Ce que l’on peut dire de la pandémie aujourd’hui, c’est que l’incidence baisse de façon importante, que la prévalence n’est pas encore totalement stabilisée, et qu’il y a des objectifs qui n’ont pas été atteints malgré les moyens déployés jusqu’à aujourd’hui : près de 25% des personnes vivant avec le VIH ne sont pas encore sous traitement, contrairement à l’objectif 2025 de 90%, le nombre de cas de sida ne baisse pas assez vite et l’on n’atteindra pas l’objectif 2025 concernant la mortalité liée au sida. Enfin, l’incidence reste trop élevée, avec un passage très au-dessus de l’objectif de 2025 (moins de 370 000 nouveaux cas)… alors que l’on sera probablement proche de 1 million de nouvelles transmissions au cours de cette année.
L’épidémie en Amérique du Sud repart à la hausse, et elle reste également à la hausse au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Europe de l’Est. Dans les pays où l’incidence baisse, elle peut néanmoins rester très élevée dans certains groupes de population: dans les essais de prévention réalisés dans les années 2010 à 2018 avec un bras placebo le taux d’incidence est de l’ordre de 5% par an, soit un risque pour l’ensemble de la vie de l’ordre de 20% chez les jeunes femmes participantes. (Beyrer et al. Lancet HIV 2024)!
L’accès fragile et inégalitaire à la PrEP
Côté prévention, la PrEP est de plus en plus utilisée, mais il faut savoir que 90 % de la PrEP dans le monde est financée par le PEPFAR, le programme américain menacé par les coupes annoncées par le président Trump. Dans les pays les plus avancés concernant la PrEP, et où l’incidence est la plus élevée, il y a actuellement 1,5 infection pour une personne sous PrEP. Dans les pays beaucoup moins avancés sur l’utilisation de la PrEP, ce chiffre est beaucoup plus élevé: en Europe de l’Est, il y a 42 infections incidentes pour une personne sous PrEP.
La PrEP est très rentable dans les populations dans lesquelles l’incidence est très élevée, mais dès que l’on s’éloigne un peu de cette situation, le nombre de personnes à traiter pour éviter un cas devient très important et difficilement soutenable financièrement avec les outils actuels, si l’on veut avoir une couverture universelle.
Par ailleurs, l’accès à la PrEP reste très inégalitaire, comme on peut le voir aux États-Unis où la population HSH blanche s’est très bien saisie de l’outil, alors que la population HSH noire l’utilise très peu, avec en parallèle une diminution de l’incidence très nette chez les premiers, alors qu’elle stagne au même niveau depuis plusieurs années chez les seconds.

L’importance du PEPFAR
Chris Beyrer a également montré tous les bénéfices du financement du programme PEPFAR depuis sa création, avec 25 millions de vies sauvées, plus de 20 millions de personnes sous traitement, 5,5 millions d’infections néonatales évitées.
Ainsi que tous les effets néfastes qui allaient survenir avec son arrêt, même si celui-ci était transitoire: les dégâts sont déjà énormes après seulement un mois et demi d’interruption. (Lire à ce sujet notre article: Impact clinique et économique des réductions de financement du PEPFAR en Afrique du Sud: une analyse par modélisation)
L’arrêt des programmes ciblant les travailleuses du sexe risque notamment d’avoir un impact majeur sur l’incidence des dix années à venir.

Cet article a été précédemment publié sur le site du COREVIH Bretagne à l’occasion de la CROI 2025. Nous le reproduisons ici avec l’aimable autorisation de l’auteur.