentation de 1% de la prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. de la suppression de la charge virale correspondait ainsi à une réduction de 20% de l’incidence du VIH. Pour les auteurs, ces résultats éclairent la très grande efficacité du traitement comme prévention (TasP, Treatment as Prevention), en matière de santé publique. 

L’étude a évalué l’impact de l’augmentation de la couverture du traitement antirétroviral et de la fourniture de PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. sur la transmission du VIH dans les États de Nouvelle-Galles du Sud et de Victoria, sur dix ans. Les auteurs ont étudié le changement de statut sérologique, l’accès et les prises des traitements, la suppression de la charge virale et l’utilisation de la PrEP chez 101 772 hommes gays et bisexuels, séronégatifs et séropositifs, recevant des services de santé dans 69 cliniques des deux États australiens.   

La cohorte comprenait à l’inclusion 12 554 hommes vivant avec le VIH ou ayant été testés séropositifs au cours de la période de suivi. L’analyse principale a calculé la prévalence de la suppression virale dans cette population et l’a prise en compte dans l’analyse multivariée des facteurs associés à l’incidence du VIH. La proportion d’hommes vivant avec le VIH et ayant une suppression virale est passée de 69% en 2010 à 88% en 2019, soit une augmentation de 27%.

 Prévalence dans la population de la suppression virale, de l’incidence du VIH, du VIH non diagnostiqué et de l’adoption de la PrEP chez les hommes gays, bisexuels et ayant des rapports sexuels avec des hommes, par an, 2010-2019.

Une incidence en baisse chez les séronégatifs

Parallèlement, l’analyse principale a examiné l’incidence du VIH chez les hommes ayant effectué au moins deux tests au cours de la période de suivi, et qui étaient séronégatifs après le premier. Sur 59 234 hommes, 1201 ont été testés séropositifs au VIH pendant le suivi, soit une incidence de 0,4 cas pour 100 années-personnes de suivi. Les résultats montrent une baisse de presque deux tiers de l’incidence du VIH, passant de 0,64 à 0,22 cas pour 100 personnes par année. La baisse la plus importante a été constatée chez les hommes âgés de 30 à 39 ans (- 88%). 

Le nombre d’individus infectés, mais non diagnostiqués, a également baissé pendant la durée de l’étude. Le pourcentage de personnes non diagnostiquées est passé de près de 11% en 2010 à 9% en 2019. La proportion des infections non diagnostiquées parmi les hommes gay et bisexuels a été estimée à l’aide d’un modèle mathématique de rétroprojection. L’outil de modélisation utilisé, celui du Centre européen de contrôle des maladies (ECDC), prend en compte le nombre de lymphocytes CD4 au moment du diagnostic, les diagnostics de sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. le nombre de décès et le taux d’émigration des personnes vivant avec le VIH pour estimer le nombre d’infection au VIH non diagnostiquée1Gray RT, Wilson DP, Guy RJ, et al. Undiagnosed HIV infections among gay and bisexual men increasingly contribute to new infections in Australia. J Int AIDS Soc 2018; 21: e25104..

L’impact de la PrEP

La PrEP a été autorisée en Australie pendant la durée de l’étude, en 2016, et le nombre d’utilisateurs de PrEP est passé de 17% en 2016 à 36% en 2019 chez les hommes homos et bisexuels. Chez les hommes utilisant la PrEP, l’incidence du VIH était de 70% inférieure par rapport à celle des non-utilisateurs.

L’incidence du VIH a diminué de manière plus marquée entre 2015 et 2017, et s’est stabilisée par la suite, ce qui témoigne de l’efficacité de la PrEP associée à une baisse du nombre de personnes non diagnostiquées et donc possiblement transmetteuses du virus.

Cette étude met ainsi en évidence l’importance de la prévention combinée pour réussir à faire baisser le nombre de nouvelles contaminations. C’est cette combinaison de l’effet préventif du traitement antirétroviral, de la PrEP pour les personnes séronégatives et de la sensibilisation au dépistage précoce du VIH qui a conduit à une réduction significative de l’incidence du VIH dans la population HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.  en Australie entre 2010 et 2019.

Enfin, les chiffres rapportés par l’étude sont d’autant plus notables qu’il ne s’agit pas d’une expérimentation, mais d’une étude de cohorte longitudinale basée sur des données de routine, qui confirme l’efficacité d’une implémentation grandeur nature de la prévention combinée en vie réelle.

Dans leur conclusion, les auteurs soulignent l’importance de l’augmentation du recours au dépistage, de l’accès aux traitements et du contrôle de la charge virale chez le plus grand nombre de personnes possibles. Des progrès qui reflètent en grande partie les efforts des cliniques et des organisations communautaires locales pour rendre les services plus accessibles, ainsi que l’importance et l’efficacité des campagnes de prévention ciblées.

Bibliographie

Callendar D et al. HIV treatment-as-prevention and its effect on incidence of HIV among cisgender gay, bisexual and other men who have sex with men in Australia: a 10-year longitudinal cohort study. Lancet HIV, published online 14 April 2023.
DOI: https://doi.org/10.1016/S2352-3018(23)00050-4