Annie Luetkemeyer, du Zuckerberg San Francisco General Hospital, UCSF, a présenté ces résultats encourageants lors de la Conférence internationale 2022 de Montréal sur le VIH/sida. L’essai DOXYPEP étudiait l’intérêt de la prise d’antibiotiques en post-exposition contre les infections sexuellement transmissibles. Les précédentes données, issues de l’essai IPERGAY1Molina JM, et al. Lancet Infect Dis. 2018., soulignaient déjà l’intérêt et le proof of concept de la Doxycycline en post-exposition, pour la syphilis et les chlamydias, mais malheureusement pas pour les gonococcies (un résultat attendu vu les niveaux de résistance). Les résultats des examens trimestriels de DOXYPEP montrent eux une réduction d’environ deux tiers du risque de contracter une ISTIST Infections sexuellement transmissibles. bactérienne. La plupart des IST détectées étaient asymptomatiques.
L’essai DOXYPEP évaluait l’intérêt de la prise de 200 mg de l’antibiotique doxycycline dans les 72 heures qui suivent une relation sexuelle sans préservatif (pas plus d’une prise toutes les 24 heures). L’étude était ouverte aux hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes et aux femmes trans. Ces personnes sont particulièrement exposées face aux IST et devaient avoir connu un épisode d’infection sexuellement transmissible au cours de la dernière année pour rejoindre les cohortes.
DOXYPEP comportait un groupe pour les personnes séronégatives sous prophylaxie pré-expostition (PrEP) et un autre pour les personnes vivant avec le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. et les participants étaient censés être suivis pendant 12 mois dans des cliniques de santé sexuelle de Seattle et San Francisco. Tous les 3 mois était prévue une recherche d’IST. Les deux tiers de chaque bras recevait la doxycycline en PEP, et les derniers tiers un suivis classique de recherche d’IST.
Ces résultats très positifs ont poussé les chercheurs à interrompre l’essai un an avant la fin prévue: Face à la différence d’efficacité significative entre les deux bras, le comité de surveillance2Data and Safety Monitoring Board, DMSB a recommandé en mai 2022 de cesser le recrutement de nouvelles personnes. Toutes les personnes participant à l’étude ont eu accès à la doxycycline. Le design initial prévoyait de recruter 780 personnes au total, mais l’inclusion s’est arrêtée à 554 participantes (360 dans le bras PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. 194 dans le bras vivant avec le VIH).
Une efficacité élevée contre plusieurs IST
Dans le bras de randomisation des personnes séronégatives, l’efficacité était de 66%, avec 65 infections dans le bras témoin et 47 dans le bras doxycycline, qui comportait deux fois plus de personnes, soit une incidence trimestrielle de 29,5% dans le bras contrôle et de 9,6% dans le bras doxycycline. Parmi les participants séropositifs, l’efficacité était un peu plus faible, avec 62% d’efficacité. Trente IST ont été dénombrées dans le bras contrôle, et 31 dans le bras sous doxycycline, soit des taux d’incidence trimestriel de respectivement 27,8% dans le bras contrôle et 11,7%.
C’est contre les chlamydias que l’efficacité était la plus élevée, avec 79% chez les personnes séronégatives et 70% chez les personnes vivant avec le VIH. Contre les gonorrhées, elle était de 59% chez les personnes sans VIH et 57% chez les personnes séropositives.
Le chiffre légèrement plus élevé de cas observés chez les personnes sous doxycycline ne suggère pas que ces prises aggravent la résistance aux tétracyclines chez les gonococcies mais bien que la doxycycline est moins efficace pour traiter les gonococcies, à causes des résistances attendues. Concernant les gonococcies, seules 30% d’entre elles ont pu être étudiées dans le cadre de l’étude: 20% se sont révélées être des formes résistantes à la tétracycline, le traitement de choix, ce qui correspond aux chiffres américains connus. (Un chiffre inférieur à ce qu’avait évalué IPERGAY, avec 56%.)
Une prévention simple
Dans le cadre de cet essai, la doxycycline en post-exposition s’est montré sûre et tolérable (1,5% seulement des participants ont arrêté à cause d’effets indésirables), et l’observance a été élevée (87% des actes sexuels ont été couverts par la prise de doxycycline)
Annie Luetkemeyer a toutefois souligné le besoin majeur de données complémentaires de bactériologie, qui manquent à ce type d’études, quant aux risques de résistance (y compris S. aureus, Neisseria commensale, et plus généralement sur le microbiome intestinal). L’évaluation de l’impact sur le comportement sexuel est également en cours, et la sous-étude DoxyVac de l’étude ANRS Prevenir devrait également apporter des données complémentaires, particulièrement sur les gonococcies.