Contrairement aux années précédentes, donc, les chiffres de l’année 2017 n’ont pas encore pu être estimés à partir des déclarations obligatoires reçues à ce jour. En cause, la prise en compte dans l’estimation de l’exhaustivité de la déclaration obligatoire, les données manquantes et les délais concernant certaines déclarations, notamment en raison d’une augmentation du nombre de ces données manquantes. L’équipe de Santé publique France travaille en ce moment à l’adaptation de la méthode de calcul, avec des biostatisticiens, pour l’optimiser et l’automatiser.
Une nouvelle méthode d’estimation pour 2016
Parallèlement, une nouvelle méthode d’estimations de la prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. à l’infection à VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. pour l’année 2016 a permis à Santé publique France de présenter de nouvelles données, prenant en compte les personnes vivant avec le VIH perdues de vue et de mettre à jour la cascade de la prise en charge de l’infection.
Rappelons que pour l’année 2016, le nombre de découvertes de séropositivité VIH avait été estimé à environ 6 000. Le nouvel algorithme utilisé pour identifier les personnes vivant avec le VIH permet ainsi d’estimer dorénavant à 172 700 personnes environ le nombre de personnes vivant en France avec le VIH : 86% connaissent leur statut, 76% sont sous traitement et 74% ont une charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. contrôlée. (Notons que ce qui pourrait apparaître comme une augmentation statistique du nombre de cas n’en est pas une, il s’agit uniquement d’une modification de la méthode de calcul. Avec cette ancienne méthode, le nombre de personnes vivant avec le VIH en France était estimée entre 130 000 et 150 000.)
Ces calculs permettent d’estimer à 24 000 environ le nombre de personnes vivant avec le VIH sans le savoir, et à environ 4600 le nombre de personnes diagnostiquées mais pas encore suivies. Le nombre de personnes séropositives perdues de vue après la prise en charge serait de 6,4%, un chiffre en cours de confirmation. La taille de l’épidémie «cachée», ou non retrouvée, ne semble malheureusement pas évoluer depuis plusieurs années, ce qui n’est évidemment pas une bonne nouvelle.
Enfin, cette nouvelle méthode de calcul permet de confirmer un délai médian entre les différentes étapes du soins en France encore bien trop long : Environ 3,3 ans en moyenne entre l’infection par le VIH et le diagnostic, autant de jours sans le bénéfice personnel et populationnel de l’effet TaspTasp «Treatement as Prevention», le traitement comme prévention. La base du Tasp a été établie en 2000 avec la publication de l’étude Quinn dans le New England Journal of Medicine, portant sur une cohorte de couples hétérosexuels sérodifférents en Ouganda, qui conclut que «la charge virale est le prédicteur majeur du risque de transmission hétérosexuel du VIH1 et que la transmission est rare chez les personnes chez lesquelles le niveau de charge virale est inférieur à 1 500 copies/mL». Cette observation a été, avec d’autres, traduite en conseil préventif par la Commission suisse du sida, le fameux «Swiss statement». En France en 2010, 86 % des personnes prises en charge ont une CV indétectable, et 94 % une CV de moins de 500 copies. Ce ne sont pas tant les personnes séropositives dépistées et traitées qui transmettent le VIH mais eux et celles qui ignorent leur statut ( entre 30 000 et 50 000 en France). la personne infectée non dépistée étant potentiellement contaminante (cf. ci-dessous).
Les données brutes 2017
Sur la base des données brutes recueillies, Santé publique France a néanmoins pu décrire les caractéristiques des personnes ayant découvert leur séropositivité entre janvier 2017 et septembre 2018. Ces descriptions devront donc être confirmées ultérieurement à partir des données corrigées, mais on ne doit pas s’attendre à une surprise.
Ces premiers résultats sont possibles grâce à la déclaration obligatoire en ligne, qui permet de raccourcir les délais de disponibilité des données. Malheureusement, la proportion des données manquantes du fait de l’absence de déclaration du clinicien (si seul le laboratoire déclare, l’agence n’obtient que des données sommaires), ce qui complique la production de données corrigées.
Les populations les plus exposées
Comme pour l’année 2016, les hommes ayant des rapports sexuels entre hommes (HSH) et les hétérosexuels nés à l’étranger —dont les 3⁄4 sont nés dans un pays d’Afrique subsaharienne— restent les deux groupes les plus touchés, avec respectivement 45% et 38% des découvertes sur cette période. Les hétérosexuels nés en France et les usagers de drogues injectables représentent respectivement 15% et 1%, des proportions stables depuis 2015.
L’âge de la découverte de séropositivité
La répartition par âge varie selon les différents groupes: Ainsi, 42% des contaminations chez les hommes hétérosexuels nés en France ont eu lieu chez des plus de 50 ans, contre 31% chez les femmes hétérosexuels nées en France et 15% chez les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. Alors que c’est les HSH et les femmes hétérosexuels nées en France qu’on trouve la plus grande proportion de personnes de moins de 25 ans, avec 17% et 16% respectivement.
Les coinfections VHC et autres ISTIST Infections sexuellement transmissibles.
Entre janvier 2017 et septembre 2018, plus de 75% des usagers de drogues injectables, qui représentent une part minime des nouveaux diagnostics, ont découvert leur infection par le VHC en même temps que le VIH (contre 4% dans l’ensemble de la population). En ce qui concerne les autres infections sexuellement transmissibles, la proportion de HSH découvrant une autre infection lors de leur diagnostic VIH est en augmentation depuis 2011.
Les personnes transgenres
Santé publique France recense 185 découvertes de séropositivité entre 2012 et septembre 2018, dont 66% en Île-de-France. La majorité (71%) de ces personnes était née en Amérique (Brésil et Pérou), et 26% étaient découvertes à un stade avancé. Dans cette population également, le recours au diagnostic est insuffisant : 36% n’avaient jamais réalisé de test de dépistage.
Les découvertes au stade sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome.
Là encore, nous n’avons pas encore de chiffres pour l’année 2017, mais nous savons déjà que ces nouveaux cas de sida sont principalement diagnostiqués, 80% en moyenne, chez des personnes qui n’étaient pas sous traitement ARV. Sauf chez les usagers de drogues injectables, parmi lesquels 50% avaient déjà reçu des ARV avant le diagnostic de sida.
Les années passent, mais les chiffres varient peu : La France n’arrive pas à faire baisser le nombre des personnes infectées par le VIH, n’arrive pas à augmenter significativement le nombre de dépistages, et stagne sur le taux de dépistage tardif. Les chiffres de l’impact de la PrepPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. chez les HSH qui devrait être rendus public en Janvier 2019 et pourront nous renseigner sur la dynamique de l’épidémie dans cette population. Notre dossier de l’année dernière et ses analyses sont toujours d’actualité tant les choses ont malheureusement peu changé : Tant que l’efficacité du dépistage n’augmentera pas chez les personnes les plus exposées, que le recours à la Prep n’augmentera pas, le nombre des contaminations ne changera pas.