Clinique — Coinfections par les virus des hépatites et le VIH

Indiscutablement, la conférence de l’IAS est peu portée sur les coinfections et les atteintes hépatiques. Sans doute les aspects cliniques et thérapeutiques de ces comorbidités s’inscrivent-ils mieux dans d’autres conférences, à l’instar de la CROI ou de l’AASLD. Il y eu néanmoins en terre mexicaine quelques informations tangibles sur les rapports entre virus hépatotropes, VIH et foie. De Paris, revue de détail forcément partiale et partielle.

Cet article a été publié dans Transcriptases n°138

Une comparaison des interférons

Les personnes atteintes mais plus encore les laboratoires concernés s’intéressent à la question de l’efficacité comparative des deux interférons pégylés (alpha 2a et alpha 2b). Une vaste étude internationale est en cours pour comparer précisément ces deux interférons dans le cas de la monoinfection VHC. La conférence de Mexico montre que les Espagnols se sont d’ores et déjà positionnés sur cette comparaison chez le coinfecté, notamment avec les études Presco et Extent, deux essais qui utilisent précisément les deux types d’interféron, soit Pégasys® (n = 138), soit PegIntron® (n = 80)1Vispo E. et al., « Distinct hepatitis C virus kinetics in HIV-infected patients treated with ribavirin plus either pegylated interferon alfa-2a or alfa-2b », THAB0206.

Les conclusions valent surtout à titre de curiosité. Malgré un effectif modeste mais en analyse multivariée, le traitement par Pégasys apparaît supérieur au traitement par PegIntron sur la réponse virologique évaluée à 24 semaines (OR = 2,12 ; P = 0,04). Ce qui fait dire aux auteurs que «l’efficacité antivirale intrinsèque est plus élevée pour l’interféron pégylé alpha 2a que pour l’interféron pégylé alpha 2b chez les patients par ailleurs porteurs du VIH». On peut arguer qu’il s’agit d’une étude rétrospective dont le design n’a pas été construit pour comparer les deux types d’interféron, que les données sont regroupées à partir de deux études aux effectifs somme toute modestes et sur des populations différentes et que, plus encore, il s’agit seulement de la réponse à la semaine 24, alors que l’objectif thérapeutique est clairement la réponse virologique soutenue (SVR), six mois après l’arrêt du traitement donc. Gageons que ces auteurs de Madrid présenteront sous peu, peut-être à la CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. les résultats en termes de SVR. La présentatrice de cette communication, E. Vispo, s’y est d’ailleurs engagée.

Risques cardio-vasculaires

C’est une thématique à la fois très «mode» et un objet de controverse : quelle est l’augmentation du risque cardiovasculaire – et notamment du risque d’atteinte coronarienne – chez les patients séropositifs pour le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. sous HAART ? Thématique tout récemment réactualisée par les données de la MACS publiées dans AIDS le 20 août2Kingsley LA. Et al., « Subclinical coronary atherosclerosis, HIV infection and antiretroviral therapy : Multicenter AIDS Cohort Study », AIDS, 2008, 22, 13, 1589-99.

Plus novatrice encore est la question de savoir si la coinfection VIH/VHC augmente le risque d’atteinte myocardite et d’accident vasculaire cérébral. Question clairement posée en communication orale par R. Benimo3Bedimo R. et al., « HCV co-infection and risk of acute myocardial and cerebrovascular disease among HIV-infected patients in the pre-HAART and HAART eras », THAB0205 (University of Alabama), qui analysait les données du registre de l’administration des vétérans américains incluant plus de 20 000 patients séropositifs pour le VIH, dont un tiers sont coinfectés par le VHC. L’objectif de l’étude était de comparer les facteurs de risques et la fréquence d’infarctus du myocarde et d’accidents vasculaires cérébraux dans les populations coinfectées versus monoinfectées et dans l’ère pré-HAART (1980 à 1995) et à l’ère des HAART.

18% des patients coinfectés ont un taux de cholestérol élevé, comparés à 27% des patients avec une monoinfection VIH ; 55% des patients coinfectés ont des triglycérides au dessus du taux limite comparés à 60% chez les patients monoinfectés.

Dans la période pré-HAART, le fait d’être coinfecté VIH/VHC est associé à une augmentation du risque d’accident cardiovasculaire de 40% ; dans l’ère des HAART, il n’y a pas de différence significative dans le risque d’infarctus du myocarde entre coinfectés et monoinfectés. En revanche, il subsiste une différence de 20% sous HAART quant au risque d’accident vasculaire cérébral. Cette étude assez conséquente permet aux auteurs de conclure que la coinfection VIH/VHC est associée à une augmentation significative du risque d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébrale dans la période pré-HAART, et que cet effet diminue dans l’ère des HAART pour l’infarctus du myocarde mais pas pour les accidents vasculaires cérébraux. Sans pour autant avancer d’explications physiopathologiques.

Valeur prédictive de la décroissance virale

C’est un sujet en pleine progression dans la monoinfection VHC. Il est d’ailleurs probable qu’à terme, l’infection VIH rejoigne le VHC sur cette question : quid de la cinétique précoce de décroissance virale sous traitement antiviral et quelles valeurs prédictives de celles-ci ?
Dans le cas de l’infection à VHC puis dans la coinfection VIH/VHC, on s’était habitué à considérer comme prédictif la baisse de la charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. VHC à la semaine 12 puis à la semaine 4. Aujourd’hui, dans la monoinfection comme dans la coinfection, se pose la question de la réponse à 24 heures et de sa valeur prédictive. Ce sont en tout cas les conclusions de l’étude pilote argentine présentée par N. Laufer4Laufer N. et al., « HCV kinetic during the first 24 hours of treatment and its relationship with RVR/EVR in HCV/HIV coinfected patients », WEPDB204 concernant 11 patients coinfectés VIH/VHC chez lesquels une évaluation de la charge virale a été effectuée à 24 heures, à 4 et à 12 semaines. A 24 heures précisément, le niveau médian d’ARN du VHC était de 85 000 UI/ml par rapport à la valeur à l’inclusion de 661 000 UI/ml.

Même s’il s’agit d’un faible effectif, cette étude montre que la charge virale avait diminué de 98,7% à 24 heures chez les patients qui avaient une réponse virologique à la semaine 4 et chez 85,4% des patients qui avaient une réponse virologique à la semaine 12 par comparaison avec ceux qui n’avaient pas atteint cet objectif virologique et pour lesquels la réduction initiale de la charge virale précoce n’était que de 51,3%.

Une conclusion suffisante pour que cette communication orale fixe à 85% de décroissance l’objectif de la baisse de la charge virale à 24 heures chez les patients coinfectés. Données intéressantes, surtout pour les personnes atteintes ne supportant pas le traitement, qui mériteraient d’être confirmées sur de plus grands effectifs.

Suivi de la réponse virologique soutenue

Une confirmation est venue une fois de plus d’une équipe madrilène pilotée par P. Barreiro5P Barreiro P. et al., « HCV relapses upon completion of peg-interferon plus ribavirin in HIV-infected patients : rate, timing and predictors », THAB0202 : 24 semaines de suivi sont suffisantes pour garantir et confirmer la réponse virologique soutenue (SVR). Là aussi, il s’agit d’une étude rétrospective mais avec un effectif relativement important : 361 patients VIH+ contre 243 VIH- tous infectés par les VHC et traités par l’association peg-interféron + ribavirine. La question était de savoir s’il y avait un temps particulier où les coinfectés rechutent aux traitements anti-VHC.

Sur un effectif de 41 patients coinfectés ayant rechuté, 20 (74,8%) ont rechuté entre la fin du traitement et la semaine 12, 19 (46,3%) entre la semaine 12 et la semaine 24, et 2 (4,9%) après la période de suivi de 24 semaines. Dans cette étude, il n’y a pas de différence significative entre monoinfectés et coinfectés sur le temps de rechute, ce que semble contredire la pratique. A noter que le taux de rechute ne dépend pas du statut VIH. C’est probablement des études prospectives centrées sur ce type de question et utilisant tous les marqueurs prédictifs de réponses virologiques soutenues que viendra une réponse définitive.

Transmission mère-enfant

Une conférence portée sur les questions Nord/Sud telle que l’IAS ne saurait faire l’impasse sur les risques de transmission materno-foetale des virus VIH et VHC. Mais cette fois-ci, la nouveauté est venue de l’Est avec la communication d’I. Simonova6Simonova I. et al., « HIV/HCV coinfection : study of mother-to-infant transmission of HIV and HCV », WEPE0176, du Centre de lutte contre le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. de Moscou, portant sur 1887 femmes enceintes VIH+ dont 812 (43% !) étaient aussi coinfectées par le virus de l’hépatite C. Les taux de transmission nous rapprochent des pays du Sud avec 70 femmes VIH+ (7,3%) qui ont transmis le VIH à leur enfant et 89 coinfectées VIH/VHC qui ont transmis ce même VIH à leur enfant (11%). Chez les coinfectées, le taux de transmission du VHC était de 9,2% (75) et 33 enfants (4%) étaient infectés à la fois par le VIH et le VHC maternels. Les auteurs confirment, sur un gros effectif, que la coinfection VIH/VHC augmenterait non seulement le risque de contamination par le VHC mais aussi le risque de transmission materno-foetale du VIH. Ils montrent aussi que, dans le suivi de ces enfants, la clairance des anticorps anti-VHC d’origine maternelle est plus rapide que celle des anticorps anti-VIH (12 mois versus 18 mois).

Hépatites B occultes

Une des questions émergentes pour les années à venir dans le cadre de la coinfection VIH/VHB sera probablement celle des hépatites B occultes. La définition retenue par l’équipe de L. Taylor7Taylor L. et al., « Occult hepatitis B virus (HBV) and hepatitis C virus (HCV) viremia in women with and at-risk for HIV/AIDS », THAB0204 (Etats-Unis) est celle d’une charge virale B positive en l’absence d’antigènes Hbs dans le cas d’une infection à VIH chronique. En fait, les auteurs ont étudié rétrospectivement les données de 549 femmes VIH positives et 296 femmes à risque VIH négatives (entre 1993 et 2000). L’intérêt manifeste de cette étude est de pouvoir comparer la prévalence de l’hépatite B occulte, plus importante chez les femmes VIH+ (4,7%) que chez les femmes VIH négatives. Les femmes qui ont une hépatite B occulte ont le plus souvent une histoire d’injection de drogues ou de consommation excessive d’alcool dans le passé, sont plus souvent porteuses du VHC et ont tendance à avoir des CD4 plus bas que les femmes VIH+ n’ayant pas d’hépatite B occulte (205 versus 326 cellules/mm3) ainsi qu’une charge virale plus élevée (36 725 versus 4 480 copies/ml). Par ailleurs, les auteurs ont recherché l’hépatite C occulte (anticorps négatifs, PCR+), qui est rare (autour de 0,12%).