Avec force données chiffrées, références et graphiques, l’organisation onusienne apporte des informations très intéressantes sur la planète sida. Une mine de données dont certaines méritent d’être mieux connues ou reconnues et qui donnent à réfléchir sur ce qui a été accompli et ce qui reste à surmonter.
Difficile d’en rendre compte de façon exhaustive : ce rapport présente les données épidémiologiques, identifie les écarts qui devraient être comblés et les différents scénarios possibles : prévention combinée, programmes de prévention ciblés, mobilisation des actions les plus efficaces pour réduire l’exposition et les nouvelles infections dans les différentes populations. L’Onusida évalue aussi les efforts financiers qui restent nécessaires: les dépenses dédiées au VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. des pays à ressources faibles ou limitées ont fortement augmenté entre 2010 et 2013, puis sont restées relativement constantes entre 2012 et 2022, à environ 21 milliards de dollars (à noter que dans ces fonds dédiés aux programmes, une grande partie vient de l’aide internationale: 26% dans les pays les plus pauvres, 32% dans ceux de niveau intermédiaire, et 15% dans les mieux lotis). Mais il faudra y ajouter 9 milliards à l’horizon 2025 pour répondre aux besoins, milliards qui sont loin d’être acquis. La crise sanitaire du CovidCovid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. est passée par là et les fonds nationaux, comme ceux apportés par les différentes aides bilatérales ou internationale, sont en baisse.
Diminution des nouvelles infections
Sur le plan épidémiologique, le traitement antirétroviral a évité 20,8 millions de morts entre 1996 et 2022, avec une forte accélération à partir de 2005. Depuis 2000, 3,4 millions d’infections de nouveau-nés ont été évitées.
Les nouvelles infections sont estimées à 1,3 million en 2022, chiffre le plus bas depuis 2010, avec des baisses particulièrement fortes dans les régions où le fardeau du VIH est le plus élevé, en tête l’Afrique australe et l’Afrique du Centre et de l’Ouest, respectivement – 57% et – 49%. La baisse est moindre dans les pays «occidentaux» (- 23%), les Caraïbes et l’Asie. En Amérique du Sud, l’épidémie poursuit une croissance faible, elle est en augmentation importante en Europe de l’Est (hors UE) et Asie centrale (+ 49%), au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (+ 61%).
Les succès en Afrique subsaharienne méritent vraiment d’être soulignés, avec des pays qui ont atteint les 95-95-95 : Bostwana, Eswatini (ex-Swaziland), Rwanda, Tanzanie et Zimbabwe.
Les groupes dans lesquels le renforcement des politiques structurelles et des actions de santé publique est identifié comme nécessaire sont les femmes et les adolescentes, les mères et les enfants, les populations clés encore trop négligées, voire sacrifiées, malgré le dépistage et les traitements. Il faut déployer une prévention plus efficace, en s’appuyant sur les différentes présentations de la PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. et sur des mesures structurelles pour un réel progrès des rapports de genre. Dans les pays subsahariens, l’effort à faire reste important avec des programmes accentués vers les hommes: 79% des hommes avec le VIH connaissent leur statut sérologique, 78% accèdent au traitement et 73% ont une charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. contrôlée alors que pour les femmes, ces indicateurs sont respectivement de 93%, 86% et 80%.
Des politiques des droits humaines
On s’attardera ici sur les actions pour les populations-clés et l’importante bibliographie citée à l’appui des données et des positions sur l’augmentation du risque résultant des attitudes des populations faites de rejet et de discrimination, des législations répressives et de leurs corollaires, le sous-financement des programmes reconnus comme efficaces.
Lois répressives et insuffisance des actions de réduction des risques pour les usagers de drogue : dans les données disponibles sur une trentaine de pays en développement, seuls trois (Malaisie, Seychelles et Maurice) dépassent 50% d’usagers de drogue sous traitement de substitution mais leurs programmes de distribution de seringues restent minimaux (à l’exception de Maurice). Pour trois autres (Birmanie, Inde, Bangladesh), la distribution de seringues existe à assez large échelle mais pas la substitution. Quant à l’autre vingtaine de pays africains, européens ou asiatiques pour lesquels les informations sont disponibles, ils sont indigents sur les deux tableaux. Les programmes de réduction des risques restent dispersés, très en dessous d’une couverture optimale et très largement sous-financés.
Le rapport rappelle, références à l’appui, la part du risque d’acquisition du VIH dû à la stigmatisation et à la discrimination envers les PVVIHPVVIH Personne vivant avec le VIH les travailleurs.es du sexe, les usagers de drogue, les personnes trans et les personnes qui ont des relations homosexuelles. Certains pays adoptent des législations un peu plus libérales sur l’identité de genre, la diversité des orientations sexuelles, mais d’autres vont en sens inverse : ainsi la Hongrie, le Pérou, la Fédération de Russie, mais aussi le Royaume-Uni et les États-Unis.
Typique des rapports des agences onusiennes, qui mixent les succès peut-être surévalués et les défis colossaux à relever, les enjeux structurels autour de grandes idées et les techniques d’intervention, ce rapport pourra être trouvé exagérément optimiste et excessivement chargé en vœux pieux. Il montre comment des pays à faibles ressources et subissant des épidémies à VIH massives se sont réorganisés en mobilisant leurs ressources internes et une part d’aide extérieure et ont drastiquement renversé la situation. L’Onusida rappelle ce qui a été obtenu grâce aux appels à l’équité pour les pays et les populations les moins dotés face à la grande pandémie du XXe siècle, et ce qui doit toujours être défendu par un plaidoyer sans concession.