Lundi 18 juillet, première journée au Congrès. Difficile de s’extraire du centre historique de Rome pour filer vers le Parco Dela Musica, via Pietro de Coubertin. C’est pourtant le jour d’une session phare, celle qui cumulait les résultats complets de l’HPTN 052 et les deux essais de Prep hétérosexuelles, et aussi le jour des contrastes. En effet, on découvrait le matin le sous-sol borgne et bas de plafond qui entassait les posters et les stands industriels ou associatifs, en lumière artificielle qui plus est, et le soir la communauté française s’émerveillait du lieu retenu pour l’invitation conjointe de l’Agence nationale de recherches sur le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. et les hépatites virales (ANRS), Sidaction et Esther: le Palais Farnèse ! Terre et journée de contrastes donc.
Dans l’immense Room n°1, où s’était translatée, pour cause d’affluence, la session HPTN 042/PreP, il y avait un sentiment commun d’être là ou il fallait être. «Une session, a précisé Bertrand Audoin, le nouveau directeur exécutif de l’IAS (International Aids Society), qui a été montée à la hâte, hors programme initial, dés lors que le groupe américains des HPTN annonçait avoir des résultats intéressants.»
De fait, même si l’on avait déjà vu les communiqués de presse, il y avait là de quoi remplir 4 communications orales et la salle plénière. Tout pour enfoncer le clou de l’efficacité de Treatment as/is prévention (TasP).
L’essai HPTN 052
C’est le docteur Myron Cohen, de l’Université de Caroline du Nord, l’investigateur principal de l’essai, qui a présenté ces résultats : 10 838 individus screenés, 1763 couples stables sérodifférents — un partenaire séropositif et l’autre séronégatif — retenus (ca fait 3526 individus).
Les chercheurs ont comparé l’impact d’une mise sous traitement antirétroviral immédiate et un traitement différé, commencé lorsqu’un des deux partenaires du couple avait un taux de CD4 inférieur à 200-250 cellules/mm3, sur le nombre de contaminations au sein des couples.
Au total, 886 couples dans le bras «immédiat» et 877 couples dans le bras «différé»: soit 278 aux Etats-Unis, 954 en Afrique et 531 en Asie (Thaïlande, Inde). L’Afrique était donc la plus représentée avec le Malawi, le Kenya, le Zimbabwe, l’Afrique du Sud… Environ 50 % de femmes, peu de rapports non protégés reconnus (entre 6 et 8%) et des CD4 du cas index à baseline entre 428 et 442.
Suite à ces premiers résultats, le comité indépendant surveillant l’étude a été on ne peut plus claire dans ca décision d’arrêter l’essai 18 mois plus tôt que prévu: «Nous recommandons que les résultats de l’essai soient annoncés le plus rapidement possible et que toutes les personnes VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. + aient accès au traitement ARV.»
96%
Quels sont ces résultats? En termes statistique, l’essai HPTN 052 démontre que le traitement ARV réduit de 96% la transmission du VIH! Les investigateurs ont comptabilisé 39 contaminations, 4 dans le bras de traitement immédiat et 35 dans le bras différé. Quant on s’intéresse au 28 contaminations linked, c’est-à-dire intervenus avec certitude au sein du couple, la différence est encore plus significative, confirmant que la traitement ARV protège de la contamination VIH chez ces couples sérodifférents.
Il est à noter que 82% des contaminations sont survenues en Afrique sub-saharienne, 64% de la femme à l’homme (aucune explication n’est fournie pour expliquer cette particularité) et 64% également avec plus de 350 CD4.
Mina Housseinipour s’est appliquée à identifier les raisons pour lesquelles 82% des contaminations de l’essai ont eu lieu en Afrique. Contrairement aux phantasmes culturalistes du sida il n’y a pas, dans une analyse multivariée, seulement une explication en termes d’activité sexuelle mais aussi des caractéristiques cliniques à l’inclusion plus péjoratives et une progression de la maladie moins efficacement freinée par les ARV.
Reste un certain nombre de questions :
– comment le TaspTasp «Treatement as Prevention», le traitement comme prévention. La base du Tasp a été établie en 2000 avec la publication de l’étude Quinn dans le New England Journal of Medicine, portant sur une cohorte de couples hétérosexuels sérodifférents en Ouganda, qui conclut que «la charge virale est le prédicteur majeur du risque de transmission hétérosexuel du VIH1 et que la transmission est rare chez les personnes chez lesquelles le niveau de charge virale est inférieur à 1 500 copies/mL». Cette observation a été, avec d’autres, traduite en conseil préventif par la Commission suisse du sida, le fameux «Swiss statement». En France en 2010, 86 % des personnes prises en charge ont une CV indétectable, et 94 % une CV de moins de 500 copies. Ce ne sont pas tant les personnes séropositives dépistées et traitées qui transmettent le VIH mais eux et celles qui ignorent leur statut ( entre 30 000 et 50 000 en France). est-il économiquement applicable?
– qu’elle est la transposition de ces résultats de Tasp à d’autres populations à d’autres populations et d’autres sexualités notamment les gays/hommes ayant des rapports avec d’autres hommes (HSH)?
– les recommandations internationales, et particulièrement, celles du groupe français Yéni, sont-elles influencées par ces résultats alors même que le TasP y est déjà intégré et que les critères de mise sous traitement n’ont plus rien à voir avec ceux de l’HPTN 052?
A suivre, donc.
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