La conférence, du 23 au 27 juillet 2017, se tient à un moment clef de la réponse au VIH/sida, où la fin de l’épidémie est imaginable mais dans un contexte international particulier: «Face aux prises de position de Donald Trump et aux coupures de financement dans le champ du VIH/sida pour des raisons économiques aux Etats-Unis, l’Europe peut prendre le leadership à cette occasion et doit tenir sa place au plus haut niveau de la recherche, explique Jean-François Delfraissy, président de la conférence. La communauté scientifique sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. française est déjà la deuxième au monde. L’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et l’Angleterre ne sont pas en reste.»
La recherche fondamentale à l’IAS 2017
Françoise Barré-Sinoussi, co-récipiendaire du Prix nobel de Médecine 2008, a été à la tête de l’IAS (International Aids Society) entre 2012 et 2014. Pour la chercheuse, présidente du Conseil scientifique de l’ANRS (Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales), deux des grands enjeux de la conférence sont les vaccins —dont l’immunothérapie— et la recherche de nouveaux traitements, «pour aller vers une guérison, voire plus probablement, une rémission» : «Nous avons besoin de nouvelles données scientifiques.» Celle qui avait mené «Toward a HIV cure», «Vers une guérison de l’infection par le VIH», explique que cette initiative «a connu beaucoup de développement à l’international, et nous avons décidé d’inclure ces progrès dans différentes sessions de la conférence».
La session consacrée aux vaccins, présentée par le Pr Yves Levy, devrait, à ce sujet, être intéressante. «Il y a un gros focus cette année sur les anticorps neutralisant à large spectre, d’un point de vue protecteur et aussi thérapeutique, explique Françoise Barré-Sinoussi. Ces anticorps peuvent aussi être bispécifique : tuer le virus et bloquer les cellules infectées.»
Plusieurs sessions seront consacrées aux nouvelles réponses des acteurs de la réponse immune protectrice. Elles s’interrogeront sur les mécanismes de persistance du virus dans les cellules réservoirs, et sur les réservoirs eux-mêmes, ces nombreuses populations de cellules qui contiennent le virus à l’état latent.
Le rôle du microbiote, les facteurs de restriction (des facteurs cellulaires pouvant empêcher la réplication de certains virus), les marqueurs identifiants les cellules atteintes sont également au programme.
Des outils contre le cancer utilisés contre le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi.
Pour les nouveaux traitements, c’est du côté des médicaments contre le cancer que les chercheurs commencent à regarder. Les ponts thérapeutiques qui sont en train de se bâtir entre la recherche en oncologie et la recherche en infectiologie —«Nouveaux, mais importants», pour Françoise Barré-Sinoussi— feront l’objet d’une présentation en plénière, en particulier sur l’identification des inhibiteurs de la molécule PD1PD1 «Programmed cell death 1» (aussi désignée PDC1, PD1 ou PD-1) est une protéine de surface cellulaire encodée par le gène PDCD11 et exprimée notamment à la surface des lymphocytes T activés. et leurs utilisation dans l’immunologie du cancer, par le professeur Tasuku Honjo.
En effet, dans les deux champs médicaux, les médecins font face à une immuno-suppression et à un contexte inflammatoire. Dans les réservoirs viraux, la prolifération des cellules se réalise par clonage, comme pour les cellules tumorales. Dans de nouvelles études, les oncologues utilisent des agents bloquant les molécules à leur surface.
En infectiologie, de nouvelles études chez des personnes vivant avec le VIH touchées par un cancer viennent d’être lancées pour évaluer l’impact du traitement anti-cancer sur leur charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. et nous aurons les premiers résultats en 2018.
La prudence reste toutefois de mise : seuls 30% des patients cancéreux répondent à ces nouveaux traitements et certains font face à la “libération” du système immunitaire ainsi induite. «Nous nous attendons à voir des effets indésirables graves, prévient Françoise Barré-Sinoussi. C’est pour cela qu’on associe les représentants des patients pour savoir ce que ces derniers sont prêts à accepter. C’est aussi pour cela que la recherche de nouveaux bio-marqueurs est extrêmement importante. Il faut mener ces recherches en parallèle.»
Les liens entre ces deux univers de recherche feront également l’objet d’un forum pré-conférence à l’institut Curie, les 21 et 22 juillet.
Toujours en recherche clinique, la conférence présentera une série de données intéressantes, comme les traitements à longue durée d’action (à base de nanoparticules), des informations sur la 2ème et la 3ème génération des inhibiteurs d’intégrase, ainsi que des résultats sur une nouvelle génération d’inhibiteur de fusion par voie orale.
Prévention biomédicale et santé publique
Le Pr François Dabis, tout juste nommé à la tête de l’ANRS, insiste également sur l’importance de la recherche en prévention et en santé publique: «Il n’y a plus de débat sur traiter ou prévenir : c’est la même chose. Il s’agit maintenant d’évaluer l’impact de ces recommandation sur la dynamique de l’épidémie.»
La conférence de l’IAS sera le lieu des retours d’expériences sur les avances des dernières années. «Nous avons encore trop peu d’informations sur le passage à l’échelle», regrette François Dabis. Et trop de personnes n’ont pas accès à un traitement. Si la France, avec 81% de personnes vivant avec le VIH sous traitement ARV, tire son épingle du jeu au niveau du second objectif des 3 x 90 de l’Onusida, ce chiffre s’effondre au niveau mondial: Seuls 45% des personnes séropositives sont sous traitement.
Les preuves scientifiques se sont accumulées en faveur de la PrepPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. (prophylaxie pré-exposition) ces dernières années. De nouvelle données scientifiques concernant l’usage de la Prep dans la «vraie vie», aux USA, en France et dans certains pays à ressources limitées viendront éclairer les débats.
Prep toujours, Paris, dans le cadre de l’initiative «Vers Paris sans sida», vient d’inclure les 150 premières personnes dans le programme scientifique ANRS PREVENIR. Cela concerne les premiers centres de l’APHP ouverts : Saint Louis, Tenon, Hotel-Dieu, Bichat. L’essai propose aux HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. sur la capitale une offre de prévention diversifiée la plus complète possible et en étudiera l’impact, ce sur une cohorte de plusieurs milliers de personnes. Durant la Conférence de l’IAS, la communication de «Vers Paris Sans sida» va s’intensifier avec notamment une intervention de Michel Sidibé devant le Conseil de Paris et un symposium communautaire «Populations clés affectées» à l’Hôtel de Ville.
Enfin, les chercheurs discuteront comment améliorer le lien entre dépistage et mise sous traitement, en particulier dans les pays du Sud mais aussi dans les pays du Nord, pour les populations clés (HSH, personnes migrantes).
Déclaration de Paris
Un programme dense, donc, pour cette conférence «HIV Science», qui souligne par sa seule existence, l’importance de la recherche. Les organisateurs souhaitent d’ailleurs profiter de cette occasion pour porter une déclaration de Paris, qui soulignera la nécessité de continuer à réfléchir et à financer la science. Pour Jean-François Delfraissy, «il faut redire l’importance de la stratégie de financement de la science pour gagner face aux maladies».