Menace sur l’AME : pas de santé sans éthique selon le CCNE

En attendant le retour devant l’hémicycle d’une proposition de réformer l’aide médicale d’État, promise par l’ancienne Première ministre, Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique, appelle à respecter les grands principes éthiques en matière de santé.

Dans un communiqué de presse daté du 16 janvier 2024, le Pr Jean-François Delfraissy exprime sa vive inquiétude sur plusieurs mesures du récent texte de loi «pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration», qui compromettent plusieurs grands principes éthiques en matière de santé. Il alerte ainsi sur «un préoccupant manquement aux valeurs fondamentales de fraternité, d’équité, essentielles au bien-être de tous» que pourraient entraîner les restrictions apportées à la prise en charge médicale des étrangers résidant en France et leur difficulté accrue d’accès aux traitements.

L’AME a été retirée du texte adopté au parlement avant Noël et le remaniement ministériel, mais pour obtenir le soutien de la droite et faire voter la loi Darmanin, l’ex Première ministre s’était engagée à présenter un texte à l’Assemblée début 2024, pour réformer le dispositif. Dans ce contexte, le président du CCNE, insiste sur la nécessité de l’AME, «cette aide cruciale pour les étrangers en situation irrégulière». «Toute modification substantielle de l’AME constitue un non-sens médical et économique, tant au plan individuel qu’à celui de la santé publique. Adopter une approche préventive, évite de surcharger le système de soin, réduit les coûts et diminue le risque de maladies transmissibles, préservant ainsi la santé des Français», rappelle-t-il.

Pour assurer des politiques de santé justes et équitables pour tous, le Pr Delfraissy souligne l’importance de maintenir une approche fondée sur la fraternité. Il rappelle que le comité demeure engagé dans la préservation des valeurs éthiques fondamentales, en s’appuyant sur les données de la science.

Des préoccupations récurrentes

Ce n’est pas la première fois que le CCNE se mobilise sur cette question : un communiqué du 12 octobre 2023 évoquait ces mêmes préoccupations, de même qu’un avis de 2017, «Santé des migrants et exigence éthique». De nombreuses voix se sont fait entendre pour préserver l’AME: lettre ouverte du Conseil national du sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. et des hépatites virales au Président de la République le 19 octobre, prises de position de nombreuses sociétés savantes (SPILF, SFLS, SFSP…) et institutions (Conférence des doyens de Médecine, Académie nationale de médecine), tribunes de médecins promettant de «désobéir» si l’Aide médicale d’État était supprimée… Le ministre de la Santé du gouvernement Borne, Aurélien Rousseau, a démissionné de son poste à la suite du vote de la loi immigration. Il avait plaidé: «L’AME est un dispositif de santé publique avant tout. Si on renvoie tout sur l’hôpital, on va faire une erreur énorme.»