VESPA 2023 : de nouvelles données sur les personnes vivant avec le VIH en France

Très attendues, les premières informations de l’enquête VESPA 3 menée sur le terrain hospitalier en 2023 ont été présentées par Bruno Spire (SESSTIM, Marseille) à l’occasion du congrès 2025 de la SFLS.

En 2023, l’enquête  VESPA a été menée pour la 3ème fois, après 2003 et 2011. Comme les précédentes, elle décrit la situation des personnes vivant avec le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. (PVVIH) dans de multiples dimensions de leur vie avec la maladie. C’est une étude représentative auprès d’un échantillon aléatoire de patients —autour de 3000— par entretien en face à face d’environ une heure posé par un enquêteur/une enquêtrice, à l’occasion d’une consultation ou d’une venue en hôpital de jour. Les données d’entretien sont complétées par quelques éléments clés du dossier médical depuis le diagnostic. Cette fois, une étude qualitative est conduite en complément de l’enquête par questionnaire.  

Les objectifs de cette édition 2023 ont une part commune avec les précédentes pour mesurer de façon comparative les évolutions et explorent aussi les impacts des innovations introduites au fil du temps dans le domaine des traitements, des modes de prise en charge mais aussi des changements du contexte social. La présentation porte sur l’enquête dans l’Hexagone; VESPA étant encore en cours dans les départements d’outre-mer.

Les hypothèses scientifiques  autour desquelles est conçue cette édition 2023 sont énoncées de la façon suivante : 

  • Les déterminants socio-démographiques influencent le niveau de littératie, le rapport aux soins, le vécu de la maladie, la santé mentale, la sexualité;
  • Le système de santé a une influence sur le rapport aux soins et l’impact des comorbidités;
  •  Le poids et la place respective des comorbidités ont un impact négatif plus élevé sur la santé mentale, la relation au système de soin, aux conditions de vie et à la qualité de vie;
  • Rôle de l’âge et de la génération: Découvrir sa séropositivité dans les années 1980, 1990, 2000 ou 2010, n’a pas les mêmes conséquences, et n’amène pas les mêmes formes d’adaptation à la vie avec le VIH;
  • Stigma et discrimination: on s’attend à une diminution de la discrimination liée au VIH ainsi que la reconnaissance d’autres faisceaux de discrimination (genre, classe, origine, âge, etc.).

Mieux connaître les PVVIHPVVIH Personne vivant avec le VIH et l’épidémie

Les données présentées ont comparé les principaux indicateurs aux trois temps de l’étude. S’agissant à chaque fois d’une coupe transversale, l’évolution des indicateurs   traduit la dynamique de l’épidémie et le poids des différents groupes atteints au fil des tendances de l’incidence, rend compte l’efficacité des  traitements avec leur impact sur la qualité de vie, et reflète aussi les changements sociaux plus larges. 

Ainsi, dans la population des PVVIH, les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.  restent le groupe le plus nombreux (43%) et leur part augmente par rapport aux enquêtes antérieures. Les usagers de drogues comptent pour 8% contre un peu moins de 20% en 2003. La proportion de personnes nées en Afrique subsaharienne est quasiment stable en 2023 par rapport à 2011.

Évolution des groupes socio-épidémiologiques dans la population séropositive de 2003à 2023, VESPA 3, Bruno Spire, SFLS 2025

La part des «autres», qui regroupent des catégories hétérogènes a un peu baissé après 2003 et reste quasi stable ensuite: il s’agit de personnes infectées par rapports hétérosexuels nées en France et à l’étranger hors Afrique subsaharienne, de personnes infectées par produits sanguins, d’autres situations plus ou moins bien caractérisées.   

L’ancienneté du diagnostic la plus longue est celle des hommes et femmes usagers et usagères de drogue (34 ans chez les hommes et chez les femmes). Les cas les plus récents se retrouvent chez les HSH migrants (13 ans), les hommes nés en Afrique subsaharienne (14 ans) puis les femmes africaines (15 ans). Les HSH nés en France ont entre 10 et 29 ans d’ancienneté, avec une médiane de 19 ans.

Ces chiffres rappellent que beaucoup des PVVIH d’aujourd’hui ont connu, depuis leur diagnostic et leur prise en soin, différentes approches thérapeutiques: l’époque du traitement débuté très tard dans la détérioration de l’immunité, puis de plus en plus tôt jusqu’au démarrage du traitement dès le diagnostic quel que soit le niveau des CD4 seulement à partir de 2014, aussi le temps des traitements difficiles à suivre avec des effets adverses pénalisants et plus récemment des traitements plus simples, plus performants mieux tolérés et pour certains des allégements.

Population globale par âge, VESPA 3, Bruno Spire, SFLS 2025

Ces âges et durées depuis le diagnostic reflètent la dynamique de l’épidémie: les plus âgés se trouvent chez les UDI (61 ans d’âge médian chez les hommes et chez les femmes), alors que les plus jeunes sont les  HSH nés en France (47ans) et les femmes d’Afrique subsaharienne (46 ans). À noter,  l’âge plus élevé de 10 ans des HSH immigrés par rapport aux HSH nés en France et aux hommes hétérosexuels africains (53 ans).

Cette composition de la population se traduit globalement sur le plan social par une part minoritaire de diplômés du supérieur (45%). En 2023, 21% sont à la retraite, parmi les moins de 60 ans, le taux d’emploi atteint 69% soit près de 20 points de plus qu’en 2011, où le taux était resté proche de celui de 2003. Les taux de chômage et d’invalidité baissent. La part des personnes sans logement  personnel est proche de 10% et la part des propriétaires a augmenté de 10% par rapport à 2003. Quant à la situation financière,  la part des plus en difficultés baisse de plus de 10 points, celle des personnes se sentant «juste» financièrement augmente de près de 13 points et la part des personnes à l’aise baisse depuis 2003 (un peu plus d’un tiers en 2023).  

L’amélioration est sensible sur le plan médical: 75% ds PVVIH ont plus de 500 CD4 soit plus de 15 points de plus qu’en 2011, et 92% de celles-ci ont une charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. indétectable (au sens ici du critère de la technique utilisée par le laboratoire) contre 88,5% en 2011 (au seuil de 50 copies/ml). Parmi les plus de 55 ans, sur les 7 comorbidités  explorées (pathologie cardiovasculaire, hypertension artérielle, maladie rénale chronique, diabète, hépatite B chronique, antécédent d’hépatite C, cancer), la médiane est de une comorbidité mais 2 chez les UDI. 

Charge virale au dernier bilan connu (population globale, 2023, VESPA 3, Bruno Spire, SFLS 2025.

Concernant les liens  sociaux, environ 4 personnes sur 10 vivent seules et le sentiment de solitude concerne un peu plus de la moitié des participants. Plus du quart d’entre eux se sont sentis rejetés à cause de leur séropositivité et seulement un tiers ont des parents informés de leur séropositivité. Les discriminations  de la part de professionnels de santé dans les deux ans précédant l’enquête,  se chiffrent à un peu plus de 7% de la part des dentistes et de 2,4% de la part de soignants exerçant à l’hôpital ou en ville.

Ces toute premières informations donnent à voir les épreuves traversées par les personnes diagnostiquées séropositives : la moitié d’entre elles le sont depuis 20 ans ou plus, et, pour une sur quatre, depuis 30 ans ou davantage. Cette présentation est l’occasion de se réjouir d’améliorations significatives dans certains domaines, et de regretter leur absence dans d’autres. Dans tous les cas, ces premiers résultats ne font que renforcer notre impatience de découvrir les prochaines analyses.