PrEP : nouvelles molécules, nouvelles questions

Les sessions de communications orales libres du 19 juillet étaient consacrées à la prophylaxie pré-exposition. 

L’administration Orale de maraviroc (MVC) à des macaques nouveaux-nés ne previent pas l’infection par le SIV

Oral administration of maraviroc, in infant rhesus macaques, fails to prevent SIVmac oral transmission – E. Brocca-Cofano USA

Comme pour des études antérieures utilisant la voie intra-rectale, le maraviroc ne semble pas avoir d’efficacité dans la prévention de l’acquisition du SIV par voie orale chez des macaques nouveau-nés, pour des raisons qui ne sont pas encore parfaitement claires : utilisation d’un autre corécepteur, pouvoir d’attachement réduit chez le macaque par rapport à l’Homme… il est possible que le macaque ne soit pas un bon modèle pour le MVC en prévention… ou que le MVC ne soit pas un bon outil de prévention !

Une étude de phase II de PrEP à base de maraviroc chez les femmes aux USA

HPTN 069/ACTG A5305: phase II study of maraviroc-containing regimens for HIV PrEP in United States (U.S.) women R. Gulick, (USA)

Le MVC présente des avantages théoriques à l’utilisation en prévention. Les résultats de la même étude multicentrique randomisée contre placebo chez les hommes ont déjà été présentés à la CROI en 2016 ; R. Gulick présente ici les données concernant les femmes. Le critère d’inclusion était d’avoir des rapports non protégés avec un homme de statut VIH+ ou inconnu. Quatre options de traitement ont été étudiées : MVC+FTC, MVC + tenofovir, MVC seul, et Truvada en bras contrôle. Chaque traitement était accompagné des placebos des autres molécules afin que l’essai reste en double insu, et tous les bras comportaient un traitement (il n’y avait pas de bras avec placebo uniquement) : en pratique, chaque femme prenait 3 comprimés une fois par jour. Il ne s’agit pas d’une étude d’efficacité (l’efectif est bien trop faible) mais d’une étude de tolérance. Les critères de jugement étaient essentiellement les effets secondaires de grade 3.

Résultats : les données de 188 femmes, d’âge médian 35 ans (65% noires, 27% blanches) ont pu être analysées; 4 % avaient une IST pendant la période de screening. 85% des femmes ont poursuivi l’étude, 19% ont arrêté le traitement de l’étude en cours, souvent pour cause de grossesse (prévu dans le protocole). A noter deux anomalies congénitales (identiques a priori aux taux observés dans la population générale).

Quarante-huit évènements de grade 3 sont survenus, sans différence entre les 4 bras, et onze sont considérés comme liés aux traitements de l’étude. Les évènements de grade 2 et plus ont également été analysés lorsqu’ils survenaient chez > 5% des patients : on retrouve essentiellement l’hypophopshorémie, les maux de tête et les infections urinaires.

Le taux d’IST pendant l’étude a été assez faible (2%) ; 65 et 60% des patientes avaient des taux de molécules détectables à 24 et 48 semaines, illustrant une assez mauvaise observance

On n’observe pas d’acquisition du VIH pendant l’étude, mais il faut mettre cela en rapport avec le faible taux d’IST et le faible effectif. On en conclu que la tolérance est bonne et l’observance mauvaise…

Persitance de taux détectables de rilpivirine à longue durée d’action (RPV-LA) après une injection unique

Persistence of rilpivirine following single dose of long-acting injection I. McGowan (USA)

Cette étude n’avait pas été programmée initialement dans le schéma de développement de la RPV-LA, les patients inclus dans l’étude simple dose de rilpivirine devaient normalement embrayer directement sur une étude multidose mais pour des raisons techniques cela n’a pas été possible. Les patients ayant donc reçu une seule dose lors de la première étude se sont donc vus proposer un dosage de résiduelle de leur injection unique au moment de l’inclusion dans l’étude à doses multiples. On dispose donc ici de données pharmacocinétiques à très long terme après une simple dose de RPV-LA (utilisée à différents dosages). Il ne s’agit pas d’une question purement théorique puisque une contamination sous RPV-LA a déjà été décrite autour d’une étude de tolérance (Penrose K et al. JID 2016). Sept personnes ont pu participer à ce dosage de résiduelle : 7/7 (100%) avaient des taux détectables 541 jours en moyenne après l’injection unique, dans le plasma comme dans les prélèvements vaginaux. La concentration plasmatique moyenne était de 4.1 ng/mL.

Les molécules « d’action prolongée » portent donc plus ou moins bien leur nom, en sachant que manifestement la persistance de la molécule dans le plasma à des taux faibles est prolongée, mais pas forcément l’action préventive qui devrait aller avec avec…

Balance bénéfice risque entre PrEp et émergence de résistance virale sous PrEP

Benefits of pre-exposure prophylaxis relative to drug resistance risk R. Grant, (USA)

En cas d’échec, la PreP pourrait être une cause résistance virale, mais la présence d’une résitance pourrait également être une cause de l’échec de la PrEP…. Jusqu’à 60% de résistance au TDF/FTC ont été décrites dans certaines études en cas d’échec virologique sous traitement de 1ère ligne (Tenores Stydy, Lancet 2016).

Une revue systématique des essais a ainsi été réalisée par l’OMS. Une première revue (Fonner et al. AIDS 2016), pour 9 222 patients inclus dans des essais de PrEP, 5 ont été associés à une infection par un virus résistant (contre 1/6672 dans les bras placebo). En analysant 3 études comparant TDF et placebo et 6 études avec TDF/FTC, les taux de résistance chez les patients exposés à la PrEP restent très faibles, et le rapport bénéficie-risque est en faveur de l’utilisation de la PrEP : pour l ‘association TDF/FTC, quand on cumule les données des essais iPrEx, Partners in PrEP, TDF2, FEM-PrEP et VOICE, 92 infections sont évitées grâce à la PrEP et 11 /180 patients qui s’infectent sous PrEP aboutissent à la sélection d’un virus résistant. Par ailleurs, l’essentiel des résistances détectées chez les patients sous PrEP survient en fait chez des patients qui sont en primo-infection au moment de l’introduction de la PrEP (NDR : d’où les mesures d’encadrement très strictes de cette période d’initiation dans le cadre de la RTU française). En utilisant des tests ultrasensibles, le rapport bénéfice/risque change très peu.

La concentration résiduelle en Dapivirine dans les anneaux vaginaux est un marqueur de l’observance

Residual dapivirine ring levels indicate higher adherence to vaginal ring is associated with HIV-1 protection Elisabeth Brown, (USA)

L’essai MTN-020 ASPIRE a montré que le taux d’efficacité des anneaux de Dapivirine (cf. Chroniques de la CROI 2016) était de 27% globalement, meilleur chez les femmes qui avaient une meilleure observance de l’utilisation de l’anneau. Dans cette étude, les femmes étaient sensées revenir tous les mois avec l’anneau en place, anneau qui été remplacé par un nouveau. Les femmes bénéficiaient d’un test de dépistage mensuel et tous les 4 mois d’une mesure de l’ARN viral. Concernant l’utilisation réelle des anneaux de Dapivirine, deux taux ont été mesurés : un taux plasmatique au moment de la visite et le cumul de l’utilisation des anneaux, qui paraît être un meilleur indicateur d’observance globale (le taux plasmatique illustre l’utilisation de l’anneau dans les 8 heures qui précèdent sa réalisation). Les anneaux sont chargés à 25 mg, on s’attend à avoir une dose résiduelle dans l’anneaux de 20-21 mg s’il a été utilisé un mois, et 24-25 mg en cas de non utilisation. Les limites utilisées pour l’analyse dans cette étude ont été : <23.5 mg : observance haute ou basse ; ≥ 23.5 : non observance ; et un taux « intermédiaire » < 22 mg définissant une observance moyenne à élevée. La comparaison des trois valeurs montre que la protection est de 33% en cas de non-observance, 56% pour les observances hautes à basses, et 65% de réduction de risque pour les observances moyennes à hautes. Pour le 1/3 supérieur des femmes les plus utilisatrices, la protection monte à 75%. Par contre les données de l’étude ne permettent pas de définir un seuil du « niveau d’utilisation protecteur » : la relation entre utilisation et infection est très linéaire… Par ailleurs cela pose la question de savoir si le dosage actuel est adéquat (mais finalement, moins du ¼ de la Dapivirine de l’anneau est relarguée à un mois, ce qui fait qu’une augmentation de la charge en Dapivirine ne se traduirait pas nécessairement par une augmentation de l’efficacité… et que l’anneau pourrait être utilisé plusieurs mois en restant efficace.

Cet article a été publié sur le site du COREVIH Bretagne. Nous le reproduisons avec l’autorisation de l’auteur.