Le «patient de Berlin» difficilement reproductible

L’«éradication» de l’infection chez le patient de Berlin a poussé d’autres équipes à tenter de reproduire le résultat, sans grand succès pour l’instant.

Le Patient de Berlin pour rappel, est ce patient VIH+ dont une leucémie a nécessité en 2007 la réalisation d’une greffe de moelle… et pour lequel a été utilisé un greffon provenant d’une personne porteuse de la mutation «protectrice» delta32 du corécepteur CCR5 du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. Les personnes porteuses de cette mutation (moins de 1% de la population à l’échelle mondiale) sont sensés être naturellement protégées contre la plupart des souches de VIH, qui utilisent le récepteur CCR5 pour pénétrer dans les cellules-cibles. Un coup de poker : des cellules-réservoirs auraient pu ne pas être éliminées par la greffe; et les lymphocytes T CD4+ «résistants» issus du greffon auraient pu être infectées par un variant viral utilisant un autre co-récepteur, CXCR4. Mais ce hasard chanceux a permis «l’éradication» de l’infection chez le patient de Berlin : pas une solution de masse, mais un symbole éclatant du «c’est possible».

Depuis, d’autres équipes ont tenté de reproduire ce résultat, en utilisant un greffon porteur de cette même mutation delta32 chez des patients VIH+ porteurs d’une maladie hématologique. Une équipe de Barcelone a rapporté cette semaine le cas d’un patient ayant bénéficié d’une greffe de moelle «CCR5 delta32» pour un lymphome; il a pu être observé une disparition complète et très encourageante des réservoirs viraux après la greffe… mais le patient est décédé 3 mois après la greffe d’une rechute de son lymphome, avant que l’équipe ait le temps d’interrompre le traitement antirétroviral.

Une équipe d’Essen (Allemagne) a par ailleurs rapporté cette semaine le cas d’un patient ayant reçu pour un lymphome une greffe de moelle osseuse utilisant un greffon «CCR5 delta32»; 20 jours après la greffe, la charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. VIH sanguine est redevenue détectable, du fait de l’émergence d’une souche utilisant un le co-récepteur alternatif, CXCR4. L’analyse rétrospective de prélèvements réalisés avant la greffe a montré que les réservoirs abritaient une souche très minoritaire (moins de 5% des souches « archivées » dans les réservoirs) capable d’utiliser CXCR4 … et qui est devenu la souche principale après la greffe.

Ces deux cas, présentés en poster à la CROI 2015, illustrent que la solution extrême combinant destruction des réservoirs et greffe d’un nouveau système immunitaire delta32 reste plus une source de réflexion qu’une perspective thérapeutique généralisable.

La CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. sur le web