Syphilis précoce : la benzathine pénicilline G (BPG) toujours en tête, la doxycycline mieux cadrée
Pour les syphilis évoluant depuis moins d’un an (primaire, secondaire, latente précoce), la benzathine pénicilline G (2,4 MUI en intramusculaire (IM) en une ou deux injections) reste le traitement de référence.
En cas d’allergie aux pénicillines ou d’impossibilité d’injection (troubles de la coagulation, anticoagulants), deux alternatives sont désormais clairement recommandées :
- Doxycycline 200 mg/j pendant 14 jours, en 1 à 2 prises,
- Ceftriaxone 1 g en intraveineuse (IV) pendant 10 jours en seconde intention.
L’azithromycine est déconseillée dans le contexte français en raison d’un taux élevé de résistance (>75 % des souches de Treponema pallidum).
Le patient atteint d’une syphilis doit bénéficier des conseils appropriés en matière de prévention de toutes les IST des violences sexuelles et de la grossesse, et se voir proposer, le cas échéant, une orientation facilitée vers des dispositifs tels que la PrEP VIH, les traitements post exposition, ou les centres d’orthogénie. On y ajoutera, lorsque c’est adapté, une proposition d’aide à la notification au partenaire.
Syphilis tardive : traitement prolongé, indications renforcées
Pour les syphilis latentes de plus d’un an ou d’ancienneté inconnue, ainsi que pour les rares formes tertiaires :
- Benzathine pénicilline G (BPG) 2,4 MUI en IM × 3, à J1, J8, J15,
- En alternative, doxycycline 200 mg/j pendant 28 jours.
Ces formes, plus lentes à évoluer, nécessitent des durées prolongées, que ce soit pour la pénicilline ou les alternatives orales.
Neurosyphilis, syphilis oculaire et otosyphilis : perfusions lourdes, alternatives limitées
Le traitement repose sur la benzylpénicilline G (pénicilline G) 20 MUI/j en IV pendant 10 à 14 jours, en perfusion continue ou fractionnée.
Le traitement par ceftriaxone peut être envisagé comme une alternative, ou bien un relais à la benzylpénicilline, notamment pour simplifier les modalités d’administration et favoriser le retour à domicile et la diminution de la durée d’hospitalisation (Grade C). La ceftriaxone doit être administrée dans cette indication par voie IV à la posologie de 2 g par jour pour une durée totale d’antibiothérapie de 10 à 14 jours.
En cas d’intolérance :
- Ceftriaxone 2 g/j en IV × 10–14 jours est une alternative,
- La doxycycline à haute dose (200 mg × 2/j pendant 28 jours) est citée comme option de dernier recours.
Toute allergie grave doit faire l’objet d’un avis allergologique avec éventuelle induction de tolérance.
En cas d’atteinte oculaire ou auditive, une consultation ophtalmologique ou ORL en urgence est obligatoire.
Syphilis tertiaire et cardiovasculaire : 3 injections de pénicilline ou un mois de doxycycline
Le traitement de la syphilis tertiaire et cardiovasculaire reste classique : benzathine pénicilline G (BPG) 2,4 MUI en IM, une fois par semaine pendant 3 semaines. Chez les patients porteurs de prothèses fessières, l’injection peut se faire dans les deltoïdes.
En cas d’indisponibilité de la BPG ou de contre-indication aux injections (troubles de la coagulation, anticoagulants), une alternative est possible : doxycycline 200 mg/j pendant 28 jours, en 1 ou 2 prises.
Si le ou la patiente est allergique aux pénicillines, une consultation allergologique est recommandée. Sans possibilité de désensibilisation, la doxycycline reste l’alternative de choix.
À noter : la procaïne pénicilline G, utilisée dans d’autres pays, n’est pas disponible en France.
Syphilis et grossesse : urgence thérapeutique, alternatives limitées
Chez la femme enceinte, le traitement ne change pas : benzylpénicilline G selon le stade de la maladie.
Mais en cas d’allergie, la HAS insiste sur la nécessité :
- d’une consultation allergologique rapide,
- d’une induction de tolérance si l’allergie est confirmée.
La doxycycline peut être envisagée au 1er trimestre si les alternatives sont impossibles, mais elle ne permet pas de prévenir la syphilis congénitale. Dans ce cas, le nouveau-né devra être traité par BPG IV à la naissance.
Syphilis congénitale : traitement systémique obligatoire
La syphilis congénitale, précoce ou tardive, doit être traitée par benzylpénicilline G en intraveineuse pendant 10 à 14 jours, à la dose de 150 000 UI/kg/j, en perfusion continue ou discontinue.
Une alternative par voie intramusculaire n’est possible que si le liquide cérébrospinal est normal, mais elle est plus douloureuse et peu utilisée.
Prise en charge des partenaires : clarification des délais et stratégies
La HAS recommande :
Stade du cas index | Délais de partenaires à notifier |
---|---|
Syphilis primaire | 3 mois + durée des symptômes |
Syphilis secondaire | 6 à 24 mois |
Latente précoce | 1 à 2 ans |
Deux options selon la date du rapport :
- < 3 mois : traitement préventif immédiat ou suivi clinique et sérologique rapproché (J0, S6, M3, M6),
- 3 mois : surveillance sérologique seule.
Les femmes enceintes exposées doivent toujours être traitées, sans attendre la confirmation sérologique.
Mesures associées : réaction de Jarisch-Herxheimer, douleur, tolérance
- Une réaction fébrile est fréquente dans les syphilis précoces (fièvre, courbatures, malaise) ; elle doit être traitée avec du paracétamol, et on peut parfois la prévenir à l’aide de corticoïdes.
- Pour prévenir la douleur à l’injection, la BPG peut être diluée avec de la lidocaïne 1 % afin d’en réduire l’intensité.
- La HAS conseille de surveiller les patients pendant 30 minutes après l’injection.
Suivi biologique : TNT et réinfection
La HAS recommande de procéder à un test non tréponémique (test VDRL ou RPR) à M3, M6, M12. Non spécifique au tréponème mais relativement sensible, ce test sérologique détecte les anticorps tréponémaux non spécifiques et permet d’affirmer le caractère actif de la maladie.
- L’objectif est de diviser par 4 le TNT à 6 et 12 mois (ex. VDRL de 32 → 8).
- Si le TNT reste ≥ 8, discuter un retraitement ou une ponction lombaire.
Une réinfection est définie par une augmentation du TNT d’un facteur ≥ 4.
À retenir pour la pratique
Forme | Traitement de 1ère intention |
---|---|
Syphilis précoce | BPG 2,4 MUI × 1 |
Syphilis tardive | BPG 2,4 MUI × 3 (J1, J8, J15) |
Neurosyphilis / oculaire / otosyphilis | Pénicilline G 20 MUI/j IV × 10–14 j |
Femme enceinte | BPG, urgence ++ |
Alternatives (allergie ou CI IM) | Doxycycline ou ceftriaxone selon situation |
Ces recommandations 2025 réaffirment la primauté de la pénicilline dans le traitement de la syphilis, tout en intégrant des alternatives claires et graduées selon les contre-indications. Elles insistent sur l’urgence thérapeutique chez la femme enceinte, sur la vigilance à l’égard des formes neurologiques et sur l’importance d’un suivi biologique structuré.
Plus largement, elles replacent la prise en charge de la syphilis dans une approche globale de santé sexuelle : dépistage régulier, accompagnement à la notification, lien avec les dispositifs de prévention comme la PrEP ou les centres IVG.