Identifier les facteurs associés au succès thérapeutique chez les femmes trans vivant avec le VIH

Dans une nouvelle enquête de l’ANRS-MIE, la précarité et le mégenrage administratif des femmes trans sont des facteurs importants de l’échec thérapeutique face au VIH.

Le niveau et les facteurs associés au succès ou l’échec virologique du traitement des femmes trans séropositives au VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. en France sont publiés dans AIDS. Ces résultats sont issus de l’enquête ANRS Trans&VIH réalisée en 2020-22 dans 36 services hospitaliers ayant au moins une femme trans séropositive dans leur file active. Cette enquête exhaustive permet de rendre compte de façon précise de la situation des femmes trans, trop peu nombreuses pour que les études généralistes soient suffisamment représentatives.

Parmi les 777 femmes dénombrées, 628 ont pu être sollicitées et 506 sont incluses dans l’étude. Elles sont souvent étrangères (86%) et dans une grande précarité sociale : un peu moins d’un tiers sans titre de séjour, près des deux tiers exercent le travail sexuel, un tiers sans logement stable, un tiers a recours à l’aide alimentaire lors de l’enquête. Seulement 5,1% n’ont pas de couverture maladie, 7 sur 10 sont affiliées au régime de base de l’assurance maladie et un quart environ via l’aide médicale de l’État (AME). Sur le plan des liens affectifs et sociaux, six sur 10 n’ont pas de partenaire stable, une sur cinq a subi des violences physiques dans l’année écoulée mais 8 sur 10 déclarent avoir quelqu’un sur qui compter. À la date de l’enquête, seulement une sur 4 a au moins un document administratif conforme à son identité de genre féminine alors que 38% sont sous hormonothérapie et que 89% ont eu une chirurgie féminisante.

Prise en charge du VIH et situation thérapeutique

En ce qui concerne les résultats thérapeutiques, l’étude porte sur 486 des 506 femmes qui étaient sous traitement ARV depuis au moins un an. Quatre-vingt pour cent de ces femmes sont traitées pour leur infection VIH depuis 5 ans et plus et 56% d’entre elles le sont depuis plus de 10 ans. La charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. est au-dessous de 50 copies/ml pour 88% et pour 94% en dessous de 200 copies.

En analyse univariée, l’échec thérapeutique est associé, outre à la moindre ancienneté du traitement et au nadirNadir Chiffre indiquant la valeur minimale enregistrée de la charge virale ou des CD4. des CD4 avant le traitement, à l’absence de titre de séjour, à l’absence de logement stable, au travail informel, à l’absence de toute couverture maladie et au fait de ne pas avoir de document officiel conforme à son identité de genre. Sont également associées la déclaration d’une observanceObservance L’observance thérapeutique correspond au strict respect des prescriptions et des recommandations formulées par le médecin prescripteur tout au long d’un traitement, essentiel dans le cas du traitement anti-vih. (On parle aussi d'adhésion ou d'adhérence.) moyenne ou mauvaise du traitement et une interruption d’au moins un mois de celui-ci. Parmi ces caractéristiques très fortement associées entre elles dans l’échec thérapeutique, sont significatifs le mégenrage administratif (d’un facteur 2) et l’absence totale de couverture maladie (d’un facteur 3).

Cette enquête, menée par une équipe expérimentée et grâce au soutien des associations communautaires qui portent le plaidoyer sur les droits des personnes trans, montre qu’il est possible de mener des recherches de grande qualité dans des populations minoritaires et de rendre compte de leur expérience dans le système de santé.

Ces résultats démontrent pour la première fois, parmi les femmes trans vivant avec le VIH, et pour nombreuses encore dans une grande précarité, que l’AME est un soutien majeur de l’efficacité médicale, ici du traitement antiretroviral. Ils montrent aussi les difficultés pour les personnes nées à l’étranger du changement de sexe sur les documents d’identité (carte de sécurité sociale, carte de séjour, passeport) et la nécessité de le faciliter (voir encadré).

Référence

Annequin M, Mora M, van Huizen R, Faye A, Fiorentino M, Protière C, Bourrelly M, Maradan G, Berenger C, Michard F, Yazdanpanah Y, Freire Maresca A, Rouveix E, Bahlan L, Costa M, Michels D, Blanquart L, Rincon G, Spire B; and the ANRS-Trans&HIV study group. Structural factors associated with viral suppression among transgender women living with HIV in France. AIDS. 2025 Sep 8. doi: 10.1097/QAD.0000000000004337. Epub ahead of print. PMID: 40919928.

La modification du sexe et du prénom sur le titre de séjour des personnes étrangères trans

La modification de la mention de son sexe sur les documents d’état civil et sur les documents administratifs pour les personnes étrangères reste très compliquée en France. Si tout dépend de ce que dit la loi du pays de nationalité en la matière, il est souvent impossible d’obtenir un tel changement. Et, lorsque c’est possible, cette modification peut entrainer des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes concernées. La démarche peut toutefois être initiée en France pour ce qui concerne les documents administratifs français : titres de séjour, carte vitale, diplômes français. Mais dans ce cas, l’état civil étranger n’étant pas modifié, les documents produits par le pays de nationalité — acte de naissance, passeport, carte d’identité— ne concorderont pas avec ceux obtenus en France. Cette situation peut conduire à des difficultés pratiques, pour voyager par exemple.

Un guide co-édité par Acceptess-T, le Giaps et le Gisti, expose les conditions et les différentes étapes des démarches à accomplir par toute personne étrangère trans souhaitant faire modifier la mention de son sexe sur leur titre de séjour en France, à défaut de pouvoir ou de vouloir le faire sur son acte d’état civil étranger. Il est disponible en PDF sur le site du Gisti, et peut aussi être commander en version papier.