Pour présenter ces dernières données concernant l’épidémie de VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. en France, les chercheuses et les chercheurs de Santé publique France ont choisi de montrer l’évolution des chiffres depuis 2012, et de mettre en avant les changements intervenus sur la période 2021-2023, soit après la crise sanitaire de 2020.
Les découvertes de séropositivité en 2023
C’est la déclaration obligatoire du VIHDéclaration obligatoire du VIH En France, le dispositif des maladies à déclaration obligatoire demande aux médecins de déclarer les cas de certaines maladies diagnostiquées chez leurs patients. Cet outil majeur de surveillance épidémiologique doit permettre aux pouvoirs publics de lutter, dans l’urgence si nécessaire, contre ces maladies mais aussi de disposer d'informations sur les épidémies surveillées. En 2024, 38 maladies sont à déclaration obligatoire et parmi elles, 36 sont des maladies infectieuses. et du sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. qui permet de connaître le nombre de diagnostics positifs effectués en 2023. Après une chute en 2021, on constate une augmentation de 12% du nombre de découvertes de séropositivité sur la période post CovidCovid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. avec près de 5500 cas en 2023 (80 découvertes pour 1 000 000 d’habitants). Si on veut considérer le nombre total de personnes qui constituent ce qu’on appelle les nouveaux diagnostics VIH entrant dans le système de santé, il faut ajouter à ce premier chiffre le nombre de personnes qui connaissaient déjà leur séropositivité avant leur arrivée en France et qui ont pu entrer dans le soin à leur arrivée, soit environ 900 personnes.
Sur la période 2021-2023, les seules tendances significatives sont une augmentation chez les femmes hétérosexuelles et les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) nés à l’étranger. L’augmentation chez les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. nés à l’étranger n’est pas cantonnée à cette période, elle était aussi observée dans les années précédant l’épisode Covid.
Parallèlement, le nombre de découvertes chez les HSH nés en France a fortement diminué depuis 2012.
Concernant les diagnostics chez les personnes nées à l’étranger, hétérosexuelles ou HSH, la chute constatée en 2020, qui est suivie d’une réaugmentation entre 2021 et 2023, est surtout marquée chez les personnes diagnostiquées moins d’un an après leur arrivée en France. Cette réaugmentation est plus marquée pour les personnes originaires d’Afrique subsaharienne, que ce soit chez les femmes ou chez les hommes. On note également une augmentation chez les hommes nés en Afrique du Nord, notamment en Algérie et en Tunisie. Plus de la moitié des découvertes de séropositivité en 2023 concernent des personnes nées à l’étranger, soulignant ainsi l’importance de garantir un accès au dépistage, et au dépistage répété à ces personnes. Il faut aussi que les personnes migrantes ou exilées aient accès à la prévention, dont la PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. et à une prise en charge rapide, pour leur bénéfice et pour l’effet préventif du traitement (À ce sujet, voir notre article: Calcul de l’incidence du VIH : mieux connaître l’épidémie en France).
Concernant l’âge, on constate peu d’évolution dans la répartition des diagnostics et les derniers chiffres confirment l’évolution observée depuis 2012, soit un vieillissement des HSH nouvellement diagnostiqués en France, avec une part des plus de 50 ans qui augmente régulièrement. Une évolution plus récente néanmoins : l’augmentation significative des diagnostics chez les femmes cis hétérosexuelles de moins de 25 ans nées à l’étranger.
Stade de la découverte
Concernant les découvertes de séropositivité selon le stade au diagnostic, les diagnostics précoces sont stables et les diagnostics au stade sida sont en diminution depuis 2020. Les diagnostics tardifs sont plus fréquents chez les hétérosexuels et chez les usagers de drogues injectables, ainsi que chez les personnes nées à l’étranger et chez les personnes de plus de 50 ans.
En 2023, les déclarations de diagnostic de sida ont lieu majoritairement chez des personnes qui ignoraient leur séropositivité (64%), 16% connaissaient leur séropositivité et n’avaient pas été traitées, 21% avaient reçu un traitement. L’estimation du nombre des cas de sida a réargenté au niveau de 2019 après une baisse continue. Les chiffres de sida soulignent l’importance du lien aux soins et la prévention des interruptions de traitement ou de suivi.
Un nombre de tests de dépistage en hausse
Sur la période 2021-2023, l’augmentation des sérologies est importante avec +25% (+14% pour les sérologies confirmées positives). L’accélération du recours au dépistage VIH a continué en 2023, avec 7 millions et demi de sérologies réalisées. Le nombre de tests positifs pour 1000 tests réalisés continue à diminuer, avec 1,5 sérologies positives confirmées. Un chiffre à interpréter avec prudence compte tenu notamment de la répétition des tests, recommandée dans les groupes les plus exposés.
L’utilisation des tests rapides d’orientation au dépistage (TROD) communautaires, a légèrement augmenté, avec environ 50000 tests réalisés en 2023. Les ventes d’autotests représentent le même volume, n’ont pas réaugmenté après la baisse pendant la crise sanitaire.
A travers le SNDS, les données de remboursement permettent d’affiner ces données par sexe et par âge : cette augmentation récente du dépistage est plus importante chez les hommes et les femmes cis de 50 ans et plus. Chez les femmes cis, le dépistage est beaucoup plus important dans la tranche d’âge 25-49 ans, ce qui correspond à l’âge auquel sont réalisés la majorité des tests prénataux.
Une exhaustivité en forte hausse
La participation des professionnels de santé aux deux principaux systèmes de surveillance utilisés par Santé publique France s’était déjà améliorée en 2022 et elle a continué à s’améliorer en 2023: pour le VIH, 85% des laboratoires ont participé. Les chiffres de déclaration obligatoire du VIH atteignent donc 70% d’exhaustivité, soit presque le niveau d’avant Covid. Une excellente nouvelle pour la qualité des données, même si, avec ce niveau d’exhaustivité, le nombre de découvertes de séropositivité continue à devoir être estimé par calcul de correction, mais les estimations sont plus précises.
L’impact de «VIHTest»
Cette augmentation du nombre de tests de dépistage est à mettre au crédit de l’initiative «VIHTest», qui permet à tout le monde de se rendre dans un laboratoire de biologie afin de réaliser un test de dépistage sans avancer d’argent et sans ordonnance. Ce dispositif, en croissance très rapide, explique à lui seul la moitié de l’augmentation globale constatée sur les tests remboursés. «VIHTest», en place dès janvier 2022, a longtemps connu un palier de 30 000 tests par mois jusqu’en février 2023, avant de voir son utilisation augmenter jusqu’à 60 000 tests par mois, comme en novembre 2023. Notons également que chez les personnes ayant eu recours à «VIHTest», le nombre de tests chez les personnes de 50 ans, particulièrement les hommes, augmentent plus vite que dans les autres catégories d’âges.
L’importance des Techniciens d’études cliniques (TECs) des COREVIH
Alors qu’une réforme des Comités de coordination de la lutte contre les infections sexuellement transmissibles et le virus de l’immunodéficience humaine (COREVIH) est en cours, Santé publique France a insisté sur l’importance du rôle des TECs, qui sont responsables de 63% des déclarations de diagnostic VIH et 82% des déclarations de cas de sida. Pour Françoise Cazein, épidémiologiste en charge de la surveillance du VIH, on ne peut que souhaiter que les futurs CoReSS soient en mesure de continuer à remplir le rôle que les COREVIH jouaient : «Sans ça, je vois mal comment la déclaration obligatoire du VIH pourra perdurer dans de bonnes conditions et avec une bonne exhaustivité. Leur rôle est important en particulier sur la complétude des données puisqu’il s’agit du volet clinicien des déclarations obligatoires qui rapportent des informations sur le mode de contamination, le pays de naissance, les diagnostics tardifs, toutes choses qui sont d’un intérêt majeur dans la déclaration obligatoire, et qui font qu’il ne s’agit pas seulement d’un comptage de cas.»
Comprendre des chiffres qui baissent moins qu’attendu
Eu égard à la proximité de l’échéance de 2030 pour la fin de la transmission du VIH, l’absence de baisse dans les dernières années du nombre de nouveaux diagnostics a de quoi vraiment décevoir. Il faut noter cependant que les augmentations constatées depuis 2020 ne conduisent pas à retrouver le niveau d’avant crise sanitaire. Le dépistage a fortement augmenté, il a certes pu nourrir le nombre de découvertes, mais la PrEP a continué d’augmenter en bénéficiant principalement aux HSH, une population qui a fréquemment recours au test et dans laquelle on ne voit pas la baisse se poursuivre, y compris chez les hommes nés en France.
Les personnes nées à l’étranger sont une part importante des nouveaux diagnostics. Mais il faut mettre en regard de ces chiffres la forte augmentation des entrées en France après la crise sanitaire. Selon les données Insee entre 2012 et 2022, 2,8 millions d’étrangers sont entrés sur le territoire, dont 795 000 entre 2020 et 2022 sont entrés sur le territoire. Ces personnes aux profils variés viennent pour étudier, rejoindre des parents, travailler ou pour chercher une protection contre des guerres, des violences ou des discriminations. Parmi elles, environ 1 sur 5 vient d’Afrique sub-saharienne, où l’épidémie recule mais reste forte.
Le fait que l’Angleterre et l’Allemagne rapportent aussi une augmentation du nombre de diagnostics sur la période 2021-2023 invite à interroger le retentissement de la crise sanitaire qui a touché le monde entier en même temps: Quels changements, voire bouleversements profonds la crise sanitaire a-t-elle laissé dans son sillon. Que ce soit dans l’exposition au risque, dans les relations entre les personnes, en particulier dans la sexualité, dans les pratiques ou la communication, mais aussi dans le fonctionnement, les pratiques des services qui concourent à la prévention et leur accès. Le poids de la crise sanitaire mondiale dans les attentes et les attitudes des personnes reste encore à appréhender.
Dans le champ de la prévention combinée, si le dépistage a une tendance croissante très forte et contribue à améliorer l’efficacité de l’effet préventif du traitement des personnes séropositives, la PrEP peut aussi être étendue comme le montre la part encore importante de HSH éligibles qui n’en bénéficient pas encore et qui sont plus éloignés des sources d’information,de la communauté gay et des services de santé sexuelle. Les hommes et femmes hétérosexuels sont encore quasiment absents de l’utilisation de PrEP et certaines populations notamment les hommes et femmes migrants plus exposés devraient aussi y avoir accès. De nombreux projets s’y attachent déjà en France. La PrEP injectable à libération prolongée est aussi une voie attendue pour atteindre ces populations.