JO 2024: un facteur de risque pour les épidémies

Le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars) craint une «augmentation des cas» des maladies comme la dengue et autres arboviroses en France métropolitaine, à l’occasion des Jeux olympiques et d’autres grands évènements sportifs. Les grands rassemblements, brassant des populations venant du monde entier, «renforcent les risques de survenue de foyers de dengue, Zika et chikungunya», indique le Covars.

Dans un avis de 60 pages publié mercredi 5 avril 2023 sur «les risques sanitaires de la dengue et autres arboviroses» (transmis par un vecteur arthropode (moustique, moucheron piqueur, tique) à des hôtes vertébrés), l’ex-conseil scientifique rappelle que si les territoires tropicaux français sont confrontés à ces virus de manière récurrente, la France hexagonale enregistre un nombre croissant de cas autochtones. En cause, le changement climatique qui «favorise probablement l’expansion des vecteurs», autrement dit celle des moustiques-tigres. La hausse des températures permet notamment une «meilleure survie des femelles (…) un accroissement des populations de moustique et un développement plus rapide des agents infectieux dans leur corps», note le Covars.

Ainsi, depuis 2010, le nombre de départements métropolitains colonisés par les moustiques vecteurs a été multiplié par 10, passant de 6 en 2010 à 70 en 2022. Du 1er mai au 9 décembre 2022, Santé publique France a identifié 272 cas importés de dengue –255 diagnostiqués dans des départements avec implantation documentée d’Aedes albopictus, le célèbre moustique tigre–, 22 cas importés de chikungunya, 3 cas de zika.

Surveiller, anticiper

Pour le Covars, si la France a un système de surveillance, de détection, de gestion de la dengue, Zika et chikungunya relativement performant, il reste perfectible en particulier en France hexagonale. Depuis 2019, «il n’existe plus de plan de gestion du risque avec des niveaux de risques établis comme c’était le cas pour l’ancien plan anti-dissémination du chikungunya et de la dengue en métropole, désormais abrogé». Ce plan, piloté par la DGS, prévoyait le renforcement de la surveillance afin de : 

a) prévenir et évaluer les risques de dissémination;
b) renforcer la lutte contre les vecteurs;
c) informer et mobiliser la population et les professionnels de santé;
d) développer la recherche et les connaissances.

Il convient donc aujourd’hui d’anticiper l’émergence sur l’ensemble du territoire français de nouveaux foyers ou épidémies, prévient le conseil, qui promeut «une synergie de mesures et dans une approche holistique de la gestion de ces risques sanitaires en impliquant fortement les populations qui jouent un rôle essentiel dans la lutte contre ces infections». Outre le fait d’intégrer les trois maladies (dengue, Zika, Chikungunya) dans le plan national de préparation des pandémies, le Covars souhaite une meilleure coordination entre régions et la réalisation de simulations en taille réelle, notamment d’un plan Orsec Dengue en France hexagonale.

Pour mieux observer, le Covars recommande d’ouvrir à l’ensemble de la population en métropole et dans les territoires ultramarins le site Web “signalement moustique” de l’ANSES/DGS, d’améliorer l’application SI-LAV (Système d’Information pour la prévention des maladies vectorielle ou encore de créer un service de SPF dédié à la surveillance internationale des maladies vectorielles.

Soigner, chercher…

Pour les soignants, le Covars estime qu’il faut renforcer en particulier en métropole, la formation continue et l’information-communication à destination des professionnels de santé, informer sur la prise en charge diagnostique et clinique et renforcer la prise en charge des personnes à risque de formes graves (drépanocytose, femmes enceintes) ainsi que le niveau d’information, de sensibilisation à la prévention de ces personnes à risque. Élaborer une stratégie vaccinale et mobiliser la population sont également suggérés.

Si la France a une tradition de recherche sur ces pathologies arbovirales, le Covars demande de renforcer les moyens dédiés à la recherche en arbovirologie et contrôle vectoriel, et de soutenir les grands domaines complémentaires de la recherche dans une démarche intégrée One Health (interventions non-pharmaceutiques de lutte antivectorielle alternatives aux insecticides, engagement des populations).

Cet avis fait suite à une saisine des ministres de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau, et de la Santé et de la Prévention, François Braun, inquiets de la résurgence de la poliomyélite, de la diffusion de la dengue, de l’émergence du virus Nipah… Lors de la conférence de presse de présentation, Brigitte Autran, présidente du Covars, a prévenu: «On n’est pas dans un scénario catastrophe mais on doit prendre le risque au sérieux par des campagnes de prévention ou une meilleure organisation des acteurs».