PrEP : anneau vaginal mensuel ou pilule quotidienne pour les jeunes femmes africaines ?

Dans les contextes d’épidémies VIH en Afrique australe, quels sont les outils de prévention les plus adaptés et acceptables, notamment pour les jeunes femmes ? Une étude menée en Afrique du Sud, en Ouganda et au Zimbabwe apporte quelques réponses. Note de lecture de Mélanie Plazy, chercheuse à l’université de Bordeaux, spécialisée en épidémiologie et santé publique internationale.

Malgré les efforts déployés au cours de la dernière décennie pour réduire l’incidence du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. à l’échelle mondiale, les adolescentes et les jeunes femmes vivant en Afrique sub-saharienne demeurent fortement affectées par cette infection, représentant environ 50 % des nouvelles acquisitions du VIH dans cette région.

Parmi les outils de prévention existants, la prophylaxie pré-exposition (PrEP) orale est recommandée par l’OMS depuis 2015 pour les personnes à risque substantiel d’infection par le VIH, dont les jeunes femmes en Afrique1. Cependant, pour qu’elle soit efficace, la PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. orale nécessite une prise quotidienne. Or, plusieurs études conduites en Afrique sub-saharienne ont montré que, bien que les femmes manifestent un intérêt pour la PrEP afin de se protéger du VIH, l’observance est souvent limitée, compromettant ainsi son efficacité 2.

Parmi les alternatives développées plus récemment en matière de prévention VIH, l’anneau vaginal mensuel à la dapivirine pourrait représenter une option plus discrète et moins contraignante pour certaines jeunes femmes. Bien que son efficacité préventive soit inférieure à celle de la PrEP orale (quand elle est prise de manière optimale), l’anneau vaginal mensuel est néanmoins recommandé par l’OMS comme une option additionnelle pour la prévention du VIH chez les femmes exposées à un risque substantiel d’infection par le VIH et ayant des difficultés à suivre une prise quotidienne de comprimé.

Design de l’étude

Dans les contextes d’épidémies généralisées d’Afrique australe, quels sont les outils de prévention les plus adaptés et acceptables ? Une étude menée en Afrique du Sud, en Ouganda et au Zimbabwe apporte quelques réponses3. Elle décrit l’observance à l’anneau vaginal mensuel à la davirapine par rapport à la PrEP orale quotidienne (à base de ténofovir disoproxil fumarate + emtricitabine), ainsi que la sécurité liée à ces stratégies préventives contre le VIH et leur préférence, auprès de jeunes filles de 16-21 ans, sexuellement actives, en bonne santé et séronégatives au VIH, sous contraception hormonale ou dispositif intra-utérin depuis plus de 2 mois, sans prophylaxie pré- ou post-exposition au cours des 3 mois précédents, et sans maladies chroniques.

Cette étude reposait sur un essai randomisé croisé incluant 247 participantes suivies pendant 18 mois au total, divisée en 3 périodes de 6 mois :

  • Période 1 (séquence 1 de la randomisation) : chacune des participantes était exposée à l’une des deux stratégies préventives (PrEP orale ou anneau vaginal), selon le bras de randomisation ;
  • Période 2 (séquence 2 de la randomisation) : chacune des participantes était exposée à l’autre stratégie préventive ;
  • Période 3 (choix) : les participantes ont eu le choix d’utiliser la PrEP orale ou l’anneau mensuel ou aucune des deux stratégies préventives.

Au cours de ces trois périodes, les participantes étaient conviées à des visites mensuelles lors desquelles il leur était fourni les outils de prévention : flacon avec 30 comprimés pour la PrEP orale, anneau vaginal mensuel. L’observance était évaluée à chacune des visites mensuelles en mesurant les concentrations intracellulaires de ténofovir-diphosphate dans les taches de sang séché pour la PrEP orale, et en examinant les concentrations résiduelles de dapivirine dans les anneaux vaginaux retournés. Les participantes bénéficiaient également d’un suivi personnalisé en fonction de leurs besoins vis-à-vis de l’observance, comprenant des messages SMS quotidiens ou hebdomadaires, un soutien en groupes lors de rencontres en face à face ou par WhatsApp, ainsi qu’un soutien individuel à travers des entretiens spécifiques apportant des conseils supplémentaires ou via un accompagnement par les pairs.

Résultats

La rétention des jeunes filles dans le projet de recherche à la fin des 18 mois (fin de la période 3) était de > 90%. Les résultats concernant l’observance ne différaient pas selon l’ordre d’exposition de la stratégie préventive (séquence 1 ou séquence 2 de la randomisation) ; par conséquent, les auteurs les ont présentés de manière globale entre les périodes 1 et 2 (figure 1A, C). Ces résultats indiquaient une observanceObservance L’observance thérapeutique correspond au strict respect des prescriptions et des recommandations formulées par le médecin prescripteur tout au long d’un traitement, essentiel dans le cas du traitement anti-vih. (On parle aussi d'adhésion ou d'adhérence.) similaire, que ce soit sous PrEP orale ou sous anneau vaginal mensuel, avec 57 % des participantes présentant une observance considérée comme élevée, 40 % une observance moyenne et 5 % une observance très faible, voire nulle (suggérant probablement une absence d’utilisation de la PrEP orale ou de l’anneau vaginal mensuel) (figure 1A, C).

Concernant la période de choix (période 3), 65 % des participantes ont opté pour l’anneau vaginal mensuel, 30 % ont choisi la PrEP orale, et seulement 5 % ont décidé de n’utiliser aucune des deux stratégies préventives. Deux facteurs significativement associés aux choix de la stratégie préventive ont été retrouvés :

  • signaler des rapports sexuels vaginaux au cours des 3 mois précédant l’inclusion était en faveur du choix de l’anneau vaginal mensuel (p=0,01)
  • continuer à recevoir des retours sur l’observance était en faveur du choix de la PrEP orale (p<0,001).

Au cours des 6 mois de suivi de cette période 3, ces choix sont restés relativement stables : 58 % des participantes ont continué avec l’anneau, 26 % ont maintenu l’utilisation de la PrEP orale, 13 % ont changé de stratégie préventive au cours des 6 mois, et 4% n’ont utilisé aucun produit. L’observance au cours de cette troisième période était similaire à l’observance observée au cours des périodes randomisées (figure 1B, D).

Figure 1. Observance de la PrEP orale quotidienne et de l’anneau vaginal mensuel en Afrique du Sud, en Ouganda et au Zimbabwe. 2019-2021

Ces résultats montrent un réel intérêt pour les jeunes filles vis-à-vis de la prévention du VIH. Ils montrent aussi une variété dans les choix, et ce, après avoir utilisé chacune de ces deux stratégies préventives. Ils soulignent ainsi l’importance de proposer plusieurs outils de prévention VIH afin de répondre aux différents besoins et préférences des populations. Par ailleurs, en ce qui concerne l’observance, elle était plus élevée que ce qui avait été observé dans les études précédentes. Les auteurs expliquent cela par :

  • la mise en place des visites mensuelles et
  • le suivi de l’observance de manière régulière avec plusieurs options de soutien à l’observance. Par ailleurs, un biais de sélection ne permettant pas la généralisation des résultats est aussi à souligner, puisque cet essai n’incluait que des femmes prêtes à avoir des visites mensuelles pendant 18 mois et une rétention > 90%.

En termes de sécurité et tolérabilité, aucune participante n’a interrompu l’utilisation de l’anneau en raison de problèmes de tolérance, et aucun événement indésirable grave lié au produit n’a été signalé avec l’une ou l’autre des stratégies préventives. Quatre femmes ont acquis le VIH au cours du suivi : une a séroconverti au sixième mois de la période randomisée de PrEP orale, une au cinquième mois de la période randomisée de l’anneau vaginal, une pendant la période de choix où elle avait choisi la PrEP orale, et une durant la période de choix où elle avait choisi l’anneau vaginal. Les quatre séroconversions étaient associées à une utilisation faible ou nulle des stratégies préventives, soulignant une fois encore que l’inobservance, l’abandon ou l’arrêt prématuré des méthodes de prévention, même très efficaces, sont le point clé de leur efficacité préventive dans la durée.

Conclusion

En conclusion, cette étude suggère que des formulations de PrEP à longue durée d’action, tel que l’anneau vaginal mensuel, pourraient être bien accueillies par les adolescentes et jeunes femmes africaines, offrant ainsi une alternative aux stratégies de prévention VIH actuellement disponibles. On regrette cependant que cette étude inclut un effectif très faible alors qu’elle est menée dans trois pays ; il aurait aussi été intéressant de stratifier les résultats sur le pays afin de permettre une meilleure compréhension d’éventuels enjeux liés au contexte.

Alors que d’autres types de PrEP à longue durée d’action, notamment injectables à base de cabotégravir, montrent aussi des résultats prometteurs chez les femmes cisgenres 4, il semble pertinent de poursuivre la recherche pour déterminer si le choix séquentiel de méthodes de PrEP, avec des périodes d’utilisation brèves, offre aux femmes une plus grande opportunité de choisir la stratégie préventive VIH qui répond à leurs besoins. Il sera également crucial de continuer à évaluer les niveaux d’observance de ces différents types de PrEP «dans la vraie vie», hors essai clinique, ainsi que de développer et évaluer des interventions visant à soutenir dans la durée les jeunes femmes qui opteront pour ces différentes stratégies préventives contre le VIH.

  1. WHO. Guideline on when to start antiretroviral therapy and on pre-exposure prophylaxis for HIV. 2015. https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/186275/9789241509565_eng.pdf?sequence=1 ↩︎
  2. Hanscom B, Janes HE, Guarino PD, Huang Y, Brown ER, Chen YQ et al. Brief report: preventing HIV-1 infection in women using oral preexposure prophylaxis: a meta-analysis of current evidence. J Acquir Immune Defic Syndr. 2016;73(5):606-608. ↩︎
  3. Nair G, Celum C, Szydlo D, Brown ER, Akello CA, Nakalega R et al, Adherence, safety, and choice of the monthly dapivirine vaginal ring or oral emtricitabine plus tenofovir disoproxil fumarate for HIV pre-exposure prophylaxis among African adolescent girls and young women: a randomised, open-label, crossover trial. Lancet HIV;10(12):e779-e789 ↩︎
  4. Delany-Moretlwe S, Hughes JP, Bock P, Ouma SG, Hunidzarira P, Kalonji D et al. Cabotegravir for the prevention of HIV-1 in women: results from HPTN 084, a phase 3, randomised clinical trial. Lancet. 2022; 399: 1779-1789. ↩︎

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