Les journées thématiques Santé sexuelle 2024 de la SFLS, du SPILF et de Santé publique France ont été l’occasion de connaître enfin de nouveaux chiffres de prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. des infections sexuelles transmissibles sexuellement bactériennes, grâce aux résultats préliminaires de l’enquête PrévIST, basée sur une partie de la cohorte de l’enquête Contexte de la sexualité en France (CFS).
L’enquête CFS, réalisée par l’Inserm avec le soutien de l’ANRS-MIE, visait à étudier les pratiques sexuelles et préventives de la population générale en France. Un échantillon aléatoire de 20 000 personnes âgées de 15 à 89 ans a ainsi été interrogé via deux questionnaires, l’un par téléphone et l’autre en ligne, de novembre 2022 à décembre 2023. Une partie des participants, des personnes de 18-59 ans ayant déclaré avoir déjà eu un rapport sexuel au cours de la vie, a également été invitée à participer à l’étude PrévIST : ils se voyaient proposer un dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) et ont reçu un kit d’auto-dépistage à domicile pour trois ISTIST Infections sexuellement transmissibles. bactériennes —Infections à Chlamydia trachomatis (Ct), Neisseria gonorrhoeae (Ng) et Mycoplasma genitalium (Mg)— auxquelles s’ajoute la recherche d’une éventuelle infection à Papillomavirus humains (HPV) pour les 18-29 ans. Ces critères ont permis d’enrôler 13 600 sur les plus de 21 000 de CFS.
Les échantillons – urine, prélèvement vaginal ou prélèvement pénien – devaient être renvoyés au Centre national de référence (CNR) des IST bactériennes à Bordeaux et au CNR HPV à Besançon. Ces centres se sont par ailleurs occupés de communiquer les résultats aux participants, quel que soit le résultat pour Ct et Ng. Pour Mg, les résultats positifs étaient communiqués uniquement si la personne avait déclaré des symptômes. En effet, pour Mg, les recommandations nationales – SPILF, HAS, CNR, SFD – ne recommandent son dépistage qu’en cas de forme symptomatique, essentiellement pour éviter une augmentation de la pression de sélection des traitements antibiotiques (macrolides notamment), Mg étant déjà largement concerné par la question d’antibiorésistance. Le traitement n’étant recommandé qu’en présence de symptômes, les auteurs ne souhaitaient pas inquiéter inutilement les personnes concernées. Pour les mêmes raisons, les résultats HPV n’étaient pas communiqués.
Le taux d’acceptation global de l’étude est bon, à 36%: 4872 personnes sur 13 686 ont renvoyé leurs prélèvements aux CNR.
Des chiffres bas
Ces résultats préliminaires, qui concernent exclusivement l’Hexagone, montrent des chiffres très (trop?) faibles: la prévalence de l’infection à Chlamydia était de 0,58% chez les hommes et de 0,93% chez les femmes (10 cas pour les hommes et 22 pour les femmes), avec une concentration plus élevée chez les moins de 30 ans.
En ce qui concerne le Mycoplasma genitalium, la prévalence était de 1,25% chez les hommes et de 3,06% chez les femmes (30 cas parmi les hommes et 41 chez les femmes), avec une concentration plus élevée chez les 30-39 ans. Ces résultats sont un peu en dessous des prévalences constatées dans d’autres pays et comme déjà rapportées de manière plus précise en Grande-Bretagne et par l’European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC).
Comme attendu, la prévalence varie en fonction de l’orientation sexuelle et du nombre de partenaires sexuels: ainsi, les personnes s’identifiant comme homosexuelles ou bisexuelles présentaient des prévalences plus élevées et les femmes qui déclarent avoir deux partenaires ou plus au cours des 12 derniers mois avaient une prévalence de 13,23% pour Mg. On retrouvait également une prévalence plus importante de Ct chez les femmes homo- ou bisexuelles par rapport aux hommes homo- ou bisexuels (7,44 versus 4,10).
Pour la gonorrhée, un seul cas positif a été détecté, ce qui rend donc impossible l’estimation de la prévalence. Ce résultat, plus que surprenant, souligne à la fois la difficulté de connaître la prévalence de Ng dans la population générale et le probable ancrage des cas existants dans des populations ciblées. À ce stade, selon Claire Sauvage (SPF), on ne dispose pas de données sur les antécédents de gonococcies traitées qui auraient pu dissuader les personnes concernées de se faire re-dépister.
Des résultats définitifs très attendus
Quelles sont les limites de ces résultats? La première, c’est que l’étude ne prévoyait pas de prélèvement anal ou gorge, seulement le premier jet d’urine et un prélèvement pénien. Le choix des prélèvements péniens peut surprendre, alors qu’ils ne sont plus réalisés dans les centres prenant en charge les IST (CeGIDD ou hors CeGIDD). SPF explique cette décision par la demande des CNR impliqués. L’absence de prévalence de portage oropharyngé est notable, surtout si on considère que la population française s’est habituée, avec le Covid-19Covid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. à réaliser des auto-prélèvements ORL de manière répétée et qu’on prend en compte la bonne acceptabilité de ces autoprélèvements chez les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. dans l’étude «MémoDépistages», également de SPF. En tout cas, il est possible que cette non-découverte de cas de Ng soit due, au moins en partie, au fait que les sites de prélèvement étaient inadaptés.
Enfin, pour l’instant, on ne connaît pas la corrélation de la prévalence avec les pratiques sexuelles. Toutefois, il est facile d’anticiper le fait que les rapports oro-génitaux sera en augmentation ou tout au moins à un taux élevé, comme relevé dans toutes les enquêtes en population générale depuis des années.
Claire Sauvage a bien rappelé que les données présentées étaient les toutes premières extraites et des analyses plus approfondies sont indispensables pour affiner ces résultats, mieux comprendre les facteurs de risque face aux IST et évaluer le recours au dépistage. Les données sur le HPV, non présentées à la SFLS, devraient également être éclairantes. Il faudra pour cela attendre la fin de l’année 2024, et la publication officielle des résultats de CFS 2023.
Étude SISTR’S: Dépistage des IST chez les femmes, un site ou 3 ?
Pour une recherche des principales IST bactériennes, un seul autoprélèvement vaginal est réalisé chez les femmes. Chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) en revanche, il est recommandé de réaliser des prélèvements sur les 3 sites (urines, anus, gorge).
Faut-il étendre ces mêmes recommandations aux femmes? C’est la question à laquelle tentera de répondre l’étude SISTR’S, présentée par Thierry Prazuck (CHU Orléans) lors des Journées santé sexuelle 2024. Cette étude française multicentrique veut interroger les stratégies de dépistage chez les femmes et évaluer le nombre d’IST qui seraient restées méconnues en se tenant à un prélèvement vaginal unique. À ce jour, les auteurs ont inclus 1347 personnes sur les 1500 recherchées, et on dispose des premiers chiffres de dépistage. Résultat, la réalisation de 3 prélèvements au lieu d’un seul a permis de diagnostiquer 38% de patientes supplémentaires porteuses d’une IST (chez qui, donc, le prélèvement vaginal était négatif). À suivre.